Les forces de paix doivent reprendre leur place dans le débat accaparé uniquement par les forces de guerre, propriétaires des principaux médias. Que La Presse fasse de sa première page du mercredi 28 janvier un immense éloge du Projet Manhattan à Los Alamos (1945) en écrivant en lettres immenses : « LE SORT DU MONDE EN DÉPENDAIT », participe à une propagande éhontée puisqu’on sait maintenant que la capitulation du Japon est survenue surtout à la nouvelle (simultanée au bombardement de Nagasaki) que l’URSS s’apprêtait à engager ses troupes sur le front de l’Est, malgré ses 22 millions de morts sur le front de l’ouest à vaincre Hitler (la propagande hollywoodienne transforme cela peu à peu en victoire principalement américaine…). Pourquoi La Presse consacre un tel investissement à un programme américain sur le canal Explora, plutôt qu’à Nuit et brouillard d’Alain Resnais rediffusé à Radio-Canada ?
Selon les chiffres d’octobre 2014 de l’International Campaign Against Nuclear weapons (dontbankonthebomb.org), Power Financial Corporation a investi depuis 2011 un milliard quatre-cent vingt-trois millions de dollars U.S. de nos fonds canadiens, surtout dans General Dynamics (bombes Trident de l’American Navy) et dans Northrop Grumman, un des deux principaux fabricants américains des bombes nucléaires (et des F-35 et des drones assassins au Pakistan et au Yémen, notamment).
Les Artistes pour la Paix avaient investi une centaine de dollars en 2009 pour publiciser la sortie à l’Office National du Film d’Un rêve étrange du jeune réalisateur Éric Bednarski. Ce merveilleux film raconte l’odyssée du SEUL des six cents savants employés à Los Alamos à la fabrication des bombes d’Hiroshima et de Nagasaki, Jósef Rotblat, à démissionner pour des raisons morales envers les cent cinquante mille morts civiles envisagées. D’abord considéré comme un traître, son travail fondateur de Pugwash (www.pugwashgroup.ca ), aux côtés d’Einstein et Russell, lui obtiendra le prix Nobel de la Paix en 1995. Ce juif si éprouvé par la mort de sa fiancée restée en Pologne dans un des sinistres camps de concentration que Radio-Canada montre admirablement ces jours-ci à l’occasion des 70 ans d’Auschwitz, ne se mariera jamais et consacrera sa vie à la médecine nucléaire et à la dénonciation des politiques mortifères des cinq pays membres du Conseil de sécurité (!), mais aussi d’Israël et de ses bombes menaçantes. Présentement, les forces de paix sont censurées et la propagande roule à coups de millions, glorifiant les forces de guerre pour assurer la réélection en Amérique du Nord des Conservateurs et des Républicains.
Revenons à cet exemple de la dette de la Grèce, surtout contractée auprès de l’Allemagne et de la France, gonflée par ses acquisitions d’engins militaires à cause de la surenchère capitaliste de droite ET nationaliste de gauche qui accusait la Turquie des pires intentions impérialistes. C’est la raison pour laquelle Mikis Theodorakis a changé de parti, quittant tour à tour les partis communistes et les partis de Karamanlis (droite) et de Papandréou (gauche), dès qu’ils entonnaient le refrain de la propagande militariste qui leur permettait de s’enrichir par des versements occultes de compagnies militaires, sans réfléchir une seconde aux conséquences du monstrueux endettement du pays. AUCUN média à ma connaissance n’évoque ce problème fondamental, préférant accuser d’irresponsabilité le nouveau premier ministre Tsipras qui refuse cette dette. Et évidemment, on s’épargne ainsi de réfléchir à l’acquisition projetée de F-35 (combien de dizaines de milliards de $ ?) par Stephen Harper qui veut en faire un instrument de règlement de compte musclé contre l’Armée Islamiste sans réfléchir aux conséquences : morts de civils, radicalisation des musulmans ainsi touchés.
