Édition du 17 décembre 2024

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Environnement

La bataille contre les pétrolières

Si la pétrolière Exxon risque de se retrouver sur la sellette en 2016, elle ne sera peut-être plus seule. On sait à présent qu’entre 1979 et 1983, les principaux joueurs mondiaux du pétrole avaient été membres d’un comité de travail partageant des recherches sur les risques d’un futur réchauffement climatique causé par leurs émissions de gaz à effet de serre.

« Nous voulions comprendre cette science en émergence, les implications que cela avait et les améliorations qui pourraient être faites, si possible, pour réduire les émissions » de gaz à effet de serre, a expliqué au magazine Inside Climate News celui qui fut jadis le directeur de ce groupe de travail.

Ce comité était chapeauté par l’Institut américain du pétrole, principale association internationale des pétrolières (Texaco, Shell, Amoco, etc.), et principal lobbyiste auprès du gouvernement américain, entre autres.

Plus tôt en 2015, Inside Climate News et le Los Angeles Times avaient publié une série de reportages révélant que dès la fin des années 1970, des chercheurs au sein de la multinationale Exxon avaient tiré la sonnette d’alarme sur un éventuel réchauffement climatique ; la compagnie avait même été, pendant quelques années, à l’avant-garde des recherches sur le climat. Mais dix ans plus tard, elle était plutôt à l’avant-garde des mouvements climatosceptiques, qu’elle allait ensuite financer généreusement pendant deux décennies. En 1998, l’Institut américain du pétrole avait même lancé une campagne pour convaincre le public américain et les politiciens que la science du climat était trop incertaine pour que les États-Unis ne prennent le risque de signer le tout nouveau Protocole de Kyoto.

Dans de nouveaux documents, dévoilés pendant le congé de Noël, on trouve par exemple un mémo daté du 6 septembre 1979, qui suggère que soit précisé dans un document de synthèse alors en préparation, que le réchauffement causé par la hausse du CO2 dans l’atmosphère pourrait commencer à être « mesurable dans les 20 prochaines années ».

Ces révélations ont donné dans les dernières semaines de 2015 du carburant aux environnementalistes et même à certains politiciens américains, qui y voient la possibilité de déclencher des poursuites judiciaires contre Exxon, de la même façon que des compagnies de tabac ont été poursuivies pour avoir dissimulé de l’information sur les impacts délétères du tabac. Du coup, Exxon fait à présent l’objet d’une enquête criminelle dans les États de New York et de Californie. L’année 2016 pourrait donc être nourrie par des enquêtes préliminaires et des débats juridiques sur qui savait quoi, au tournant des années 1980.

Et la présence d’Exxon devient, pour certains, gênante. Un groupe d’une centaine de scientifiques vient de réclamer que le plus gros congrès annuel mondial sur les sciences de la Terre, refuse désormais les commandites d’Exxon. Invoquant justement cette série de reportages, ces chercheurs ont mis en ligne en février une lettre destinée à la présidente de l’Union géophysique américaine (AGU). L’édition de décembre 2015 du congrès de l’AGU avait rassemblé 24 000 personnes.

La lettre a été mise en ligne par le Musée national des sciences, un organisme qui, créé en 2014, se déplace à travers les États-Unis pour offrir des expositions temporaires. Parmi les signataires, des noms connus comme les climatologues Michael Mann et James Hansen, et l’historienne des sciences Naomi Oreskes.

Leur effort s’inscrit dans une campagne entreprise l’an dernier, par laquelle des musées et des centres d’éducation scientifique des États-Unis et d’ailleurs ont été invités à couper leurs liens avec les compagnies gazières et pétrolières. Les signataires soulignent à cet effet les nouveaux statuts et règlements de l’AGU, adoptés en 2015 justement dans la foulée des révélations sur Exxon :

L’AGU n’acceptera pas de financement de partenaires organisationnels qui font la promotion et/ou diffusent de la désinformation sur la science, ou qui financent des organisations qui font publiquement la promotion de désinformation sur la science.

La communauté de l’AGU, qui regrouperait près de 60 000 membres à travers le monde, est composée de géologues et de géophysiciens, mais aussi de climatologues et d’environnementalistes, ainsi que de chercheurs et ingénieurs impliqués dans l’exploration et l’exploitation pétrolière.

La présidente de l’association, Margaret Leinen, a répondu que le conseil d’administration prendrait la demande en considération lors de sa rencontre d’avril. 

Ce texte fusionne deux articles parus sur le site de l’Agence Science-Presse.

Agence Science-Presse

Agence de circulation de l’information scientifique installée à Montréal.

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