En Catalogne comme au Québec, il y a un nationalisme de droite qui exprime les aspirations d’une élite subalterne qui rêve d’un État « comme les autres », pas plus et pas moins. Un État « comme les autres », c’est-à-dire qui met en œuvre les mêmes programmes néolibéraux. Ce nationalisme s’exprime parfois par une volonté de laisser tomber les « pauvres », comme c’est le cas avec la droite catalane. Ce qui les met en furie, ce n’est pas tellement le fait que le gouvernement espagnol brime leurs droits, c’est qu’ils doivent aider les autres provinces plus pauvres de l’Espagne. Au Canada, on entend cela en Alberta.
Le nationalisme de droite insiste pour désincarner la question nationale, en faire une question en dehors et au-dessus des autres questions, surtout celles qui concernent la justice sociale et l’environnement.
La plupart du temps cependant, ce nationalisme de droite piétine. Les élites, surtout l’establishment économique, craint d’abord et avant tout de perturber leur « paix sociale », c’est-à-dire celle qui empêche les dominés de s’exprimer. Entre leur critique de l’État central et leur peur du mouvement populaire, ces élites vont toujours du même côté. Ils reculent ou mettent la pédale douce sur l’indépendance en sachant, avec raison, que les couches populaires et moyennes ne se battent pas pour un État « comme les autres ». Chez nous, les élites disent et pensent la même chose : mieux vaut fonctionner comme bourgeoisie subalterne dans le cadre du Canada plutôt que de devoir à se battre contre les couches populaires advenant l’indépendance. Mieux vaut la domination dans l’« ordre » du capitalisme que de devoir faire de sérieux compromis avec le peuple.
À part les idéologues à 23 sous du nationalisme de droite comme Bock-Côté, personne n’est dupe du discours délibérément trompeur du nationalisme de droite. En fait si on note bien, ils insistent de plus en plus sur la défense de l’« identité » (catholique canadienne-française) plutôt que sur la question nationale. Dans leur vision étriquée, l’ennemi est tous ceux qui s’opposent à cette « identité » réactionnaire : les mouvements sociaux, la gauche, les immigrantEs, etc. En Catalogne, le nationalisme de droite vise les Espagnols (qui vivent et travaillent en Catalogne depuis des lustres) et aussi les « barbares » venus des frontières troubles de l’Europe le long de la Méditerranée. Ces « barbares » fuient la misère et la dictature, mais au lieu de se mettre avec eux pour changer cette situation, on préfère noyer les boat people ou exploiter à mort les pauvres gens qui ont réussi à passer (vous souvenez-vous du très beau et très dur film Biutiful ?).
En Catalogne, ce nationalisme de droite est en déclin et le nationalisme de gauche est en montée. C’est normal. Le nationalisme de gauche met l’emphase sur la nécessaire construction d’un État « pas comme les autres ». Cela n’intéresse pas la population de créer un État de plus, si ce n’est que pour le fonder sur les valeurs de la justice, du féminisme, de l’écologie et de l’altermondialisme.
Il y a quelques leçons à retenir de cela. Aujourd’hui, nos frères et nos sœurs de Esquerra Republicana de Catalunya (ERC) ont doublé leur représentation parlementaire en devenant le deuxième parti en Catalogne, devançant le parti social-libéral (PSOE) et la droite. Ils sont contents et nous aussi.