L’aura qui entoure Mario Dumont a de quoi laisser pantois. Sans doute encore une fois la confusion entre mémoire et intelligence joue-t-elle ici à plein. Ses exploits de petit « génie en herbe » le suivent et sa facilité à répliquer rapidement par des piques semblables à celles que nous servent nos ados insolents ajoute au glaçage du gâteau en carton que personne n’a osé découper.
On cherche pourtant en vain les exemples de raisonnement économique convaincant chez cet orateur de taverne dont les propos d’« économiste » ne dépassent guère les poncifs néolibéraux qu’ânonnent les ignorants dans la rue : comme « c’est les riches qui font vivre les pauvres » ; « on paie trop d’impôts » ; « c’est bien beau l’environnement, mais faut des jobs » ; tous lieux communs dont la fausseté est pourtant facile à démontrer, ce dont s’acquitte avec constance et rigueur l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS).
J’avais gardé précieusement une chronique du savant « économiste » parue dans le Journal de Québec et le Journal de Montréal du 19 novembre 2016 dans le but de produire un jour un billet qui pourrait porter un titre comme Tout ce que vous devez éviter dans la rédaction d’un article. N’ayant jamais trouvé l’occasion de vous livrer cette analyse, j’ai décidé de jeter la coupure de journal il y a un peu moins d’une semaine.
Ironie du sort, une chronique étrangement bien écrite du 31 août 2018, m’a ramené à l’intérêt d’en parler et m’a obligé à rechercher le texte original sur le site du Journal de Montréal. J’énumère donc ici les principaux défauts de sa chronique du 19 novembre 2016, particulièrement mal écrite et intitulée Cassés, par idéologie.
1.Accumuler les paragraphes sans ménager de lien syntaxique. Les paragaphes un, deux, trois, quatre, puis sept, huit, dix et onze s’enfilent ainsi.
2.Donner l’impression de reprendre un nouveau récit à chaque paragraphe. C’est le cas des paragraphes deux, trois, quatre, sept, huit, dix et onze.
3.Énoncer des lieux communs comme des vérités révélées. C’est le cas notamment des paragraphes un et neuf. On affirme dans celui-là que l’enrichissement collectif entraîne nécessairement la pollution de toute nature. On déclare dans celui-ci que, comme société, nous refusons de savoir si une ressource est disponible et exploitable.
4.Se prendre comme point focal de ce que devrait penser la population. Le texte commence abruptement par l’énoncé suivant : « J’ai depuis longtemps accepté que la majorité des Québécois ne partage (sic) pas mon point de vue en matière économique. » Non, mais quelle nouvelle ! Depuis quand un simple chroniqueur s’estime-t-il l’aune à laquelle doit se mesurer toute la société ? On a l’impression d’entendre le petit caporal en polléon qui balade la France depuis le 7 mai 2017. [Note : Le polléon est un terme populaire au Québec pour désigner la fibre synthétique connue sous la marque Phentex.]
Si on compare à sa chronique d’hier 31 août 2018 et intitulée La travailleuse communautaire devenue cheffe, le progrès est remarquable. Les paragraphes s’enchaînent de manière souple même si l’usage des joncteurs de phrase est toujours absent. Le style n’est pas poussif et on n’a pas l’impression de recommencer un nouvel article à chaque paragraphe. La lecture en est fluide et agréable.
Hélas, trois fois hélas, la même prétention économique sert d’argument sans aucune démonstration. Habilement construit, l’article commence par vanter les qualités de Manon Massé, puis arrive dès le quatrième paragraphe l’affirmation péremptoire, qu’il convient de citer ici au complet : « Malheureusement, son manque d’intérêt pour l’économie constitue une faiblesse. On a l’impression qu’elle s’intéresse aux entreprises strictement lorsqu’il s’agit d’aller manifester une opposition à leurs projets " polluants ". Le sujet l’intéresse peu. Elle regarde l’économie avec les préjugés de la gauche radicale. »
Cette déclaration sert donc à discréditer tout discours et toute proposition de la co-porte-parole solidaire. Et cela, malgré les faits, car Québec solidaire a présenté le 27 août 2018 un plan concret de financement de ses dépenses qu’on peut consulter sur le web. Le document s’appelle Comment on va payer pour ça ?
Ansi, on peut affirmer sans ambage que Mario Dumont regarde l’économie avec les préjugés de la droite et qu’il prétend disqualifier tout discours s’opposant à sa vision sur simple déclaration du dogme qu’il faut polluer pour se développer, dogme constatable dans les deux articles cités, où chaque fois il associe progrès économique à pollution. Cette façon de mettre le couvercle sur les discours alternatifs est en tous points semblables à la manière dont les duplessistes discréditaient tous les progressistes en les traitant de « communistes » ou d’« athées ». Ça me rappelle mon enfance dans ma creuse campagne où l’intelligence était profondément méprisée puisqu’elle ne pouvait qu’émaner de non-croyants.
Denise Bombardier n’agit pas autrement en déclarant dans son article du 31 août 2018, intitulé La fatigue électorale déjà ! : « Bien sûr que l’accession au pouvoir de Québec Solidaire serait une catastrophe économique. En une semaine, Manon Massé et son jeune colocataire du pouvoir ont promis d’investir 11 milliards de dollars dans des promesses irréalistes et irresponsables. Pour ne rien dire des nationalisations prévues au programme de QS. » Faisant par là totalement fi du cadre financier précis présenté par Manon Massé, Vincent Marissal et Simon Pepin-Tremblay le 27 août dernier, lequel cadre permet de récupérer 13 milliards sans aucune coupure de service ni augmentation des impôts pour les classes moyenne et inférieure.
Le recours à l’« économie » comme un deus ex-machina, mais sans aucune argumentation réelle ni aucune démonstration, relève d’un foi aveugle, qui incite à jeter sur toute énonciation contestatrice le voile de l’ignorance et de la bêtise.
Si on veut faire le lien avec ce qui se passe de l’autre côté de l’Atlantique, on constate que le ministre démissionnaire de la Transition écologique en France, Nicolas Hulot, est l’illustration parfaite de l’écologiste naïf trompé par les promesses du tout à l’économie, dont on s’empresse de vanter les qualités de cœur pour disqualifier son opposition à la honteuse prédation de « l’économie ». Religion qui ne souffre pas qu’on mette le doigt sur ses mensonges et ses incohérences.
Il semble bien que les chantres de « l’économie » ne considèrent comme réalistes que le pillage, le gaspillage et la cruauté.
LAGACÉ, Francis
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