Quoiqu’elle possède par ailleurs, les finissantEs de 2012 ont en mains un énorme montant de dettes. Et ce ne sont plus seulement ceux et celles qui ont terminé ou ont quitté avant la fin les collèges à but lucratif. Ce sont aussi les étudiantEs de collège comme Barnard où le coût du baccalauréat n’est que de 58,078$. 48% des finissantEs de cette année se sont endetté pour payer cette facture. Comme le soulignait le New-York Times récemment, 94% des étudiantEs dans ce pays vont continuer à emprunter pour poursuivre leurs études après le baccalauréat. Ils et elles n’étaient que 45% en 1993. Et pour tous ceux-là les choses ne vont pas mieux, elles empirent. Et leur volonté n’a rien à y voir.
La dette étudiante qui se situe à mille milliards de dollars et continue à monter est une bulle qui va finir par éclater. Le NYT a compilé des chiffres inquiétants : « La dette de chaque emprunteur-euse était de 23,300$ en moyenne en 2011. 10% étaient endettéEs à hauteur de 54,000$ et 3% l’étaient à 100,000$ ». Et les parents de ces étudiantEs s’endettent aussi. Les prêts aux parents pour l’éducation de leurs enfants ont grimpé de 75% depuis 2005-06 selon le Times.
Comme cela s’est présenté pour les achats des premières maisons, des millions ont été dépensés pour rendre l’éducation universitaire une nécessité pour tous et toutes. Et depuis 1980, les droits d’admission aux universités ont augmenté plus vite que les salaires et la part publique de leur financement à été diminué. Comme ajoute le NYT : « si cette tendance se maintient jusqu’en 2016, le coût de l’éducation dans les collèges publics aura plus que doublé en tout juste 15 ans. Et cette année, la participation des États et autres pouvoirs locaux à l’éducation, compte-tenu de l’inflation, aura été réduite à son plus bas niveaux par étudiantE en 25 ans ».
Si vous avez aimé la crise hypothécaire, vous allez adorer celle-ci. Comme l’ont fait les vendeurs immobiliers, le personnel affecté aux admissions dans les collèges a tendance à minimiser les dangers de tels emprunts. Ils invitent les postulantEs à ne pas s’en faire, les étudiantEs ayant toujours pu cesser de payer. Le gouvernement fédéral garantit ces prêts. En ce moment, unE étudiantE sur dix est incapable de payer sa dette dans les deux ans qui suivent l’obtention de son diplôme. Environ la moitié est dans cette situation après cinq ans. Les avocats spécialisés dans les faillites ont déjà tiré la sonnette d’alarme.
M. William E. Brewer Jr. du journal de la National Association of Consumer Bankruptcy Attorneys souligne : « Nous sommes sur la ligne de front de la détresse économique américaine. (Croyez-nous), ceci pourrait bien être la prochaine bombe à éclater sur l’économie américaine ».
Sauf qu’il s’agit d’un autre genre de bombe économique. C’est du genre que chacunE doit trainer. Et grâce aux lois fédérales, on ne peut jamais déclarer faillite pour ce genre de dette. Il n’y a pas de rémission. Il est impossible de récupérer quoi que soit si vos études ne vous ont rien apporté de bien. Il peut même arriver que vos remboursements soient défalqués de votre chèque de sécurité sociale (pension de retraite aux Etats-Unis). Pam Brown, une diplômée de Columbia, travaille pour le groupe Occupy Student Debt. Elle déclare que : « Ce système est une véritable prédation. On prend pour acquis que les étudiantEs ne pourront pas payer leur dette et qu’ils et elles devront obligatoirement les refinancer. Elles deviennent ainsi des dettes privées et les intérêts augmentent bien plus vite. (…) Le gouvernement et les banques profitent tous deux du pot aux roses ». Cette bulle n’éclatera pas sur Wall Street. Mme Brown ajoute : « Cela va affecter des générations. D’une certaine façon ce sont des prêts garantis par le gouvernement. Mais c’est pour protéger les collèges et les universités. Et la dette est si élevée pour chaque individu que cela va affecter toute leur vie. Impossible d’avoir une vie normale avec cela ».
Dernière observation dérangeante : ces pratiques de prêts mettent aussi à jour les divisions raciales dans le pays. Le joli discours de M. Obama sur le changement social nous permet d’oublier cet aspect de la question : « Quand vous vous sentez rattrapéEs par le cynisme, quand vous ont vous dit que vous ne pouvez pas faire une différence ou que vous devez voir moins loin, moins haut, la trajectoire de votre pays devrait vous donner de l’espoir », ajoute le Président.
La vérité est que la trajectoire actuelle est faite de grandes fractures : entre le rural et l’urbain, les très riches et les autres, mais particulièrement entre les blancs et les noirs. Et cela est mis en évidence par le NYT : alors que la moyenne de la dette des diplôméEs du pays est de moins de 12,000$ elle se situe à plus de 38,000$ chez unE Afro-américainE sur trois. Au collège Barnard on ne compte que 4.5% d’Afro-AméricainEs. C’est le même phénomène que pour les dettes immobilières. Il y a plus de risques à s’endetter quand on est NoirE. Ils et elles s’engageaient plus facilement dans des prêts à haut risque (sub-prime) que les autres ; le même phénomène se reproduit pour les prêts étudiants : ils et elles contractent plus de prêts privés à haut risque. Ces emprunts auprès des banques privées ne sont aucunement protégés contre le chômage. Les versements ne sont pas ajustés aux revenus et les annulations de dettes n’existent pas pour ces prêts comme cela peut-être le cas pour les prêts fédéraux aux étudiantEs. Selon Project on Student Debt, le pourcentage des jeunes diplômés afro-américains qui ont contracté ce genre d’emprunts a quadruplé entre 2003 et 2008 ; soit de 4% à 17%. Il est clair que les prochaines évaluations ne seront que pires. Il faut comprendre que toute la richesse que ces familles avaient pu accumuler depuis la lutte pour les droits civiques dans les années soixante a été perdue dans la récente crise immobilière ; la génération afro-américaine actuelle est ruinée.
Au Collège Barnard, le Président a déclaré : « Si vous êtes décidéEs à faire votre part, si vous acceptez de faire ce qu’il faut pour réduire l’écart entre ce qu’est l’Amérique actuelle et ce qu’elle devrait être, je vous déclare que je serai à vos côtés. Si vous adhérez à l’idée brillante et radicalement simple, que tous et toutes dans ce pays, qu’elle que soit leur apparence, leurs amours ou le Dieu auquel ils et elles croient, peuvent aspirer au bonheur, je vous accompagnerez à chaque pas sur ce chemin ».
Parfois, les clichés ne sont que désolants. À d’autres moments ils blessent. « Être à vos côtés (ou) vous accompagner », exprimé devant de nouvaux diplôméEs, exige l’annulation des dettes pour les études. Rien d’autre ne compte !