L’itinérance touche de vraies personnes, il ne s’agit pas d’un débat théorique ou idéologique. Tous les jours, des femmes se font refuser l’accès à des ressources d’hébergement à cause d’un manque de place. En 2022-2023, les cinq maisons du Partenariat pour la prévention et la lutte à l’itinérance des femmes [PPLIF] ont comptabilisé 25 119 refus de ce type. C’est une augmentation de plus de 70 % depuis 2011.
À l’augmentation du nombre de femmes et de personnes de la diversité de genre en situation d’itinérance, s’ajoutent les multiples crises qui complexifient leurs réalités. Sur le terrain, cela se traduit entre autres par la croissance marquée des violences vécues et de la détresse psychologique. On observe aussi un nombre de plus en plus important de femmes vieillissantes, à mobilité réduite et/ou en perte d’autonomie cognitive ou ayant une trajectoire migratoire complexe.
L’itinérance est plus qu’une question de logements et ce constat doit se refléter dans les mesures mises en place. Il faut une diversité de ressources adaptées aux réalités des femmes et des personnes de la diversité de genre, et ce sur l’ensemble du territoire. Il faut davantage d’écoute et de reconnaissance de l’expertise des travailleuses des ressources communautaires pour femmes qui, tous les jours, sont aux premières lignes.
Le Sommet sur l’itinérance est une opportunité pour les instances politiques et publiques de réaffirmer leur engagement en matière de prévention et de lutte à l’itinérance. Nous les invitons à poursuivre leurs engagements en termes d’analyse diversifiée selon les sexes et intersectionnelle (ADS+) et reconnaître l’importance d’une telle démarche autant pour agir en amont d’une situation d’itinérance qu’en aval. L’ADS+ permet de considérer l’effet des initiatives (loi, programme, activités, etc.) sur les femmes et les personnes de la diversité de genre en plus de prendre en compte les différents systèmes d’oppression.
Omettre d’intégrer ce processus à l’ensemble des initiatives municipales, gouvernementales et institutionnelles, laisse pour compte les personnes à la croisée des oppressions, particulièrement les femmes et les personnes de la diversité de genre.
L’ADS+ est beaucoup plus qu’un acronyme à la mode pour prétendre à l’égalité, il s’agit d’un processus fondamental pour prévenir et lutter contre l’itinérance des femmes et tendre vers une société juste et inclusive. On ne peut plus ignorer que l’itinérance n’est pas qu’une question de visibilité, c’est un enjeu complexe aux multiples visages qui nécessitent des réponses diversifiées.
Chanel Gignac, Chargée de projet pour le Partenariat pour la prévention et la lutte à l’itinérance des femmes (PPLIF)
Annie Savage, Directrice du Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM)
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