Édition du 19 novembre 2024

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Amérique centrale et du sud et Caraïbes

L’Argentine dans la crise financière et économique.

14 mai 2018, le peso argentin chute en perdant 6,9% de sa valeur. Le 8 mai le gouvernement de Mauricio Macri a fait appel au FMI pour obtenir un prêt qui lui permettrait de répondre à la spéculation des opérateurs sur les marchés financiers. Ce prêt a l’avantage de ne pas passer par les marchés financiers pour soutenir le cours de la monnaie. Il rappelle les souvenirs de la grande crise de la dette qui a touché l’Argentine en 2001.

tiré de : Entre les lignes et les mots 2018 - 20 - 2 juin : notes de lecture, textes, annonces et pétition

Qu’en est-il aujourd’hui ? L’Argentine a voulu, bénéficiant de la hausse des prix des matières premières – dont le maïs transgénique -, rembourser en 2006, la totalité de sa dette. Une erreur. Qui a conduit à une pression importante sur les finances publiques au détriment des populations les plus faibles. Mauricio Macri, élu fin 2015, un libéral venant des classes les plus riches, est allé jusqu’à payer la dette aux fonds vautours, ceux qui s’étaient procuré des obligations publiques argentines à bas prix pour en demander le remboursement intégral. Il a été applaudi par le FMI.

Pour faire face au ralentissement de la croissance et continuer à financer les dépenses publiques et faute de réserve de change accumulée mangée par le remboursement de la dette, la dette externe a beaucoup augmenté depuis 2016. Les mesures prises par Macri ont renoué avec la déréglementation en revenant sur toutes les lois votées sous la présidence de Kirchner dont la plus emblématique, la levée du contrôle des capitaux. Dans le même temps, le gouvernement a renoué avec le diktat libéral de la baisse du déficit public qui ne peut passer que par la baisse des dépenses publiques. Le résultat est connu : approfondissement des inégalités mais aussi dépendance totale vis-à-vis du marché mondial et des marchés financiers. Pendant cette période, le prix des matières premières s’est orienté à la baisse réduisant les capacités du pays à payer les intérêts de sa dette.

Pour lutter contre la fuite des capitaux, le gouvernement a haussé les taux d’intérêt jusqu’à 40%, de quoi favoriser la faillite des entreprises incapables de faire face à de tels taux. Comme d’habitude, dans ce pays habité par le dollar – qui sert de monnaie de référence dans les échanges y compris quotidiens -, la hausse du dollar sur les marchés des changes a été le facteur déclencheur. Hausse du dollar qui provient d’un changement de la politique monétaire de la Fed – la banque de réserve fédérale américaine – décidée, sous la houlette du nouveau président, Jérôme Powell, d’augmenter les taux d’intérêt, en faisant l’hypothèse du retour de la croissance et de l’inflation. Pourtant les prévisions sont plutôt celles d’une croissance relativement faible et d’une inflation poussive. Le risque est grand d’une remontée rapide des taux d’intérêt sur le marché obligataire qui aurait comme conséquence une crise financière. Le schéma est simple. Les obligations redeviendraient des produits de spéculations et les traders vendraient les actions pour acheter des obligations.

Pour le moment, les conséquences sur les économies émergentes se font sentir via la hausse du dollar issue de cette augmentation des taux d’intérêt qui inaugure une nouveau contexte et le retour de la volatilité.

Même si l’Argentine a rompu le peg ancien, soit un peso pour un dollar, l’arrimage du peso argentin au dollar subsiste. La dépendance au dollar commence par ses emprunts. Comme à l’accoutumée, les Bourses chutent en même temps que la monnaie.

Remboursement prématuré de la dette, retour de la déréglementation sont les ingrédients principaux d’une nouvelle crise de la dette et d’une spéculation effrénée contre les monnaies des pays émergents, latino-américains notamment. Ces pays ont une « reprimarisation » de leurs économies liée à la désindustrilaisation. Ils ne produisent pas les marchandises nécessaires à la mise en place de la nouvelle révolution scientifique et technique, le numérique, et deviennent de plus en plus dépendants des pays développés, des États-Unis en particulier. Cette reprimarisation signifie qu’ils sont redevenus tributaires des exportations de matières premières.

La crise ne peut que se poursuivre et s’approfondir devenant économique – la récession. Une fois encore les politiques d’inspiration libérale font la preuve de leur nocivité.

Tous les pays émergents sont ou seront dans la tourmente.

Nicolas Béniès

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