En 2014, la Caisse a injecté d’importantes sommes dans l’énergie éolienne : 500 millions$ dans Invenergy et de 1,2 milliard $ dans London Aray. Ce type de décision s’accorde avec la stratégie de gestion de la Caisse parce que - contrairement aux énergies fossiles - les énergies renouvelables ne connaissent pas de fluctuations de prix et que les nouveaux projets d’énergies éoliennes produisent de l’électricité à un coût égal ou inférieur aux nouvelles centrales au gaz ou au charbon. Ajoutons que l’éolien et le solaire (http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2214629614000942) présentent des délais de construction plus courts, des échéanciers mieux respectés et moins de dépassements de coût.
Dans le cas des énergies fossiles, le tableau est inversé et il faut ajouter les risques associés à l’environnement ainsi que le manque croissant d’acceptabilité sociale. Nous avons pu remarquer ces éléments avec le retard pris dans les forages sur l’Île d’Anticosti, l’évaluation du BAPE sur l’exploitation des gaz de schistes dans la vallée du Saint-Laurent et les délais de mise en route des pipelines Northern Gateway, Keystone XL et Énergie Est.
D’autre part, le 25 février dernier, au moment où la Caisse diffusait son rendement, la Banque d’Angleterre dirigée par Mark Carney publiait un rapport mentionnant que la question climatique ne peut plus être écartée en tant que risque financier. Considérant les améliorations dans les énergies renouvelables et les économies d’énergie, la Banque d’Angleterre évoque le risque d’une dégradation importante des placements dans les énergies fossiles avec la transition vers une économie à faible intensité de carbone. Mark Carney adhère à l’idée du risque d’éclatement d’une bulle financière liée au carbone imbrûlable, ceci en se basant sur les travaux des experts sur le climat qui montrent que nous devrons laisser sous terre entre deux tiers et trois quarts des réserves de combustibles fossiles pour éviter un réchauffement planétaire supérieur à 2 °C.
Dans le rapport annuel 2013 de la Caisse, on peut recenser dans son portefeuille une valeur de neuf milliards $ en placements fossiles, dont quatre milliards $ d’actions d’entreprises exploitant les sables bitumineux albertains, quatre milliards $ dans le pétrole conventionnel, les pipelines et le gaz et un milliard $ dans le charbon. Ces compagnies ne sont pas préparées à la transition vers une économie à faible intensité en carbone. À titre d’exemple, si l’humanité confirme son intention de contenir le réchauffement planétaire sous les 2 °C, l’étude publiée dans la revue Nature de janvier 2015 montre que 85 % des sables bitumineux albertains ne pourraient pas être exploités en raison de l’absence de rentabilité.
La stratégie de gestion de la Caisse, telle qu’énoncée, mène logiquement à se départir des placements risqués dans les énergies fossiles. Elle est inconciliable avec le fait de demeurer actionnaire de 115 des 200 compagnies faisant le plus d’extraction d’énergie fossile partout à travers le monde. Au contraire, il faut augmenter les investissements dans les « titres de grande qualité » d’aujourd’hui et de demain : les énergies renouvelables.
Cette idée est en harmonie avec l’annonce de l’intention de la Caisse d’investir dans les infrastructures de transport en commun du Québec et avec l’injection de quelques 850 millions $ pour acquérir 30 % de l’Eurostar. Elle s’accorde avec l’appui que vient d’accorder l’ONU au désinvestissement des énergies fossiles ainsi qu’avec la décision récente du Fonds souverain norvégien - au premier rang mondial avec un actif de 850 milliards $ US - de désinvestir du charbon et des sables bitumineux.
En investissant à la Caisse, les Québécois cherchent à assurer leur futur. Les investissements dans les énergies fossiles sont inconciliables avec cette démarche. Soit l’humanité arrête rapidement d’utiliser ces ressources et leur valeur s’effondre, soit nous mettons en péril notre propre avenir. Dans ce contexte, nous ne pouvons que demander à la Caisse de se donner l’objectif de désinvestir des énergies fossiles, avec un plan concret et un échéancier pour l’atteindre.
Ce texte est cosigné par : Sébastien Collard, Recycle ta Caisse$ : au Québec désinvestissons des énergies fossiles ! ; Alain Brunel, Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) ; Patrick Bonin, Greenpeace Canada ; Karel Mayrand, Fondation David Suzuki ; Christian Simard, Nature Québec ; David Summerhays, Divest McGill ; Anthony Garoufalis-Auger, Étudiant(e)s contre les oléoducs (ÉCO) ; Jacques Tétreault, Regroupement vigilance hydrocarbures Québec (RVHQ) ; Cameron Fenton, 350.org.
Karel Mayrand est l’auteur du livre « Une voix pour la Terre : comment je me suis engagé pour la planète ».
Patrick Bonin est responsable de la campagne Climat-Énergie de Greenpeace Canada.
Jacques Tétreault est coordonnateur général et porte-parole du RVHQ.