tels qu’analysé par Jeffrey Sachs
democratienow.org, 25 avril 2023
Traduction et organisation du texte, Alexandra Cyr
Introduction
DN, Amy Goodman : La Chine fait face aux critiques en Europe après que son ambassadeur en France eut remis en cause, en droit international, au cours d’une entrevue télévisée, la souveraineté des États ex-soviétiques. Les pays baltes, ont condamné cette remarque et sommé le diplomate d’expliquer la position officielle de Beijing à cet effet. Le ministre des affaires étrangères chinois a corrigé en disant : « La Chine respecte tous les pays, leur souveraineté, leur indépendance et leur intégrité territoriale ».
Cet incident survient alors que la Chine fait les manchettes partout dans le monde, sauf peut-être aux États-Unis, à cause de ses prises de position diplomatiques. Fin février de cette année, elle a émis un plan en 12 points pour mettre fin à la guerre en Ukraine. Le 10 mars, l’Iran et l’Arabie saoudite ont annoncé la reprise de leurs liens après que la Chine eut servi d’intermédiaire pour arriver à cette entente. Quelques jours plus tard, à la mi-mars, le Président Xi Jinping a reçu le Président brésilien, M. Luiz Inacio Lula da Silva, pour discuter de la guerre en Ukraine et de la sortie du dollar américain dans les transactions commerciales. Quelques jours plus tard, il recevait le Président français, M. Emmanuel Macron. Durant cette visite, M. Xi a parlé des rôles respectifs de la Chine et de la France dans les affaires mondiales : (d’après la traduction anglaise du Chinois) « De profonds changements affectent le monde actuel. À titre de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, et comme nations importantes avec une tradition d’indépendance, la Chine et la France, promoteurs de la multi-polarisation du monde et de la démocratisation des relations internationales, ont la capacité et la responsabilité de dépasser leurs différences et leurs limites pour adhérer à une coopération stratégique globale de partenariat avec stabilité, réciprocité, développement et progrès ; pratiquer un véritable multilatéralisme, maintenir le monde en paix, stable et prospère ».
A.G. : Pendant qu’il était à Beijing, Emmanuel Macron a suggéré que la France et les pays européens ne devraient pas devenir des vassaux des États-Unis eut égard à Taïwan (d’après la traduction anglaise) : « La France respecte la politique chinoise d’un seul pays et recherche une solution pacifique pour cette situation. C’est aussi la position de l’Europe. Cette position a toujours été compatible avec le rôle d’un allié. S’en est précisément une qui souligne l’importance de l’autonomie stratégique. Les alliés ne sont pas des vassaux. Faire des choses ensemble ne veut pas dire que nous ne pouvons penser par nous-mêmes, que nous allons suivre ceux dans un pays qui sont les plus durs malgré qu’il soient nos alliés. Si on examine les faits, la France n’a aucune leçon à recevoir de personne que ce soit en Ukraine, au Sahel ou à Taïwan ».
A.G. : La Chine poursuit son action diplomatique. La semaine dernière elle organisé des discussions entre Israël et la Palestine.
Pour mieux comprendre cette politique de la Chine, nous sommes avec M. Jeffrey Sachs, directeur du Center for Sustainable Development à l’Université Columbia, et président du Réseau des Nations Unies pour la recherche de solutions pour le développement durable. Il a aussi été conseiller de trois secrétaires généraux des Nations Unies et en ce moment, il conseille le secrétaire Gutterres sur les questions de développement durable. Son dernier article est intitulé : The Need for a New US Foreing Policy.
Professeur Sachs, merci d’être avec nous. Les médias américains ont peu parlé des actions diplomatiques chinoises : la rencontre avec le Président Macron à Beijing, celle avec Lula, le travail pour arriver à cette entente entre l’Iran et l’Arabie saoudite et maintenant, l’offre de négociations entre l’Ukraine et la Russie mais aussi entre Israël et la Palestine. Ailleurs dans le monde les reportages à ce sujet ne manquent pas. Parlez-nous de ce que cela signifie. Faites-vous un parallèle immédiat entre ces gestes de la part de la Chine et la montée de l’hostilité américaine envers et elle ?
Jeffrey Sachs : Merci Amy, heureux d’être avec vous.
