Édition du 19 novembre 2024

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Afrique

L'Ethiopie réprime une marche de réfugié·e·s soudanais·e·s en quête de sécurité

Mercredi 1er mai, 8 000 réfugié·e·s soudanais·e·s vivant dans les camps de Komar et Olala à la frontière soudano-éthiopienne ont décidé de se rendre à pied dans la ville éthiopienne la plus proche, fuyant l’insécurité et les mauvaises conditions de vie dans les camps. La marche a été réprimée par la police éthiopienne, et les réfugié·e·s attendent toujours des solutions.

Tiré du blogue de l’auteur.

Depuis le début de la guerre au Soudan en avril 2023, plus de 1,6 million de Soudanais·e·s ont fui leur pays. Environ 33 000 d’entre ell·eux ont trouvé refuge en Éthiopie. Les camps de Komar et Olala à la frontière soudano-ethiopienne accueillent des dizaines de milliers de réfugié·e·s qui fuient les combats dans leur pays d’origine. Ces camps de transit a été mis en place par le Service Gouvernemental des Réfugiés et Retournés d’Ethiopie, et le Haut Commissariat aux Réfugiés de l’ONU (HCR).

Ces derniers temps, selon les habitant·e·s, les conditions de vie dans le camp se sont considérablement dégradées, avec une absence de services de santé. Un habitant rapporte qu’il y a eu plus de 15 accouchements ces dernières semaines sans assistance médicale, dans des conditions catastrophiques. Le HCR a reconnu dans une déclaration de presse que les conditions de vie dans le camp étaient "très difficiles".

Les habitant·e·s des camps de Komar et Olala ont également été victimes de nombreuses attaques par des milices locales de la région d’Amhara. Ces milices s’opposent à l’armée fédérale depuis plus d’un an dans la région, dans un conflit qui a fait au moins 200 mort·e·s l’année dernière, selon l’ONU. Ces dernières semaines, une série d’attaques de milices ont été menées contre les habitant·e·s du camp. Un habitant de Komar a été blessé par balle et hospitalisé.

Mercredi 1er mai, à 5 heures du matin, entre 7 000 et 8 000 réfugié·e·s ont décidé de quitter le camp et de se rendre à pied dans la ville de Gondar, la capitale régionale située à 120 kilomètres. Ils et elles voulaient se rendre au bureau du HCR, pour demander l’accès à un lieu de vie sécurisé. Dans une vidéo filmée par les réfugié·e·s en marche, l’un d’entre eux explique : "Nous en avons assez de ces problèmes de sécurité et de ces violations. Nous avons décidé de sortir et de chercher un endroit sécurisé, un refuge".

Mais à peine 3 kilomètres après le départ de la marche, leur progression a été stoppée par les forces de la police fédérale éthiopienne. Certaines personnes ont été arrêtées et détenues par les autorités éthiopiennes, les autres sont simplement bloquées sur la route depuis plusieurs jours. Dans une vidéo filmée sur place, l’un des réfugié·e·s exprime sa colère contre le gouvernement éthiopien : "Il y a des noms qui sont apparus sur la liste des personnes recherchées, juste parce qu’ils ont participé à une réunion. La police menace la sécurité de certains individus, alors que c’est justement un des problèmes qui nous poussent à partir. Le gouvernement utilise la violence contre les réfugiés, et bloque l’accès à certaines ressources, ils empêchent qu’on ait accès à de l’eau et à de la nourriture."

L’endroit où le cortège a été arrêté se trouve au cœur de la zone en proie à l’insécurité et aux conflits armés. Les réfugié·e·s bloqué·e·s se retrouvent ainsi obligé·e·s de camper en pleine nature, encore plus exposé·e·s que dans les camps qu’ils et elles ont quitté. Un d’entre eux raconte : "Hier, il y a eu des tirs qui ont créé un état de peur, il y a aussi eu une attaque de la part des milices contre le campement, mais quand les gens ont commencé à crier, ils sont partis. Au moment où on parle, tout peut arriver, parce que nous on a nulle part où aller, on n’est pas protégés, donc ils peuvent nous attaquer à tout moment."

Les Soudanais·e·s résidant à d’autres endroits du territoire éthiopien ont protesté contre cette répression disproportionnée des autorités éthiopienne face à une simple demande de protection. Sur les réseaux sociaux, des militant·e·s soudanais·e·s de la plate-forme "Darfour Victim Support" pointent du doigt : "les politiques discriminatoires mises en place par le gouvernement éthiopien à l’encontre des réfugié-e-s soudanais-e-s, par exemple l’interdiction d’accès au territoire éthiopien et la contrainte de résider dans des zones où la sécurité et les services de base font défaut".

Un des réfugié·e·s bloqué·e·s note également l’injustice liée à l’invisibilité de leur situation : "On ne se sent pas du tout en sécurité, et je pose la question au monde entier : pourquoi le monde n’est pas solidaire avec nous, comme ils sont solidaires avec d’autres peuples, comme le peuple ukrainien ?"

Le porte-parole du gouvernement éthiopien, l’administration régionale d’Amhara, la police fédérale n’ont pas fait de déclaration aux médias. Le HCR a reconnu à l’agence de presse Reuters que : "les raisons pour lesquelles ces personnes ont quitté le camp est parce qu’elles ne s’y sentaient pas en sécurité". Dans les vidéos filmées par les réfugié·e·s, cell·eux-ci disent toujours attendre une réponse du HCR et du gouvernement pour régler leur situation.

 Équipe de Sudfa (en collaboration avec des militant·e·s soudanais·e·s en Éthiopie)

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