Cette analyse, vous ne la trouverez NULLE PART, ni dans Maclean’s, ni dans l’Actualité, ni dans L’OBS, ni dans Paris-Match (Lagardère fait semblant d’appuyer Charlie-Hebdo qui pourtant accusait à chaque numéro ses dérives militaristes), ni même à la Chaire Raoul-Dandurand commanditée par Power Corp, ni dans les revues spécialisées établies. Combien de journaux s’aventurent à même mentionner l’existence de notre site et je ne parle même pas de nos opinions, perçues comme révolutionnaires ou insensées ? Dans le débat sur l’option militaire de Stephen Harper, combien ont mentionné l’existence du Centre de Ressources sur la Non-violence ? Combien de journaux ont publié la pétition des APLP pourtant appuyée par Elizabeth May, chef du Parti Vert, et énoncée en Chambre des Communes par Hélène Laverdière, porte-parole avec Paul Dewar de la politique étrangère pour le NPD ? Dans le débat sur les caricatures de Charlie Hebdo et le massacre de leurs auteurs, combien ont mentionné l’existence des articles et dessins de leurs collègues dans www.artistespourlapaix.org ?
Les animateurs s’interviewent entre eux et n’invitent plus aucun pacifiste à s’exprimer à la TV ou à la radio, par crainte de leurs patrons conservateurs. Nous en sommes réduits à simplement souhaiter que les voix de paix reprennent leur place, sinon nous allons droit vers la guerre, dont l’Amérique du Nord semble toujours avoir profité. Notre cérémonie de remise d’un prix Artiste pour la Paix de l’année 2014, le 16 février prochain, tentera de parler d’espoir de paix, entre autres entre la Russie (qui n’est pas Poutine) et nous (qui ne sommes pas Harper), ces deux chefs d’état pollués par le pétrole source de guerres.
Pierre Jasmin
Vice-président des Artistes pour la Paix, professeur honoraire de l’UQAM, membre des exécutifs de Pugwash Canada et du Réseau canadien pour l’abolition de l’arme nucléaire pierre.jasmin@artistespourlapaix.org
[1] Voir article de 2011 dans Marianne : http://www.marianne.net/La-Grece-est-endettee-mais-surarmee-Cherchez-l-erreur_a207086.html
* Engagé comme pianiste pour interpréter huit de ses préludes et un extrait de sa Petite Suite pour piano lors du concert du 11 décembre 1998 à la Basilique Notre-Dame, je connaissais Mikis Theodorakis depuis le début des années 70, lorsqu’il avait été invité à Montréal et interviewé par notre marraine des Artistes pour la Paix, Maryvonne Kendergi. Il sortait alors de prison. Sa musique ressuscite dès le début des années soixante les instruments traditionnels grecs tombés en disgrâce chez « les modernes » et prouve par ses très grands succès que l’emploi d’instruments folkloriques acoustiques tel le bouzouki n’est pas ringard. Pensons aux Chansons de la patrie amère sur des poèmes d’un poète emprisonné comme lui, Yannis Ritsos, qui inspirèrent notre Gaston Miron.
La notoriété de Theodorakis explosa grâce à deux films utilisant abondamment sa musique qui connurent des succès internationaux, portés aussi par des prestations de grands comédiens : Anthony Quinn, dans Zorba le Grec de Cacoyannis inspiré par Kazantzakis, et Yves Montand dans le film Z de Costa-Gavras. Le premier film tourné en Crète obtint trois Oscars en 1964 et le second tourné en Algérie contribua cinq ans plus tard à ostraciser la Grèce des colonels (pourtant appuyée par la CIA) hors de la communauté internationale. Z, avec les prestations remarquables de Jean-Louis Trintignant et d’Irène Papas reçut le Prix du Jury à Cannes et les Oscars du meilleur film étranger (et du meilleur montage) à Los Angeles.
L’Université du Québec à Montréal a attribué à Théodorakis un doctorat honorifique, et pour sa musique (plusieurs de ses chansons, entre autres celles du film, de même que son œuvre symphonique Canto General sur le poème de Pablo Neruda, sont immortels), et pour son engagement en faveur de la paix et de la liberté. La rectrice de l’UQAM, madame Paule Leduc, a salué selon ma recommandation « l’artiste pour la paix Mikis Theodorakis », en rappelant son long combat contre tous les militaristes fascistes, nazis, anglais, américains et grecs, tant les colonels que la droite républicaine et royaliste et même la gauche trop nationaliste. Ayant pris la tête d’un mouvement pour la paix entre les ennemis d’hier turcs et grecs, il a vilipendé le « pactole d’argent dilapidé par les dépenses militaires. Nous sommes à une époque d’adoration du veau d’or ».
