Le 28 septembre 2009, soit il y a maintenant deux ans, l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) demandait au gouvernement du Québec de décréter un moratoire avant d’autoriser l’exploration et l’exploitation à grande échelle de gaz de schiste au Québec et dans le but de protéger l’environnement, la santé et la sécurité des Québécoises et Québécois, et ce, en raison des nombreuses questions demeurées sans réponse.
Celles-ci touchaient la pertinence des gaz de schiste dans une stratégie énergétique québécoise, les problèmes liés à la pollution de l’air, aux nuisances pour la population locale, aux problèmes de contamination de l’eau et aux quantités astronomiques d’eau employées et perdues, à la quantité d’énergie nécessaire pour explorer et exploiter les gaz de schiste, aux pouvoirs légaux des municipalités et de leurs citoyennes et citoyens, à la présence ou non d’autorisations par les ministères, ainsi que les processus de surveillance et d’inspection, sans oublier l’impact sur la possibilité d’atteindre les objectifs que s’est fixé le Québec : en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, du maintien de l’usage agricole, d’acceptabilité sociale etc.
De l’aveu même des autorités gouvernementales, le gouvernement manquait de connaissances à tout point de vue pour faire face à ses responsabilités en santé, en environnement et en termes d’encadrement réglementaire.
Pourtant, plus de 500 permis d’exploration avaient déjà été octroyés à l’industrie du gaz.
Il y a deux ans, l’AQLPA terminait son communiqué avec les deux demandes suivantes :
1. « Est-ce que le gouvernement du Québec accepterait de mandater le BAPE de tenir une audience générique du BAPE afin d’identifier les impacts de cette activité et de recommander une réglementation adéquate pour l’encadrer ?
2. Dans l’intérim, le gouvernement du Québec accepterait-il d’émettre un moratoire sur la poursuite de l’émission des permis et autorisations de prospection de gaz au schiste et de n’émettre aucune autorisation d’exploitation de ce gaz au Québec ? »
Deux ans plus tard, où en sommes-nous ?
* Le BAPE a tenu une audience sans étude d’impact préalable et beaucoup plus limitée et stricte que les commissions génériques habituelles comme l’industrie porcine ou l’eau (4 mois plutôt que 18 mois, pas de documentation crédible préalable). De plus, le gouvernement a décrété que la pertinence de développer le gaz de schiste ou la comparaison de cette source d’énergie avec l’alternative énergétique (efficacité énergétique, biométhane, géothermie, solaire, etc.) ne seraient pas discutées, l’objectif étant "le développement durable" de l’industrie des gaz de schiste.
L’AQLPA et les groupes environnementaux et citoyens - de même qu’un grand nombre d’organisations publiques et privées - ont toutefois accepté de jouer le jeu tout en sachant que ces deux questions essentielles demeureraient sans réponse.
* Un comité pour une évaluation environnementale stratégique (ÉES) des gaz de schiste a été mis sur pied et sa composition a d’ailleurs été immédiatement critiquée. Encore une fois, la pertinence et l’alternative énergétique aux gaz de schiste ne feront pas l’objet du mandat d’analyse. Malgré les 10 000 personnes qui sont descendues dans la rue pour réclamer une ÉES crédible, le gouvernement refuse toujours d’y joindre les personnes dûment désignées par les groupes environnementaux et citoyens. Cette attitude entache la crédibilité du comité et alimente la méfiance, alors que l’industrie et le gouvernement (qui a affirmé à plusieurs reprises avoir un biais favorable envers l’industrie) sont bien représentés.
L’absence de transparence est également contraire à l’esprit d’une telle démarche et contribue à discréditer complètement les travaux de l’ÉES. De plus, le fait qu’aucune personne siégeant au comité de l’ÉES ne questionne ouvertement la pertinence des gaz de schiste va à l’encontre même de la recherche scientifique, le fondement même de la science étant le doute et le choc des idées.
* Les gazières affirment que, malgré l’ÉES, leurs activités se continueront comme prévu et elles pourront toujours faire des forages, en demandant l’autorisation préalable au comité de l’ÉES, d’où l’expression trompeuse : quasi-moratoire. Il n’y a pas de moratoire au Québec sur les gaz de schiste.
Au fil de ces 730 jours, les Québécoises et Québécois ont appris que la plupart des puits creusés dans la Vallée du Saint-Laurent fuyaient, que les redevances sont quasi-inexistantes, que les risques à long terme risquaient de s’avérer très coûteux et dangereux. Au niveau international, les médias font état presque tous les jours que de très nombreux incidents se produisent régulièrement. On apprend que les gazières ont les mêmes ambitions au Nouveau-Brunswick, en France, en Pologne et en bien d’autres endroits.
Partout, les populations doivent se mobiliser face aux mêmes tactiques de relations publiques des gazières et de leur soutien par le secteur public. Au Québec, l’industrie embauche tour à tour des symboles de l’énergie et de l’indépendance, sans succès : d’abord André Caillé puis Lucien Bouchard et maintenant André Boisclair. Exit la ministre des Ressources naturelles et de la Faune qui démissionne, aussitôt remplacée par l’ancien ministre du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation. Une nouvelle loi sur les Mines est en discussion, la Loi sur les hydrocarbures est toujours attendue et le gouvernement n’a jamais si peu parlé d’énergies renouvelables.
Deux ans plus tard, l’AQLPA réitère sa demande de moratoire complet, une véritable représentation des groupes environnmentaux et citoyens, un élargissement du mandat de l’ÉES et une plus grande transparence. Pour lire le communiqué du 28 septembre 2009 et les questions que l’AQLPA a adressées alors au gouvernement, cliquez ici (http://www.aqlpa.com/extraction-du-gaz-de-schiste-dans-la-vallee-du-saint-laurent/questions-au-gouvernement.html).