Édition du 17 décembre 2024

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Le Monde

L’ancien directeur du FMI, Rodrigo Rato, doit aller en prison. Et 1, et 2, et 3…

Au-delà de la récente condamnation de Rodrigo Rato pour détournement de fonds au sein de la banque espagnole Caja Madrid puis Bankia, le Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM) estime qu’une condamnation de M. Rato pour les politiques criminelles menées par le FMI sous sa direction, notamment dans les pays appauvris, reste tout autant à l’ordre du jour. En vu des laissé·e·s-pour-compte, mort·e·s de faim et réfugié·e·s économiques que les politiques d’ajustement structurel imposent à la planète pour les bénéfices d’une minorité, le CADTM constate qu’il n’est pas anodin que M. Rato soit le troisième directeur du FMI poursuivi. Depuis ces 14 dernières années, la légalité de la direction du FMI est ainsi sérieusement remise en question.

tiré de :http://www.cadtm.org/L-ancien-directeur-du-FMI-Rodrigo-Rato-doit-aller-en-prison-Et-1-et-2-et-3

Cette fois, l’ancien directeur du FMI (2004-2007), vice-président et ministre de l’Économie du gouvernement conservateur de José Maria Aznar (1996-2004), Rodrigo Rato, ne devrait pas, en principe, échapper à la prison. Il vient d’être condamné par la Cour suprême espagnole, ce 3 octobre 2018, à quatre ans et demi de prison pour avoir détourné des fonds des banques qu’il dirigeait. Selon les magistrats de la Cour suprême, M. Rato a hérité de son prédécesseur Miguel Blesa à la banque Caja Madrid, d’un système de cartes de crédit au fonctionnement opaque, « en le maintenant et l’étendant ». Au total, entre 2003 et 2012, soixante trois hauts dirigeants et membres du Conseil d’administration de Caja Madrid, devenue Bankia en 2010, ont détourné, à leur guise, plus de 12 millions d’euros de la banque grâce à ce système, dont 2,6 millions sous la présidence de M. Rato (qui a dirigé Caja Madrid puis Bankia entre 2010 et 2012). Les faits ont profondément scandalisé l’opinion publique alors que l’Espagne était frappée de plein fouet par la crise de 2008 et l’éclatement de sa bulle immobilière… encouragée par le secteur bancaire.

Les 63 bénéficiaires de ce système mafieux ont tous été condamnés à des peines qui oscillent de 3 mois à la condamnation maximale de 6 années de prison reçue par l’ancien président de Caja Madrid entre 1996 et 2009 et créateur de ce système selon la justice, Miguel Blesa, qui s’est suicidé en juillet 2017. Si 14 d’entre eux devraient effectivement aller en prison avec des condamnations dépassant 2 années d’incarcération, il est déplorable de constater que beaucoup d’autres pourraient voir leur peine d’emprisonnement suspendue au cas par cas.

Au-delà du système carcéral, outil du système capitaliste, il est important de retirer leur pouvoir à ces personnes, c’est-à-dire d’amoindrir leur fortune par des amendes importantes à la hauteur des préjudices qu’ils ont commis et de les empêcher de nuire à nouveau par l’interdiction d’exercer dans les métiers bancaires et au sein d’institutions financières internationales. Cependant, le CADTM condamne la justice de classe et ne tolère pas que ces personnes jouissent d’avantages et de protections particulières dans l’application de leurs jugements.

Des procédures toujours en cours

Le 26 novembre prochain, après 5 années d’instruction, Rodrigo Rato, devra s’asseoir à nouveau sur le banc des accusés et être cette fois jugé pour escroquerie. En effet, il est également accusé d’avoir falsifié les comptes de Bankia pour obtenir le feu vert des autorités à son entrée en bourse. Célébrée en grande pompe en juillet 2011, cette introduction en bourse s’est révélée catastrophique et le titre de la banque avait perdu 80 % de sa valeur les 12 mois suivants. L’État espagnol avait fini par nationaliser Bankia et injecter 22,4 milliards d’euros d’argent public issus d’un prêt européen pour la sauver.

Enfin, après avoir découvert 6,5 millions d’euros d’origine inconnue dans la société Kradonara qu’il contrôlait, l’artisan du « miracle économique espagnol » du temps où il était ministre, est accusé de blanchiment et corruption.

Le CADTM applaudit la pression citoyenne exercée au sein de la campagne 15MpaRato qui aboutit à la condamnation de Rodrigo Rato et exige qu’aucun allègement de peine ne lui soit accordé. Il est affligeant de constater que certain hauts dirigeants tel l’ancien directeur financier de Caja Madrid, Ildefonso Sánchez Barcoj, voient leur peine réduite et échappent ainsi à l’emprisonnement, pourtant appliqué à nombre de personnes innocentes ou de personnes coupables de faits sans incidence sur la vie de leurs concitoyen·ne·s. Le CADTM déplore une justice à deux vitesses mettant à l’abri les grands responsables de la crise financière qui n’en finit plus.

Depuis le début de la crise, provoquée en grande partie par l’avidité irresponsable de nos banquiers aux États-Unis et en Europe, mis à part quelques cas isolés en Islande, aucun d’entre eux n’est allé en prison, aucune banque ne s’est vue retirer sa licence. Les amendes infligées aux grandes banques aux États-Unis et en Europe leur permettent d’éviter toute autre condamnation et de poursuivre leurs activités délictueuses jusqu’à engendrer la prochaine crise.

Après la démission contrainte de l’ancien directeur du FMI, Dominique Strauss-Kahn, en mai 2011 suite à son arrestation pour tentative de viol à New York, les affaires en justice de Christine Lagarde reconnue coupable mais dispensée de peine en 2016 [1], c’est au tour de Rodrigo Rato d’être inculpé. Le CADTM constate que les hauts dirigeants du FMI enchaînent les uns après les autres les affaires en justice sans que cela n’entravent les recommandations que l’organisme de Washington distille à ses pays membres. Le fait qu’un ancien haut responsable d’une grande banque et du FMI soit condamné pour détournement de fonds, et soit accusé de falsification de documents, est un signe plus que révélateur qui doit nous encourager à exiger la disparition du FMI et de ses mesures funestes, ainsi que la mise sous contrôle citoyen du secteur financier.

Communiqué de presse publié sur le blog Un monde sans dette du journal Politis.

Notes

[1] « Procès Lagarde, la culpabilité version business class », CADTM, 22 décembre 2016

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