Cet éloge dithyrambique du pétrole est tellement caricatural que l’on peut se demander si M. Chassin n’est pas le pendant pétrolier d’un Obélix qui salive devant une marmite de potion magique lors d’une cérémonie initiatique du village gaulois.
Je ne suis pas économiste, mais j’ai fait quelques lectures au sujet des hydrocarbures. Ce qui frappe le lecteur averti dans cette étude d’AppEco, c’est tout ce qui n’est pas dit. Bien sûr, dans son communiqué du 22 mars, M. Stéphane Forget, président-directeur général de la FCCQ (http://quebec.huffingtonpost.ca/stephane-forget/), dit du bout des lèvres ce qui suit : « Même si l’objectif est de réduire de façon importante la quantité de produits pétroliers consommés d’ici 2030, il est essentiel de reconnaître et de tenir compte de la contribution de cette industrie à l’économie québécoise. » C’est peut-être bon pour l’industrie pétrolière, mais, y aurait-il d’autres solutions pour l’économie du Québec ? L’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) nous apprend que, mondialement, 8,1 millions d’emplois ont été créés dans le secteur des énergies renouvelables. Le même phénomène s’observe en Amérique du Nord et pourtant, cette étude d’AppEco ignore cette tendance lourde que même M. Trump ne pourra inverser.
L’étude commanditée par la FCCQ propose une économie axée sur le pétrole, mais ne dit rien au sujet des subventions et avantages fiscaux que nos gouvernements accordent à cette industrie. C’est 3,3 milliards de dollars pour l’ensemble du Canada, dont 1,3 milliard, par notre gouvernement fédéral. Cela veut dire qu’en ce mois d’avril, une partie de ma facture d’ impôt sert à subventionner de riches compagnies pétrolières (https://goo.gl/nqCXjW). Le Fonds monétaire international (FMI) estime qu’à l’échelle mondiale, les pétrolières siphonnent 5300 milliards de dollars annuellement des goussets des contribuables. Avec tout cet argent, M. Chassin a-t-il une idée de ce que nos sociétés pourraient faire pour améliorer la création d’emplois grâce aux énergies renouvelables ?
Il n’est rien dit, non plus, au sujet des coûts reliés aux changements climatiques qui sont exacerbés par l’utilisation effrénée des hydrocarbures.
Il n’est rien dit, non plus, au sujet des coûts reliés aux changements climatiques qui sont exacerbés par l’utilisation effrénée des hydrocarbures. On se souviendra que des tempêtes ont endommagé les côtes de la Gaspésie ainsi que des sections de la route 132. Pour sa part, la Banque mondiale estime que les pertes financières dues aux phénomènes climatiques extrêmes seraient de 520 milliards de dollars annuellement (http://www.mediaterre.org/actu,20161114150255,1.html). De même, dans un article conjoint, M. Michael Bloomberg et M. Mark Carney, gouverneur de la banque d’Angleterre, suggèrent aux investisseurs de tirer profit de la lutte aux changements climatiques. Je suis persuadé que ces autorités en matière de finances sont au moins aussi compétentes que M. Chassin. Ces messieurs affirment que les investisseurs ont besoin d’information non biaisée !
Même si l’étude d’AppEco examine divers scénarios d’exploitation du pétrole au Québec, elle ne mentionne nulle part le fait que la vaste majorité de l’extraction pétrolière qui pourrait avoir lieu au Québec devrait passer par la controversée fracturation hydraulique ; il faut chercher les mots « fracturation hydraulique » avec une loupe pour les trouver dans l’étude !
M. Chassin fait grand cas de « la chaîne du polyester » comme un bel exemple de la pétrochimie. Oui, nous avons besoin de matière première pour fabriquer nos plastiques et le polyester nécessaire pour confectionner nos vêtements. Mais si nous avons besoin de pétrole pour la pétrochimie, pourquoi s’empresser de le brûler ? Conservons cette ressource limitée pour que nos descendants puissent, eux aussi, s’habiller et avoir des produits à base de plastic ! L’équité intergénérationnelle, point clé du développement durable, est toujours absente de la pensée économique de M. Chassin et de l’étude d’AppEco. Un fin stratège doit être capable de voir plus loin que la prochaine assemblée des actionnaires !
Le passéisme de la vision de M. Chassin et de la FCCQ les condamne à aborder à la vitesse d’un escargot la nécessaire transition économique aussi bien qu’écologique qui doit être entreprise pour répondre aux défis du 21e siècle. La FCCQ donne un appui inconditionnel au pétrole comme si nous étions encore au siècle dernier. Mais soyons optimistes ! M. Chassin ne se lamente plus au sujet d’un pseudo moratoire, fruit de son imagination fertile, qui ferait perdre des milliers de dollars aux agriculteurs des basses terres du Saint-Laurent. Même si M. Chassin est tombé dans un baril de pétrole « pas si noir », il a enfin compris qu’il ne pourra plus faire avaler cette couleuvre aux Québécois !
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