Voilà un sujet crucial. Comme le Président Xi l’a dit lors de cette rencontre avec le Président Macron, le monde vit une époque historique. Si nous regardons les choses du point de vue de la Chine, ce qu’elle cherche, comme elle l’a déjà dit, c’est un véritable multilatéralisme, ou une véritable multipolarité. Cela veut dire qu’elle ne veut plus du monde dirigé par les États-Unis, elle veut un monde multipolaire. Sa base de raisonnement est que les États-Unis ne représentent que les 4,1% de la population mondiale alors que la Chine en représente 17,5%. Les économies chinoises et américaines sont comparables et sans contredit, la Chine est le partenaire commercial dominant dans la majorité de la planète. Donc, la Chine déclare : « Nous sommes là nous aussi à vos côtés. Nous voulons un monde multipolaire ; nous ne voulons pas du monde dirigé par les États-Unis ».
Et, alors que les États-Unis parlent parfois de l’ordre basé sur la règle, le fait est que la grande stratégie américaine, s’il est possible d’employer ce mot, est la domination. Je vous réfère à un article que je trouve très clair à ce sujet. Il est succin et révélateur. Il a été écrit par un de mes anciens collègues, Robert Blackwill, un estimé ambassadeur américain qui, en 2015, a écrit : « Depuis leur fondation, les États-Unis ont toujours poursuivi une grande stratégie attachée à l’acquisition et au maintien d’un pouvoir prépondérant sur divers rivaux ; d’abord sur le continent américain ensuite sur le monde occidental et finalement sur la planète ».
La Chine ne veut pas du pouvoir prépondérant américain. Elle veut vivre aux côtés des États-Unis. En 2015, R. Blackwill écrit aussi que la Chine est une menace à ce pouvoir américain prépondérant. (Face à cela), il donne toute une série d’actions à poser que l’administration Biden applique mot pour mot. En 2015, R. Blackwill disait que les États-Unis devraient créer « de nouveaux arrangements commerciaux préférentiels avec ses amis et alliés pour augmenter leurs gains mutuels avec des instruments qui excluent délibérément la Chine ». Ce devrait être « un régime contrôlé technologiquement » pour bloquer les capacités stratégiques chinoises, un montage de « possibilités de pouvoir politique des amis et alliés américains dans la périphérie de la Chine », un renforcement des capacités militaires américaines de long du continent asiatique malgré l’opposition chinoise. C’est devenu la politique étrangère du Président Biden. La Chine le sait et elle résiste.
Mais, ce qui est vraiment important et intéressant à comprendre, c’est que nous avons déjà vu cela dans la dynamique en marche dans la guerre en Ukraine. La majorité des pays dans le monde ne veut pas non plus du pouvoir mondial prépondérant des États-Unis. Elle veut aussi un monde multipolaire et donc, ne soutient pas les sanctions américaines contre la Russie et ainsi de suite. C’était aussi le message du Président Lula lorsqu’il a expliqué au Président Xi lors de sa visite à Beijing : « Nous, le Brésil, voulons aussi la multipolarité, une véritable multipolarité et nous voulons la paix, par exemple entre la Russie et l’Ukraine. Ceci n’est pas basé sur les perceptions du pouvoir dominant américain, par exemple l’extension de l’OTAN, mais plutôt sur une paix qui reflète le monde multipolaire ».
C’est tout-à-fait juste. Cela se passe partout dans le monde. Et en fait, ce qui explique que nous sommes dans une situation historique, c’est que les fondements de l’économie et des changements technologiques nous y ont amenés.es. Les États-Unis ne dominent plus l’économie mondiale et le G7 qui regroupe les États-Unis, le Canada, la Grande Bretagne, la France, l’Italie, l’Allemagne et le Japon n’égale pas, économiquement le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du sud regroupés dans les BRICS. Donc, de fait, nous sommes dans un monde multipolaire mais idéologiquement, nous sommes dans un conflit.
DN Juan Gonzalez : (…) Vous venez de parler des BRICS. (Parlez-nous) de l’importance la banque BRICS qui est maintenant installée en Chine avec à sa tête Mme Dilma Rousseff nommée par le Président Lula. Quelle est son importance en regard de sa multipolarité dans les économies du monde, la possibilité de la création d’une monnaie concurrente au dollar américain comme résultat de l’alliance des BRICS. Quel impact sur les affaires dans le monde ?
