Le projet de loi antiterroriste C-51 du gouvernement conservateur de Stephen Harper suscite, à juste titre, une foule d’inquiétudes.
Si ce projet de loi est adopté tel quel, les membres du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) pourront commettre toutes les infractions prévues au Code criminel, à l’exception de celles ayant pour effet de causer des lésions corporelles ou la mort d’une personne, de porter atteinte à l’intégrité sexuelle d’un Individu ou de détourner ou contrecarrer le cours de la justice.
Plusieurs personnes et organismes ont manifesté la crainte que ces nouveaux pouvoirs puissent se traduire par la répétition des abus perpétrés par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) durant les années ’70.
Or, nul besoin de remonter jusqu’à 40 ans en arrière, à une époque où le SCRS n’avait d’ailleurs pas encore été créé, pour trouver des cas spectaculaires de dérapages des services secrets canadiens.
Marc-André Boivin, Grant Bristow et Joseph Gilles Breault ont tous trois été informateurs pour le compte du SCRS ; et tous trois ont fait parler d’eux dans les journaux en raison de leur participation à diverses infractions criminelles pendant qu’ils travaillaient pour les services secrets canadiens.
Pendant quinze ans, Marc-André Boivin a mené une double carrière comme informateur et permanent syndical à la CSN, dans la région de Québec, avant d’être condamné à purger 15 mois d’emprisonnement, en 1987, pour sa participation à des projets d’attentats à la bombes visant des propriétés de l’homme d’affaires Raymond Malenfant.
Co-fondateurs du groupe néonazi Heritage Front, à Toronto, Grant Bristow a été le cerveau d’une intense campagne d’harcèlement contre des militants antiracistes, avant d’être lui-même démasqué en tant qu’informateur du SCRS, en 1994.
Se faisant passer pour un leader de la communauté musulmane, à Montréal, Joseph Gilles Breault, alias « Dr. Youssef Mouammar », alias « Abou Djihad », a quant à lui menacé de mort impunément un juge antiterroriste français et une journaliste britannique, allant jusqu’à proférer des menaces d’attentats biochimiques contre le métro de Montréal, durant les années ’90.
Ces trois cas d’agents provocateurs, tous forts biens documentés, démontrent de façon éclatante que les coups tordus des services secrets canadiens se sont poursuivis bien après les années ’70.
Si la révélation du double jeu de Marc-André Boivin et de Grant Bristow avait fait les gros titres des journaux à l’époque, les journalistes ont toutefois été beaucoup plus rares à informer le public sur le cas de Joseph Gilles Breault.
Malheureusement, il ne semble plus rester grand monde pour se rappeler de ces trois affaires retentissantes à l’heure où l’élargissement des pouvoirs du SCRS fait l’objet d’intenses débats publics au Canada.
Le fait que les noms de Marc-André Boivin, Grant Bristow et Joseph Gilles Breault brillent tous les trois par leur absence dans la couverture médiatique depuis le dépôt du projet de loi C-51 suggère d’ailleurs que les journalistes ne semblent pas surveiller d’assez près les activités du SCRS. Si les médias baissent la garde, les agents provocateurs des services secrets ne peuvent qu’en profiter pour faire tout ce dont ils ont envie.
C’est donc pour parer à cette lacune que la Coalition contre la répression et les abus policiers a décidé de publier le présent dossier, qui se veut le plus complet possible sur les antécédents des services secrets canadiens en matière de provocation.
Bienvenu dans le monde étrange du renseignement, où les champions de la manipulation et les pros de la provocation font la loi au mépris de la légalité !
http://www.lacrap.org/sites/lacrap.org/files/agents_provocateurs_au_service_de_letat_canadien.pdf