Édition du 17 décembre 2024

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Israël - Palestine

L’autorité palestinienne dénonce le plan israélien d’une zone tampon : Gaza risque de perdre 16% de son territoire

L’occupant sioniste est en train de mettre en place un plan machiavélique d’une annexion partielle qui ne dit pas son nom. « Israël perpétue son occupation militaire de la bande de Ghaza en délimitant la soi-disant zone tampon qui dévore une grande partie de la bande et la démembre », a dénoncé hier le département des Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne.

Tiré d’El Watan.

Au nom de la préservation de sa sécurité, l’Etat hébreu a mis en œuvre un plan consistant à créer une zone tampon dans la bande de Ghaza assortie de l’annexion de larges pans d’un territoire déjà étriqué et d’un morcellement poussé de l’enclave assiégée.

Selon plusieurs médias dont le journal israélien Haaretz, l’opération que mène l’armée israélienne pour établir cette zone tampon va conduire à l’amputation de 16% du territoire de la bande de Ghaza.

Un plan qu’a dénoncé vigoureusement le département des Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne hier à travers un communiqué relayé par l’agence Wafa. « Israël perpétue son occupation militaire de la bande de Ghaza en délimitant la soi-disant zone tampon qui dévore une grande partie de la bande et la démembre en érigeant des constructions transversales et des routes longitudinales », a fustigé hier le ministère palestinien des Affaires étrangères.

En exécutant ce plan, Israël a « transformé le territoire en zones isolées », comme le montre « la séparation du nord de la bande de Ghaza de son centre et de son sud », et « l’encerclement et l’isolement de Rafah », constate la même autorité.

On assiste en outre à une « fermeture complète de toutes les frontières de la bande de Ghaza » et à la « poursuite de sa destruction zone après zone, la transformant en un lieu impropre à la vie humaine » relève le département palestinien des Affaires étrangères avec effroi.

Contrôle militaire de Ghaza

Alors que l’armée israélienne s’est formellement retirée de la bande de Ghaza en 2005, le ministère palestinien des Affaires étrangères et des Expatriés considère qu’Israël vise en réalité à « consolider son contrôle militaire et sécuritaire sur la bande de Ghaza en la séparant complètement de la Cisjordanie occupée, sapant ainsi les efforts internationaux déployés pour unifier la géographie de l’Etat de Palestine sous une légitimité palestinienne reconnue ».

Le communiqué prévient que « tout arrangement qui ne s’appuie pas sur une pleine coordination avec les dirigeants palestiniens, et qui n’est pas pensé dans le cadre d’une solution politique claire garantissant l’incarnation de l’Etat palestinien sur les frontières du 4 juin 1967 soutenue par une résolution contraignante du Conseil de sécurité de l’ONU, est une perte de temps et prolonge le conflit et le cycle des guerres et des violences ».

Le département palestinien des AE préconise de « traduire rapidement le consensus international sur la solution à deux Etats en mesures pratiques pour résoudre le conflit conformément aux dispositions de la légitimité internationale ».

Jeudi dernier, le journal israélien Haaretz rapportait : « Israël poursuit actuellement un projet massif dans la bande de Ghaza : l’établissement d’une zone tampon adjacente à la barrière frontalière. La zone prévue aura une largeur d’environ un kilomètre et, une fois achevée, englobera environ 16% de la superficie de la bande de Ghaza ».

Le journal ajoute que le plan en question prévoit également un « couloir de contrôle est-ouest pour surveiller les Palestiniens se déplaçant vers le Nord ». Dans son édition en ligne du 4 février 2024, le magazine Géo titrait : « Israël a-t-il déjà commencé, à coups de bulldozers, l’annexion d’une partie de Ghaza ? » Le magazine évoquait dans cet article une « zone tampon mordant sur de nombreuses terres palestiniennes ».

Citant une enquête du journal britannique The Telegraph, le magazine note : « Cette zone de sécurité encerclerait la bande et serait d’un kilomètre de largeur. 1072 bâtiments dans son périmètre ont été détruits, selon le Telegraph, sur les 2824 en place (…). Selon Israël, ces constructions ont été démolies pour des raisons de sécurité, entraînant la disparition de maisons, champs, écoles ou encore mosquées ».

Des vergers entiers détruits par les bulldozers

Dans son édition du 2 février 2024, The Telegraph publiait, en effet, une enquête fouillée sous le titre : « La nouvelle frontière israélienne avec Ghaza ». Une équipe du quotidien britannique a mené des investigations sur une base cartographique, à partir d’images satellite, sur la transformation du territoire de Ghaza depuis l’invasion israélienne le 27 octobre 2023. « Les images satellite analysées par The Telegraph montrent plus de 1000 bâtiments détruits autour du périmètre terrestre de Ghaza », révèle le journal.