J.S. : C’est une grosse affaire. Et les États-Unis se retirent. Ce n’est pas très connu et nos politiciens.nes n’y comprennent pas grand-chose mais ils et elles s’éloignent de la scène du monde financier et monétaire mondial. Cela ouvre un espace pour une tout autre sorte de finances internationales.
Je vous donne un exemple. Les États-Unis ont créé la Banque mondiale. Mais, maintenant, le Congrès américain ne veut plus y injecter de fonds et à cause de cela, la Banque mondiale est devenue une petite institution. Elle a un nom prestigieux mais c’est une petite institution sur le plan financier. Les États-Unis n’y mettront plus d’argent. Le Congrès déclare : « Non. Pourquoi devrions-nous perdre notre argent internationalement » ? (Il y a bien des opinions du genre) beaucoup de bla-bla autour de ça. La Chine et les autres pays du BRICS disent : « OK, nous allons créer notre propre banque ». Ils ont créé la Nouvelle banque de développement qu’on appelle parfois la banque BRICS, et elle est basée à Shanghai.
Et ce n’est qu’une des institutions dont la situation change. Il y a aussi une Banque des investissements dans les infrastructures asiatiques, basée à Beijing. C’est ce que le Président Lula disait et cela se passe dans le contexte de la guerre en Ukraine ; ce retrait des paiements internationaux avec le dollar, représente pour les Américains « une vraie faiblesse ». C’est notre ultime moyen d’activer notre politique ; nous pouvons émettre des sanctions, pratiquer du contrôle financier, tenir les autres pays dans les rangs ». Alors, les autres pays répondent : « Pas si pire. Nous allons transiger en renminbi, en roubles, en roupies. Nous allons transiger avec nos propres monnaies ». Et rapidement, ils créent les institutions pour le faire.
Les États-Unis reviennent à la charge : « Nous allons nous emparer de vos réserves. Nous allons le faire si vous allez de l’avant ». Réponse des autres pays : « Si vous voulez introduire de véritables règles multilatérales aux Nations Unies, nous vous suivons. Mais si vous voulez nous imposer des règles, nous n’embarquerons pas ». Et cette curieuse expression, « l’ordre international basé sur la règle » est dans le décor. Le gouvernement américain l’utilise tous les jours. Mais qu’est-ce que cela veut dire ? Qui décrète les règles ? Ce que la majorité du monde veut, ce sont des règles écrites de manière multipolaire ou multilatérale, pas des règles écrites par les États-Unis avec quelque uns de ses amis et alliés.
J.G. : (…) Vous avez été conseiller aux Nations Unies à plusieurs reprises. Pour combien de temps encore les membres du comité de sécurité peuvent-ils demeurer à cinq ? Clairement, le Brésil et d’autres pays du sud global ont déclaré que les Nations Unies devaient être réformées pour que des pays comme ceux de l’Amérique latine, spécifiquement le Brésil, et l’Afrique du sud, devraient avoir des représentants.es dans ce comité, y être membres permanents.
J.S. : Vous savez, les cinq du comité de sécurité des Nations Unies, soit la Chine, la Russie, la France, les États-Unis et le Royaume uni sont les vainqueurs de la deuxième guerre mondiale en 1945. Ils ont écrit les règles des Nations Unies qui stipulent qu’ils seraient les membres du Conseil de sécurité avec un droit de véto sur tout changement dans la charte de l’organisation. C’est vraiment un groupe qui s’est donné des pouvoirs que les autres 188 pays du monde regardent et questionnent : « Qu’est-ce que c’est que ça ? Il faut que ça change ».
Je dirais que le pays le plus stupéfait et le plus frustré par cette situation est l’Inde. C’est le pays le plus peuplé au monde. Les États-Unis comptent plus ou moins 335 millions d’habitants, la Grande Bretagne et la France autour de 60 millions chacun et l’Inde un milliard quatre cents millions, c’est une puissance nucléaire, un super pouvoir mondial qui a présidé le G20 cette année et il n’est pas au Conseil de sécurité ; il n’en est pas heureux du tout. Le Brésil, la plus importante économie de l’Amérique du sud, n’y est pas non plus. C’est un enjeu depuis plus de 20 ans. Les cinq (en place) ont, de diverses manières, bloqué l’entrée de certains pays mais en plus ils déclarent : « Vous savez quoi ? C’est notre club. Nous voulons y demeurer à cinq ».
