La gauche socialiste américaine comprend très bien dans quelle situation se trouvent les États-Unis, avec l’administration néolibérale de Joe Biden et la montée du néofascisme. C’est la raison pour laquelle elle voit très bien la possibilité que Biden et la classe capitaliste tentent de mettre la gauche socialiste et le mouvement d’extrême droite dans le même sac, afin de les réprimer simultanément.
L’histoire mondiale de la lutte des classes est là pour prouver comment les capitalistes ont toujours jumelé les socialistes et les communistes avec l’extrême droite pour mieux les détruire et les éloigner de la classe ouvrière. L’extrême droite est parfois utilisée par la classe capitaliste pour faire le « sale boulot » et détruire le radicalisme de gauche.
Pour tenter d’arrêter cette montée du fascisme, qui semble se consolider depuis l’action au Capitole, il faut commencer à construire un large front uni de toutes les forces antifascistes, incluant les éléments progressistes au sein du Parti démocrate. Par contre, la direction de ce front uni ne doit pas être dans les mains des Démocrates : la gauche socialiste américaine organisée doit s’en charger. Même si les forces fascistes aux États-Unis n’ont pas nécessairement une direction nationale, l’unité idéologique du mouvement est déjà en place.
Plus les forces policières mèneront des actions dirigées contre ces groupes et plus les franges avancées du mouvement fasciste vont comprendre la nécessité d’une direction nationale afin de structurer le mouvement, de recruter davantage dans les cinquante États et de construire des alliances avec les mouvements fascistes partout dans le monde.
La convergence des fascistes aux États-Unis est encore la stratégie promue par Steve Bannon de nos jours. Il souhaite effectivement structurer un mouvement international afin de réaliser son rêve d’une révolution aux États-Unis, mais aussi dans d’autre pays, surtout en Europe. Les fascistes ont besoin d’idéologues, et pour les États-Unis c’est Bannon.
Dans les écrits de Bannon, nous percevons sa conception du capitalisme, soit un capitalisme de libre marché basé sur la destruction d’un capitalisme financier et monopoliste. Ce type de modèle capitaliste est celui que les fascistes défendent traditionnellement (voir Robert O. Paxton « Le fascisme en action », 2004).
En somme, le fascisme rejette un capitalisme qui bénéficierait d’abord à une élite financière et culturelle. C’est la raison pour laquelle le fascisme attire, par son approche populiste (aux États-Unis et ailleurs), des éléments de la classe ouvrière. Ils défendent une certaine idée de la révolution. Une révolution fasciste avec des programmes sociaux et même syndicaux, comme Juan Perón les a institués en Argentine.
Ceci est la raison fondamentale pour laquelle la gauche socialiste américaine doit mener la lutte contre ce mouvement fasciste embryonnaire aux États-Unis (le prochain numéro de Jacobin abordera d’ailleurs cette question). La gauche socialiste présente une volonté révolutionnaire basée sur les priorités de la classe ouvrière, et guidée, contrairement au fascisme, par la lutte des classes.
Le discours se dirige vers un modèle de contrôle par la classe ouvrière des moyens de production. Un modèle qui prône un nouveau concept de la démocratie, soit une démocratie horizontale en opposition directe à la démocratie verticale promue par les partis traditionnels, même fascistes. Un programme inspiré par l’écosocialisme, l’égalité et le progrès pour l’humanité.
La bourgeoisie ne peut pas répondre au programme des fascistes. Elle ne peut pas aussi répondre aux besoins de la classe ouvrière et du peuple en général. La bourgeoisie ne pense qu’à faire des profits, non au bien-être du monde. Leur appel aux fascistes démontre qu’il y a une crise d’autorité dans leur système d’exploitation et d’oppression. La bourgeoisie doit ainsi faire appel aux éléments les plus réactionnaires afin de redresser l’accumulation capitaliste par l’imposition de la loi et l’ordre, l’unité nationale basée sur un nationalisme parfois ethnique (nazisme) et la destruction de la lutte de classe.
Le film « Metropolis » du cinéaste austro-hongrois Fritz Lang illustre, avec des images hallucinantes, le modèle fasciste. Le film montre la perte de l’individualité et l’endoctrinement aliénant imposé à la classe ouvrière, où la société est vidée de son humanité, sa créativité, sa conscience sociale et de classe, afin de remplir les fonctions de production sous la botte des fascistes, afin restaurer les profits pour la bourgeoisie.
La lutte que doit mener la gauche socialiste américaine, comme toute la gauche socialiste, est de promouvoir la nécessité d’un front uni contre la montée du fascisme, ainsi que d’un mouvement de masse pour détruire la bourgeoisie et son capitalisme.
Certes, la montée du fascisme n’est pas un événement heureux pour la classe ouvrière et les peuples des différentes nations. Nous avons tous les livres d’histoire pour nous éduquer, avec de nombreux documentaires pour nous décrire par l’image (comme Fritz Lang) l’atmosphère qui régnait sous le fascisme. Les écrits et les images ne nous manquent pas pour nous rappeler l’importance d’un front uni afin de combattre cette barbarie à nos portes.
Le 6 janvier était une leçon pour la gauche américaine : les conditions pour le fascisme existent déjà, mais la bourgeoise américaine ne voit pas encore cette menace comme imminente. Ceci veut dire que la bourgeoise américaine ne voit pas son autorité en danger et que leur démocratie néolibérale est bien en santé, surtout sous la tutelle du nouveau président Joe Biden.
Néanmoins, même si la bourgeoise demeure confiante avec Biden, en tout cas pour l’instant, la gauche socialiste américaine a tous les outils à sa disposition. Surtout avec les victoires aux élections de 2020, les luttes sociales et syndicales menées depuis 2016 et la popularisation de l’idée du socialisme, la gauche est prête à mener de l’avant un mouvement socialiste et à envisager un large front uni afin de répondre par une stratégie de classe à la montée du mouvement fasciste aux États-Unis.
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