Édition du 12 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Sports

L’intoxication sportive

Du pain et des jeux. C’est ce que la télévision nous fournit en février.

D’abord le Superbowl. Une hystérie américaine autour du football mais surtout un événement qui permet de vendre : une publicité de 30 secondes coûte 40 millions de dollars.

Et une orgie de nourriture :

« Environ 1,25 milliard de portions d’ailes de poulet seront consommées par les Américains le dimanche 2 février pendant le Super Bowl 2014, selon les prévisions. Ajoutez-y plus de 50 millions de caisses de bière, 11 millions de pizzas uniquement chez Domino’s Pizza. C’est le Noël de la bouffe-minute. » [1]

Mais il y a suite au Super bowl. Pour les prochains 15 jours, nous arrivent les jeux olympiques d’hiver à Sotchi. Là aussi un beau show.

« Avec un coût estimé de 36 milliards d’euros, les Jeux de Sotchi sont les plus chers de l’histoire, toutes saisons confondues. Ils battent de 10 milliards d’euros le record établi par Pékin en 2008 »
 [2]

Tout cela pour la gloire de monsieur Poutine et de ses amis : « Coauteur en mai 2013 d’un rapport intitulé «  Les Jeux d’hiver dans les subtropiques », Boris Nemtsov, qui est originaire de Sotchi et a été vice-premier ministre de la Russie en 1997-1998, a établi un parallèle avec l’histoire nationale : « C’est une arnaque à une échelle qui surpasse le programme insensé de Nikita Khrouchtchev de planter du blé dans la Russie arctique, ou les projets de Leonid Brejnev de détournement de fleuves sibériens. » Ce qui a surtout été détourné, selon lui, ce sont 20 milliards d’euros (estimation faite à partir d’une projection peu rigoureuse), au profit des trois principaux investisseurs : le conglomérat d’Etat Olympstroï ; les sociétés des frères Rotenberg, amis d’enfance de Poutine ; et la compagnie publique des chemins de fer, dont le patron, Vladimir Yakounine, est aussi un proche du président. » [3]

Mais l’envers est loin d’être idyllique.

Le beau vernis de monsieur Poutine a perdu de son lustre sur la question des droits de la personne. Ce sont d’abord les militants et militantes gaies qui se sont plaints de la façon de les traiter. Puis plusieurs activistes écologistes ont été emprisonnés.

« La Douma a voté et interdit la "propagande homosexuelle devant mineurs", une loi qui va "servir de prétexte pour faire taire les militants", d’après Elena Gusya, militante LGBT. Des termes assez larges qui peuvent pourtant mener loin : de 100 euros d’amende pour un particulier russe à 23.500 euros pour une entité juridique. Un étranger, lui, risque jusqu’à 2.300 euros d’amende, 15 jours de détention et l’expulsion. Les sanctions sont encore plus sévères si cette propagande est effectuée sur Internet. La loi récemment votée prévoit la fermeture des entités jusqu’à 90 jours. "Si elle est appliquée avec sévérité et sans discernement, cela peut faire des victimes et aboutir à des tragédies humaines", a déclaré le délégué du Kremlin pour les droits de l’homme Vladimir Loukine  » [4]

Ensuite ce sont les travailleurs et travailleuses qui ont exigé d’être payés :
« Au même moment, l’ONG Human Rights Watch avait publié un rapport accablant sur « l’exploitation » des ouvriers (jusqu’à 60 000 ont pu travailler simultanément), citant des cas multiples de sous-paiement et même de non-paiement des salaires, d’absence de contrat de travail, de non-respect des normes de sécurité, de confiscation de passeport, et d’expulsion après détention. Les travailleurs venus d’Arménie, d’Ouzbékistan ou du Tadjikistan auraient été payés en moyenne 1,50 euro de l’heure. » [5]

Enfin les écologistes ont montré comment Sotchi a été saccagée pour construire les édifices olympiques.

« Le complexe olympique est constitué de onze sites répartis sur deux ensembles : le premier situé au bord de la mer Noire et le second en montagne. Toutes les installations sportives, le réseau de transports (dont un aéroport rénové) et l’hébergement pour plus de 100 000 visiteurs sont sortis de terre en quelques années. L’impact sur l’environnement est fortement critiqué par les ONG internationales et locales, qui parlent de la compétition olympique la plus polluante de l’histoire et déplorent des dégâts parfois irréversibles pour l’écosystème local. » [6]

C’est dans un parc naturel que les installations olympiques ont été bâties et pour faciliter la construction, la loi russe sur l’environnement a été modifiée. Pour la façade publique, les installations de bobsleigh et de biathlon dans le parc naturel du Caucase ont été déplacées, un parc pour les oiseaux a été aménagé mais seulement avec 10 % de la superficie initiale et une rivière saccagée a été inséminée de saumons mais reste infertile. Les désastres écologiques sont donc importants. Les citoyens et citoyennes ont vécu dans la poussière et le bruit. Ils et elles ont vu apparaître des dépotoirs pour les déchets. Les rivières ont été polluées et les nappes phréatiques endommagées. Des forêts de sapins, habitat de l’ours brun, ont été détruites pour construire des pistes.

Tout cela sans compter le déluge idéologique que nous subirons durant 15 jours sur les valeurs olympiques. La compétitivité et le labeur seront aux premières loges. Suivront une misogynie cachée car maintenant les femmes ont accès aux compétitions…ou presque et un individualisme discret. Le héros médaillé cachera l’équipe derrière. Alors que dans les coulisses règneront le dopage, les pressions indues, la violence et le quasi esclavage de certains athlètes.

Et là aussi, comme au superbowl, la publicité règnera en maître.

Chloé Matte Gagné

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