Je pense que nous sommes face à la réalité. Ce n’est pas qu’un monde dominé par les États-Unis, mais bien un monde dominé par l’Occident (qui est remis en cause). Car le monde dominé par les États-Unis est en fait celui des pouvoirs dit occidentaux : les États-Unis, la Grande Bretagne, l’Union européenne et des membres honoraires occidentaux comme le Japon. Ces institutions internationales doivent changer ; elles n’ont pas un fonctionnement digne du 21ième siècle. En continuant ainsi, nous allons à la catastrophe. Si elles n’étaient pas là, nous devrions les créer parce que nous en avons besoin et nous avons besoin qu’elles fonctionnent donc nous avons aussi besoin qu’elles soient réformées.
A.G. : Je voulais aussi que nous parlions des diverses ententes que la Chine négocie. Voici le Président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva s’exprimant avant sa rencontre avec le Président chinois Xi Jinping (d’après la traduction anglaise du portugais brésilien) : « Que veut Poutine ? Il ne peut conserver les territoires ukrainiens (qu’il détient). Peut-être que nous pouvons mettre de côté la Crimée mais nous devrons revoir ce qu’il a envahi. V. Zelensky ne peut pas non plus avoir tout ce qu’il demande. L’Otan ne pourra pas, tout seul, se maintenir aux frontières. Nous devons donc mettre tout cela sur la table…Je pense que cette guerre dure depuis trop longtemps. Le Brésil a déjà critiqué ce qui devait l’être. Le Brésil défend l’intégrité territoriale de tous les pays, donc nous ne sommes pas d’accord avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie ».
A.G. : Il semble que l’Ukraine soit proche d’une contre-offensive contre la Russie. Pour le faire elle doit avoir un soutien massif de la part des pays occidentaux en équipements militaires. Pouvez-vous nous parler du rôle de la Chine en ce moment, du plan qu’elle a mis de l’avant mais aussi de ces autres négociations qu’elle mène, par exemple le rapprochement entre l’Arabie saoudite et l’Iran et ce qu’elle suggère à propos d’Israël et de la Palestine ?
J.S. : En quelques mots le Président Lula a explicité le cœur des enjeux. Ce que la plupart de nos médias n’osent pas expliquer à la population de ce pays c’est l’expansion de l’OTAN. Fondamentalement, cette guerre découle de la tentative des États-Unis d’étendre une alliance militaire américaine à l’Ukraine et à la Géorgie. Ce pays est situé dans le Caucase mais aussi sur la mer Noire. Depuis des décennies la stratégie américaine a été de circonscrire la Russie autour de la mer Noire avec les membres de l’OTAN que sont l’Ukraine, la Roumanie, la Bulgarie, la Turquie et la Géorgie ; entourer la Russie et sa flotte dans la mer Noire. C’est une flotte qui règne dans ces eaux depuis 1793. La Russie a averti que c’était sa « ligne rouge » et elle le dit depuis des décennies. Par exemple en 2007 à George W. Bush Jr. quand il a eu l’idée saugrenue d’annoncer que l’Ukraine deviendrait membre de l’OTAN.
C’est ce que disait le Président Lula au Président Xi Jinping (depuis la traduction anglaise du portugais brésilien) : « Nous ne pouvons tolérer une guerre qui en une de procuration entre les États-Unis et la Russie pour étendre l’alliance militaire américaine à tout juste 1,200 kilomètres de la frontière russe. C’est la vision de la Russie et nous croyons que c’est sensé. C’est une menace fondamentale à la sécurité de la Russie ». Gardez vos distances. Gardez vos distances. C’est ce que le Président Lula veut dire. C’est ce que signifie la Chine quand dans son plan de paix elle écrit « Nous voulons un plan de paix qui respecte la sécurité de toutes les parties ». On peut traduire par : « Faites la paix. Mettez fin à la guerre. Mais n’étendez pas l’OTAN à la frontière (entre l’Ukraine et la Russie) ».
