– Ouais !!! scandent les milliers de Maghbounines, menés par Zaïm le révolté. – Cheikh Zaïm, s’écrie un paysan à la condition mouisarde, nous n’avons que nos larmes pour pleurer, la bête a tout saccagé.
– Pour une pluie douce à faire pousser nos jeunes pousses, dit une voix parmi la foule, nous avons prié avec piété, comme le faisaient jadis nos aînés. - Il faut passer à l’acte ! enjoint Zaïm. Nous sommes la force unifiée qui ne recule jamais ! Répétez après moi ! : Nous sommes la force unifiée qui ne recule jamais !
– Et la masse de s’époumoner : « Nous sommes la force unifiée qui ne recule jamais ! »
– Plus fort ! fait Cheikh Zaïm.
– Nous sommes la force unifiée qui ne recule jamais !
– Formidable ! Et maintenant braves gens, le moment est venu de prendre notre destin en main. Montrons au Sultan que notre Dignité exige respect, protection et inaliénabilité de nos terres. Quand il verra toute cette paysannerie devant son palais, il s’inclinera devant la volonté du Peuple. Et plus jamais, plus jamais, son petit Bouboule aux oreilles de Deltaplane ne s’aventurera sur notre glèbe.
– Ouaiiis ! tonnent les Maghbounines, poing brandi en l’air.
– Ecoutez-moi bien ! Marchez résolument derrière moi en observant un silence quasi religieux qui dénote de notre colère pacifique… !
( D’un pas décidé, le cortège des infortunés villageois s’ébranle. Leur procession s’étend à perte de vue. Sous une chaleur accablante, ils marchèrent toute la matinée, transpirant à grosses gouttes. Bravant la douleur de l’épuisement, les Maghbounines, complètement harassés, parviennent enfin à boucler le parcours.
Les révoltés sont à présent à cinq mètres du Palais. Cheikh Zaïm prend la parole ) :
– Nous y sommes campagnards ! Je vais annoncer au Sultan l’objet de notre déplacement.
( Aussitôt dit, aussitôt fait. Le doyen se dresse devant l’immense porte fortifiée. Les dévoués gardes sont sommés par le Sultan de l’accueillir. Mais au moment de se retourner pour exhorter les révoltés à patienter, pas l’ombre d’un (e) Maghboune ! Le peuple s’est dégonflé, prenant la poudre d’escampette, jetant son Cheikh dans la gueule du loup. Pris au dépourvu, ce dernier se trouve nez à nez devant sa Majesté ) :
– Dites ce que vous avez sur le cœur, intime le Sultan au Cheikh Zaïm !
– C’est-à-dire…
– Ne soyez pas impressionné par le décor, on n’est que poussière sur cette Terre. Allez, dites-moi qu’est-ce qui me vaut l’honneur d’une telle visite ?
– Euh… à vrai dire, votre Majesté, le Peuple des Maghbounines voulait…voulait… - Si vous restez muré dans votre réticence, je ne pourrai pas lire dans vos pensées. Alors je vous écoute, dit le Sultan :
– Votre Eminence, si je suis là devant vous c’est parce que tout le monde s’inquiète de l’état de santé du p’tit Bouboule.
– Ah, voilà un Peuple qui mérite toute mon affection. Dites aux villageois qu’il se porte bien et qu’il s’y plait fabuleusement en gambadant sur leurs champs verdoyants. Dites - leur aussi qu’il a pris du poids et que la maman, en gestation depuis des semaines, attend un heureux événement. Une fois le fruit de ses entrailles mis bat, ils viendront cavalcader à perdre haleine.
– Je leur dirai, Majesté !
Texte et dessin Omar HADDADOU Novembre 2022
* Maghbounines : Les éprouvés, les affligés
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