Conséquences ? Une jeunesse qui « perd de vue l’avenir, des sociétés bien pourvues matériellement, mais qu’est-ce que l’avenir si la jeunesse tombe dans la drogue, dans la solitude et dans la sous-culture ? Le vrai bonheur, c’est la culture. L’artiste est un guide. De ce fait, il a une responsabilité particulière car il possède le privilège de devenir la voix de son temps, une voix qui réunit en elle toutes les autres voix. » (extraits d’une remarquable entrevue par Clément Trudel du Devoir).
Hommage de l’UQAM à Monsieur Mikis Theodorakis L’Université du Québec à Montréal rend hommage à monsieur Mikis Theodorakis en lui attribuant le titre de docteur honoris causa, par décision de son Conseil d’administration, sur recommandation de son Département de musique. Par ce geste, l’Université reconnaît l’importance de l’ensemble de son œuvre musicale et souligne son engagement constant en faveur de la liberté et de la paix. Le nom de Mikis Theodorakis est évocateur de liberté, liberté qu’il a si souvent chantée, liberté qu’il a chèrement acquise après la clandestinité, les emprisonnements, les tortures et les exils. Liberté d’expression reconquise aussi après que ses créations eurent été interdites, à plusieurs reprises, parce qu’elles symbolisaient la lutte contre tous les avilissements des êtres humains, contre toutes les atteintes aux droits fondamentaux de la personne. Ce chantre du combat contre les pouvoirs autoritaires est, à travers le monde, et pour plusieurs générations, un mythe vivant, une source d’inspiration qui personnalise le rayonnement de l’artiste dans la société. Mikis Theodorakis, c’est l’heureuse rencontre, chez un même individu, de l’artiste et du citoyen, du compositeur accompli et de l’être politique engagé. Il laissera donc son empreinte sur ce siècle autant par son histoire personnelle que par son œuvre musicale. Il a en effet été de toutes les luttes menées en Grèce depuis la Seconde Guerre mondiale. Il a résisté à l’occupation nazie et fasciste, s’est rebellé contre la présence anglaise et américaine, a milité, au péril de sa vie, pendant la guerre civile et s’est opposé à la dictature des colonels. Affirmant que la politique est avant tout un mouvement de l’être entier, une passion du possible que la culture et la création doivent nourrir, il fut tour à tour leader d’organisations politiques de l’opposition et membre élu de plusieurs gouvernements.
Né le 29 juillet 1925 sur l’île de Chios, Mikis Theodorakis verra très tôt son double destin prendre forme : la création musicale et l’implication politique ponctueront toutes les étapes de sa vie. Il écrit ses premières compositions dès l’âge de treize ans et, quatre ans plus tard, il est arrêté, emprisonné et torturé pour la première fois. Au début des années cinquante, il obtient son diplôme en harmonie du Conservatoire d’Athènes et va compléter ses études au Conservatoire de Paris, ville qui l’accueillera au cours de ses différents exils. C’est à cette époque qu’il entre dans le cercle des jeunes compositeurs mondialement reconnus, avant de retourner dans son pays en 1961, pour y redécouvrir la musique populaire qui marquera son œuvre pour toujours. Dès lors, ses créations contribueront à la renaissance de la musique grecque. Il remet à l’honneur le bouzouki et s’inspire des chansons populaires et de la liturgie byzantine, boudées par l’élite culturelle. Cette plongée dans la tradition populaire non seulement nourrit son œuvre, mais détermine certains de ses gestes politiques, telle l’instauration de maisons de la culture à travers tout le pays.
Mikis Theodorakis contribuera à alimenter la quête d’identité du peuple grec – quête qui donnera naissance à un hellénisme renouvelé –, révélant à ce peuple sa nature profonde, et même sa destinée. La mélodie Epitaphios, écrite sur un poème de Yannis Ritsos, consacre le début de la révolution culturelle dans son pays, alors que l’oratorio Axion Esti confirme que la musique de Theodorakis n’est pas seulement une œuvre d’art, mais aussi une riposte à l’oppression. Le grand compositeur dira d’ailleurs aux colonels : « Vous avez vos tanks, j’ai mes chansons. » Par ses compositions musicales nombreuses et variées, chansons, musiques symphoniques, cantates, oratorios, musiques de ballet, de théâtre et de films – comme celle de Zorba le Grec –, Mikis Theodorakis fait découvrir au monde la profonde beauté des mélodies grecques. Il contribue aussi à développer la conscience politique des citoyens de toute la planète en composant la trame sonore de films comme Z, État de siège et Serpico, qui révèlent la tragédie des dictatures militaires ou la violence des forces policières.