La population américaine n’a jamais entendu parler de cela du tout. Ça me choque car pour avoir été un observateur aguerri durant ces 30 dernières années, je suis convaincu qu’il s’agit là d’un causus belli. Bien sûr, aucun média ne présentera l’arrière-plan de tout ça. C’est ce qui fait que la Chine, l’Afrique du sud, l’Inde et le Brésil disent : « Nous voulons la paix mais nous ne voulons pas de l’expansion de l’OTAN comme outil d’une soit disant paix. Nous voulons que les super pouvoirs donnent de l’espace aux autres et se tiennent à une certaine distance pour que le monde ne se retrouve pas sur le fil du rasoir ». C’est exactement ce que dit le Président Lula et c’est exactement ce que signifie les Chinois avec leur plan de paix : « Il faut absolument faire la paix, protéger la souveraineté de l’Ukraine et sa sécurité. Mais non à l’expansion de l’OTAN ».
L’administration Biden ne discutera même pas cet enjeu. C’est l’échec majeur et la raison pour laquelle nous n’avons même pas pu arriver à la table de négociation, selon moi. En mars 2022, le Président Zelensky a déclaré : « Peut-être pas l’OTAN, peut-être quelque chose d’autre ». La Russie et l’Ukraine étaient proches d’une entente. Les États-Unis sont intervenus auprès de l’Ukraine pour lui dire qu’ils ne pensaient pas que c’était un bon accord, sous la pression des dits néocon(servateurs) pour que l’élargissement de l’OTAN soit au cœur de ce règlement.
Cela nous ramène à une compréhension plus générale de ce qui est en jeu en Ukraine et envers Taïwan et de bien d’autres situations du point de vue de la Chine, de la Russie et de d’autres pays dont le Brésil et maintenant, l’Arabie saoudite, l’Iran etc. Il s’agit pour eux tous de savoir si les États-Unis font ce qu’ils veulent ou s’ils seront tenus de respecter certaines limites sur la base de ce que d’autres pays disent : « C’est ce que nous pensons ; nous avons besoin d’une vraie multipolarité pas de la domination américaine seule, que les règles soient écrites par nous tous qu’elles ne soient pas que celles des États-Unis ».
J.G. : Jeff Sachs, je me demande si vous pourriez commenter les parallèles à faire entre l’expansion de l’OTAN de plus en plus loin en Europe de l’est et la tentative (américaine) de faire entrer ses forces militaires en Amérique Latine ? Nous fêtons cette année le 200ième anniversaire de la doctrine Monroe. C’est le Président Monroe qui déclarait à tous les pouvoirs européens que l’hémisphère occidental n’avait pas de limites. Durant ces 200 dernières années l’Amérique latine a été la zone d’influence principale des États-Unis. Et nous voilà en train de dire que la Russie n’a aucun droit sur son entourage immédiat, (qu’elle ne peut accepter) que les pays à sa frontière puissent accepter la présence des troupes de l’OTAN.
J.S. : Oui, un peu d’empathie nous aurait mené loin et nous aurait épargné bien des guerres. Mais pour les Américains il serait avisé de réfléchir : supposons que le Mexique entretienne une alliance militaire avec la Chine, est-ce que les États-Unis diraient : « Il en a bien le droit. Qu’allons-nous faire ? Et s’il y avait en ce moment une invasion imminente ou quelque chose du genre ? Je conseillerais fortement à la Chine et au Mexique de ne pas se lancer dans un tel arrangement ; n’essayez pas... https://fr.euronews.com/2023/05/08/deux-hommes-pendus-en-iran-pour-blaspheme?utm_source=newsletter&utm_medium=fr&utm_content=deux-hommes-pendus-en-iran-pour-blaspheme&_ope=eyJndWlkIjoiODRlNTZkMjk0NWVmOTk4ODM3ZjcxZGU4MzQ3YWY1NTAifQ%3D%3D. Mais le gouvernement américain refuse ce genre d’approche ; en d’autres mots il refuse de se mettre dans la peau de l’autre. C’est de l’arrogance fondamentale que de penser que vous déterminez les règles du monde. Le problème avec cela ce n’est pas seulement la position que vous en tirez ….vous vous retrouvez (aussi) dans des crises auxquelles vous ne comprenez rien parce que la population américaine n’a jamais eu l’occasion de penser dans la perspective de l’autre. Donc, l’analogie est en ce moment, très, très claire. C’est ce que la Chine et la Russie et d’autres ne cessent de répéter : « Pourquoi aurions-nous ces doubles standards ? Pourquoi ne transigerions-nous pas avec les autres dans le respect mutuel, pas avec les règles que vous avez écrites » ?
A.G. : Merci Jeffrey Sachs d’avoir été avec nous (…) depuis Cordoba en Espagne.
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