La démocratie formelle est moins vulnérable au retour envisageable du populiste à la Maison-Blanche qu’à son affaiblissement plus ou moins marqué au quotidien. Je ne reviendrai pas sur les arguments souvent invoqués pour soutenir cette opinion. Dans l’ensemble, ils me paraissent pertinents. Sous un éventuel nouveau mandat de Trump, les libertés formelles risquent de se trouver grugées toujours davantage, ce qui pourrait entraîner toutefois la mobilisation sous diverses formes d’une bonne partie de la population contre ce processus délétère.
Mais Trump ne constitue que le signe, l’incarnation d’un mal plus profond qui affecte la société américaine (et d’autres aussi en Occident, y compris chez nous) au moins depuis la présidence de Ronald Reagan (1981-1989) : le néo-conservatisme social et économique qui a étendu sans ménagement ses tentacules dans beaucoup de secteurs de cette société. Même les présidences démocrates de Bill Clinton (1993-2001) et de Barack Obama (2009-2017) ont suivi pour l’essentiel ce courant.
Même si Trump était battu, cette tendance dominante (en particulier dans les milieux financiers et boursiers) ne disparaîtra pas. Elle va au contraire se maintenir, soutenue par plusieurs milieux privilégiés vu leurs intérêts et par nombre d’ouvriers blancs en raison de leur frustration ; en effet, les usines où ils travaillaient ont fait faillite et disparu, ou encore elles ont déménagé dans des pays au régime politique autoritaire, lequel offre au patronat américain une main d’oeuvre soumise à bon marché.
Même une administration Kamala Harris ne pourrait pas y changer grand chose. Et si elle parvenait à freiner, voire à stopper l’érosion de la démocratie formelle, serait-elle en mesure d’éliminer les causes plus profondes de la baisse de confiance de larges secteurs de la société américaine à l’endroit des institutions nationales ? C’est loin d’être certain ; et ce d’autant plus que Trump a bourré la fonction publique et aussi le système de justice de juges conservateurs, lesquels risquent de faire obstruction aux tentatives réformistes de Harris.
Les démocraties électorales ne s’effondrent pas toujours à cause de l’arrivée au pouvoir d’un dictateur (comme en Italie la dictature de Benito Mussolini à partir de 1922 ou en Allemagne en 1933 celle de Hitler) ou encore à grand fracas comme en Espagne à cause de la guerre civile de 1936 à 1939 sous les coups des franquistes.
Un courant autoritariste montant peut s’avérer plus sournois (en dépit dans ce cas-ci des coups de gueule de Trump) et entraîner un affaiblissement grave du régime démocratique, qui pourrait à la limite aboutir à sa disparition "en douce".
On en n’est pas rendu là aux États-Unis. Certains observateurs et analystes ont soutenu que les Américains sont habiles à utiliser leurs institutions pour bloquer ou entraver les tentations autoritaristes de leaders exaltés. Il faut souhaiter qu’en cas de retour à la Maison-Blanche de Trump, ils fassent preuve de toute l’ingéniosité requise pour calmer ses ardeurs autoritaires.
Pour l’instant, la démocratie américaine formelle se maintient. Mais les tendances actuelles s’avèrent inquiétantes. On peut miner la démocratie tout en en respectant les formes.
Jean-François Delisle
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