Le judaïsme est une religion comme le catholicisme et le bouddhisme, pas un groupe ethnique. Si on ne peut parler de "racisme anticatholique", puisque les catholiques appartiennent à diverses nations, on ne peut davantage traiter de racistes les groupes ou groupuscules qui expriment beaucoup d’animosité envers les gens de confession judaïque. Il faudrait plutôt les qualifier d’anti-judaïques, courant pas plus acceptable que l’hostilité à l’égard de personnes d’autres confessions religieuses.
De même, il ne faut pas confondre judaïsme et sionisme. Le second est une idéologie politique qui soutient que les gens de confession juive auraient le droit de retourner sur la terre présumée de leurs ancêtres (les Juifs de l’Antiquité) et ce même au détriment de la population arabe d’origine. Certains Juifs et Juives sont sionistes, mais pas tous ; d’autres y sont opposés pour des motifs politiques, idéologiques et même religieux.
Il existe un autre racisme très réel mais qu’on ne mentionne presque pas en Amérique du Nord : c’est celui qui vise les Arabes, surtout les Palestiniens et Palestiniennes. En effet, leur culture politique est fréquemment dénigrée sous couvert de valoriser la démocratie dont l’État hébreu serait le seul représentant au Proche-Orient ; on fait cependant dans cette version des choses l’impasse sur une réalité historique fondamentale : cet État s’est édifié sur les ruines de l’ancienne Palestine arabe. La résistance palestinienne armée est toujours désignée comme "terroriste" par la classe politique bien-pensante, tant à Washington qu’à Ottawa.
Les films réalisés sur la question du conflit israélo-palestinien durant les années 1970 et 1980 (comme "Raid sur Entebbe" en 1977) ont toujours donné le mauvais rôle aux résistants palestiniens, alors qu’Israéliens et Américains tenaient ceux de "héros". Depuis la première Intifada palestinienne (celle des pierres, de 1987 à 1993), Hollywood s’est abstenu de continuer ouvertement dans cette veine, décence obligeant. Pourtant, "l’usine à rêves" hollywoodienne n’a jamais produit un seul long-métrage propalestinien. Par ailleurs, les classes politiques nord-américaines s’abstiennent toujours de nouer des relations avec des organisations de résistance palestinienne armées, même pas le gouvernement de Gaza sous couvert d’éviter de cautionner la violence politique. Elles ne reconnaissent que le gouvernement-croupion de Mahmoud Abbas qui contrôle une partie de la Cisjordanie, même s’il n’a plus tenu un seul scrutin depuis 2006.
Certes, le discours antiarabe a faibli depuis plusieurs années, il ne s’exprime plus aussi ouvertement qu’avant et les médias démontrent un esprit critique plus affirmé à l’endroit d’Israël, mais un pas décisif reste à franchir : revaloriser la culture arabe (au-delà des habituels clichés sur sa nature autoritaire) et dénoncer le dénigrement dont celle-ci fait encore l’objet au sein de certains milieux influents. Il importe de la présenter enfin de façon positive, ce qui ne signifie pas bien entendu tomber dans la complaisance à son endroit.
Vu ce que la culture occidentale doit aux Arabes (notamment dans le domaine des mathématiques), c’est bien la moindre des choses.
Jean-François Delisle
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