Tout au long de sa vie,il a su nous montrer que l’authenticité et l’affirmation de soi sur son propre territoire permettaient souvent de partager des préoccupations universelles, notamment avec des artistes d’ailleurs. C’est ce dont témoignait déjà une de ses compositions les plus connues, le Canto general, sur un poème de Pablo Neruda. C’est ce que dit encore aujourd’hui sa collaboration avec le musicien Zülfü Livaneli, qui milite à ses côtés en faveur d’un rapprochement entre les peuples grec et turc. Nous remercions ce grand artiste pour la paix de sa simplicité géniale et prolifique. Il a su mieux que tout autre nous offrir une musique bouleversante, inspirée des racines culturelles de son peuple, et nous donner l’exemple que l’engagement et l’art peuvent s’enrichir mutuellement. Son œuvre et sa vie sont donc dignes des plus grands hommages.
Autre document de l’UQAM daté de décembre 1998
L’UQAM décerne un doctorat honoris causa au compositeur Mikis Theodorakis, pour sa contribution exceptionnelle à la musique et à la cause de la liberté et de la paix.
« Vous avez vos tanks, j’ai mes chansons «
Montréal, le 11 décembre 1998 — L’Université du Québec à Montréal a décerné aujourd’hui un doctorat honoris causa au compositeur Mikis Theodorakis. L’Université reconnaît ainsi l’importance de l’ensemble de son oeuvre musicale et souligne son engagement constant en faveur de la liberté et de la paix. Cette haute distinction lui a été remise par le chancelier de l’UQAM, M. Pierre J. Jeanniot, et par la rectrice de l’UQAM, Mme Paule Leduc. La cérémonie a eu lieu à l’occasion du concert donné à la basilique Notre-Dame, où M. Theodorakis a dirigé son oratorio Canto General sur un poème de Pablo Neruda, à l’occasion du 25e anniversaire de la mort du poète et du 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Un parcours exceptionnel et une source d’inspiration
Le nom de Mikis Theodorakis est évocateur de liberté. Ce chantre du combat contre les pouvoirs autoritaires est, à travers le monde et pour plusieurs générations, un mythe vivant, une source d’inspiration qui personnalise le rayonnement de l’artiste dans la société. Sa musique a chanté la lutte pour la liberté qu’il a chèrement acquise après la clandestinité, les emprisonnements, les tortures et les exils. Mikis Theodorakis a résisté à l’occupation nazie, s’est rebellé contre la présence anglaise et américaine, a milité, au péril de sa vie, pendant la guerre civile et la dictature des colonels. Il défia ces derniers par son célèbre » Vous avez vos tanks, j’ai mes chansons « . Il fut tour à tour leader d’organisations politiques de l’opposition et membre élu de plusieurs gouvernements.Par ses chansons et ses compositions musicales nombreuses et variées, musiques symphoniques, cantates, oratorios, musiques de ballet, de théâtre et de films – comme celle de Zorba le Grec -, Mikis Theodorakis a fait découvrir au monde la profonde beauté des mélodies grecques. Il a contribué aussi à développer la conscience politique des citoyens de toute la planète en composant la trame sonore de films comme Z, État de siège et Serpico, qui dénoncent des atteintes aux droits de la personne.
Mikis Theodorakis et le Département de musique de l’UQAM
L’oeuvre de Mikis Theodorakis est cousine de plusieurs orientations du Département de musique de l’UQAM. L’attachement au folklore et à la musique populaire occupe une place prépondérante dans la philosophie du Département de musique. Plusieurs professeurs sont membres des Artistes pour la Paix, organisme engagé, à la manière de Theodorakis, contre le militarisme et pour la paix. Lors de la cérémonie de commémoration du 20e anniversaire de l’UQAM en 1989 à la Place des Arts, le concerto pour piano de Mikis Theodorakis a été interprété sous la direction de Miklos Takacs, qui avait préalablement rencontré le compositeur à Paris et en Grèce. Aujourd’hui, c’est au professeur Pierre Jasmin de se voir confier l’interprétation de huit préludes et d’un extrait de la suite pour piano de Theodorakis.