Et de préciser : « Le Telegraph a été témoin direct des destructions généralisées lors d’un récent voyage à travers la prétendue zone tampon. Les Forces de défense israéliennes (FDI) ont déclaré qu’elles faisaient exploser des bâtiments en montrant des preuves d’infiltration du Hamas.

Une analyse plus approfondie utilisant des images satellite prises le long de la frontière a révélé des centaines de maisons rasées, des champs et des vergers détruits, des services publics explosés et des écoles et des mosquées rasées. »

Le journal poursuit : « La zone autour de la ville de Beit Hanoun était autrefois célèbre pour ses vergers et son agriculture, avec ses plantations d’agrumes, ses arbres fruitiers et ses cultures de figues de Barbarie. Mais une grande partie de ces vergers a été détruite par les bulldozers de Tsahal envoyés pour tracer de nouvelles routes et ouvrir la voie aux véhicules militaires utilisés lors de l’invasion terrestre.

Les arbres fruitiers, les champs et les serres semblent avoir été enfouis dans le sol (…). Presque toute trace de verdure a disparu. La limite nord-est de Beit Hanoun montre environ 150 bâtiments proches de la ‘‘zone tampon’’ complètement détruits, tandis que les maisons autour de la zone sont parsemées de dégâts causés par l’invasion. »

Le journal en ligne The Times of Israël a publié de son côté, le 25 mars dernier, un long papier sur le même sujet. « D’une zone tampon à des drones d’attaque en passant par des troupes supplémentaires, l’armée prévoit d’assurer la sécurité d’Israël en adoptant une approche de tolérance zéro », résume l’article en exergue.

« Le processus consistera pour Tsahal à passer de mesures défensives plus passives à l’adoption d’une doctrine de sécurité qui verra les habitants de Ghaza repoussés loin de la frontière et une force renforcée le long de la clôture activement engagée dans le maintien de la sécurité des villes israéliennes en renforçant la capacité de dissuasion », explique le site israélien.

Et de faire remarquer que « les responsables prennent soin d’utiliser le terme ‘‘zone tampon’’ et non ‘‘zone de sécurité’’, de peur qu’il ne rappelle la zone de sécurité du Sud-Liban maintenue par l’armée israélienne de 1985 à 2000 et considérée internationalement comme une ‘‘occupation militaire’’ ».

Violences géographiques

The Times of Israël précise que « la décision de créer une zone tampon a été prise au début de la guerre, après que les massacres du 7 octobre ont amené Tsahal à conclure qu’un dispositif d’alerte précoce reposant sur le renseignement et la surveillance était insuffisant pour protéger les villes israéliennes proches de la frontière de Ghaza ».

Le site d’information indique par ailleurs : « Outre la destruction de dizaines de kilomètres de tunnels, la création de la zone tampon implique de déblayer toute végétation, y compris les champs agricoles, et de raser les maisons et autres bâtiments. » L’auteur de l’article s’est déplacé dans une localité frontalière, en l’occurrence le village palestinien de Khuzaa.

Il établit ce constat : « La destruction est évidente à Khuzaa, dont l’extrémité orientale longe pratiquement la frontière. Les maisons qui se trouvaient à quelques centaines de mètres de la clôture avant la guerre sont aujourd’hui réduites à l’état de ruines. »

Le média israélien précise que l’Etat hébreu s’est même préparé à mener une bataille juridique pour aménager cette zone tampon en violation du droit international. « L’armée travaille toujours sur le plan administratif de la zone tampon : son aspect, les capacités qu’elle comprendra, les règles d’ouverture du feu sur ceux qui y pénètrent et la possibilité d’une démarcation visible de l’endroit où elle commence.

Ce travail est effectué en collaboration avec la division juridique de Tsahal, qui pourrait un jour avoir à défendre la décision d’exproprier une parcelle de terre de la bande de Ghaza », affirme l’auteur du papier.

Plusieurs pays avaient mis en garde Israël contre toute velléité d’altération géographique de la bande de Ghaza. Même l’administration américaine s’est opposée à la création de cette zone tampon.

Le 24 janvier dernier, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale à la Maison-Blanche, John Kirby, avait clairement fait savoir dans une conférence de presse : « Notre point de vue sur cette question n’a pas changé. Nous ne voulons pas voir le territoire de Ghaza réduit d’aucune façon, et nous ne soutenons pas cela. »

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Mustapha Benfodil

Journaliste pour El-Watan.

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