8 mois plus tard, on commence à en prendre toute la mesure, tant la liste est déjà longue : (1) cure de minceur obligée pour l’ensemble de l’appareil d’État avec gel de l’embauche (-2, 7 milliards en 2014) ; (2) fin du principe de l’universalité et du tarif unique dans les CPE dès 2015 ; (3) réforme sans négociation du régime de retraites des employés municipaux dont ils font les frais (loi 3) ; (4) centralisation et hiérachisation autoritaire des services de santé ; (5) réduction du nombre des commissions scolaires, suppressions de postes et nouvelles coupures dans les cegeps et universités ; (6) détournement des fonds de la Caisse des dépots pour pallier aux manques de l’investissement public gouvernemental ; (7) coupures dans les programmes d’aide sociale des plus démunis ; (8) déclaration de guerre contre les 540 000 employés de la fonction publique à qui l’on promet gel de salaires, hausse de l’âge à la retraite, augmentation de leur productivité, etc... sans même parler des politiques pétrolières indiscriminées...
La stratégie du choc
On le voit, c’est à une attaque en règle à laquelle on a affaire ; à une attaque sans précédent qui, si elle soulève chaque fois dans le secteur concerné de fortes oppositions, n’a pas encore été l’objet –si ce n’est lors de la grande manifestation de fin novembre à Montréal— de réactions concertées et généralisées.
Il faut dire qu’on se trouve confronté à une véritable « stratégie du choc », stratégie dont on sait, pour reprendre les analyses de Naomie Klein, qu’elle a déjà été maintes fois utilisée ailleurs et qu’elle vise par l’ampleur comme la rapidité des réformes imposées, à tétaniser ses opposants potentiels, en somme à annihiler toute résistance d’ensemble digne de ce nom.
Mais le symptômatique est sans doute ailleurs. À y regarder de près, ce qui est troublant dans cette vague de réformes, c’est qu’en mettant ainsi la hâche dans les dépenses gouvernementales, elle tend à jeter les bases d’un nouveau modèle de société, en tous points contraire à ce qui s’était laborieusement constitué au Québec depuis la révolution tranquille. Un modèle qui a pourtant déjà failli dans de nombreux autres pays. Cette fois-ci, ce qu’on veut –foi de Martin Coiteux, l’idéologue néolibéral— c’est en finir à tout jamais avec l’État providence ou interventionniste, avec « les préjugés favorables » aux femmes et « aux travailleurs », avec les tentatives d’humaniser ou de réformer le capital. Ce qu’on veut, c’est revenir dare dare aux seules lois du marché, à un « capitalisme pur » sans régulation aucune, là où seuls comptent les intérêts sonnants et trébuchants des marchés financiers, « les eaux glacées du calcul égoïste ».
À qui profite le crime ?
Mais pourquoi, pour qui, se demandera-t-on ? La réponse est facile à trouver, il suffit de regarder à qui ces politiques font mal et à qui elles profitent, en somme à qui profite le crime.
Peu importe le terme que vous utilisez. Qu’il s’agisse de « classes moyennes », de « salariés », ou de « travailleurEs », ce sont eux qui à l’évidence écopent et font les frais de ces politiques. Alors qu’il aurait été si facile, pour combler une bonne partie du déficit, d’aller chercher de nouveaux revenus, notamment en taxant le capital ou les plus fortunés (grandes phamaceutiques, minières, banques, etc.). Or c’est ce qu’on oublie de rappeler et que les données colligées par le Crédit suisse et publiées récemment par Oxfam mettent bien en lumière à propos des effets de la régulation néolibérale : jamais les riches n’ont été aussi riches, et qui plus est, le sont chaque fois plus. Ainsi, alors que le 1% des individus les plus fortunés au monde possède déjà en 2015, 48% du patrimoine mondial, ce 1% en possèdera, si la tendance se maintient, 50% en 2016. Et cela, pendant que les ¾ de l’humanité les moins riches se partagent quant à eux, 5, 5% de la richesse totale produite.
Pas de doute là-dessus, l’austérité néolibérale si vous voulez en comprendre le sens, c’est d’abord comme ça qu’il faut la voir : il n’y a que les riches qui en profitent !
Pierre Mouterde
Québec, le 29 janvier 2015