Édition du 5 novembre 2024

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Gaz de schiste

Gaz de schiste, solidarité internationale et transition énergétique : quelques perspectives

La première journée internationale d’actions contre les gaz et pétrole de schiste du 22 septembre a été une réussite. Y compris en France, malgré les récentes déclarations de François Hollande. Les collectifs citoyens et organisations mobilisées ne manquent pas de raisons pour renforcer et étendre leurs actions, notamment dans la perspective du débat national sur la transition énergétique.

Ce 22 septembre s’est tenue la première journée internationale d’actions coordonnées contre les gaz et pétrole de schiste, contre la fracturation hydraulique mais également pour repousser avec force la propagande actuellement déployée par l’industrie pétrolière et gazière pour promouvoir ses projets dévastateurs. De la Pennsylvanie à la Bulgarie, en passant par le Texas et l’Afrique du Sud, près de 150 actions ont été organisées dans la très grande majorité des pays concernés : Etats-Unis, Canada, Mexique, Argentine, Irlande, Royaume-Uni, Espagne, Allemagne, Pays-Bas, Autriche, République Tchèque, Bulgarie, Roumanie, Australie, Afrique du Sud, etc. Preuve que la France est loin d’être une exception, à l’inverse de ce que clament industriels et éditorialistes pro-gaz de schiste, oubliant que la fracturation hydraulique fait l’objet d’interdictions, de moratoires ou de restrictions dans plusieurs centaines de lieux de la planète, y compris aux Etats-Unis (voir cet article pour un tour d’horizon quasi-exhaustif des mobilisations contre les gaz et pétrole de schiste : http://alter-echos.org/extractivisme-ressources-naturelles/gaz-et-petrole-de-schiste-tour-dhorizon-dune-mobilisation-citoyenne-internationale/).

En France, ce sont plus de 3500 personnes qui se sont réunies autour d’une journée de forums et actions à Saint-Christol les Alès (Gard), près de 1000 à Tournant en Brie (Seine-et-Marne), plus de 2500 à Aix les Bains (Savoie), 500 à Beaumont de Lomagne (Tarn-et-Garonne), une action symbolique sur le Trocadéro, une autre à Strasbourg, etc. Preuve que les déclarations de François Hollande lors de l’ouverture de la Conférence environnementale n’ont pas mis fin à la mobilisation citoyenne. Comment pourrait-il en être autrement alors que des dizaines de permis concernant les gaz de schiste sont toujours valides ou en cours d’instruction ? Si « personne ne peut affirmer que l’exploitation des gaz et huiles de schiste par fracturation hydraulique, seule technique aujourd’hui connue, est exempte de risques lourds pour la santé et l’environnement » comme l’a affirmé le Président de la République, alors il faut mettre fin à l’ensemble des permis ou demande de permis qui ont pour cible l’exploration et l’exploitation des pétroles de gaz de schiste.

Pour les collectifs citoyens réunis en coordination nationale, « il n’y a plus, aujourd’hui, en France, de gisements d’hydrocarbures accessibles sans stimulation ou techniques néfastes pour l’environnement à court, moyen et très long terme ». Compte-tenu du flou entretenu par les entreprises détentrices de ces permis, dont la majorité se gardent bien de déclarer vouloir utiliser la fracturation hydraulique pour ne pas tomber sous le coup de la loi, seule une détermination sans faille sur le terrain et une vigilance à toute épreuve permettront de mettre sous le feu des projecteurs médiatiques ces permis oubliés par le gouvernement. C’est donc sans doute un par un que l’on obtiendra l’abrogation des permis existants et le rejet des demandes en cours d’instruction par l’administration.

Premier sur la liste, le permis des Plaines d’Alès détenu par l’entreprise Mouvoil. Dans cette région, les géologues ont montré qu’il était impossible d’extraire du pétrole ou du gaz sans stimuler ou fracturer les schistes. Pourtant Mouvoil conserve son permis. Pire, l’entreprise a demandé une autorisation préfectorale pour faire circuler ses camions sismiques afin d’identifier les quelques lieux favorables à des forages-test. Et les préfectures du Gard et de l’Ardèche s’exécutent en convoquant les maires des communes concernées. Une vaste opération de solidarité avec les maires peu disposés à laisser ces camions passer sur le territoire de leurs communes est en cours (voir http://www.stopaugazdeschiste07.org/spip.php?article338). La situation est semblable en région Ile-de-France où de nombreux permis sont à abroger urgemment.

Cette journée internationale d’actions est aussi l’expression d’une détermination visant à construire des solidarités au delà des frontières nationales. Une solidarité avec toutes les populations concernées par l’extraction de pétrole et gaz de schiste, qu’elles en vivent déjà les conséquences environnementales et sanitaires, ou qu’elles s’opposent à la mise en œuvre de ces projets dévastateurs. Voici quelques exemples des multiples facettes de ce travail de solidarité internationale :

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Soutenir les collectifs Sud-Africains confrontés à la récente décision de leur gouvernement de lever le moratoire sans justification (voir la pétition : http://www.avaaz.org/en/petition/Stop_fracking_in_South_Africa/?wiQbDbb).
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Appuyer les militants des Etats-Unis qui essaient de desserrer l’étau et d’étendre l’interdiction ou les moratoires sur la fracturation hydraulique à d’autres Etats que les seuls Vermont, New Jersey et New York.
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Féliciter les camarades Québécois ou Autrichiens qui viennent de gagner des moratoires sans date limite de péremption.
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Ou encore exiger de la France et de l’Union Européenne qu’elles interdisent l’importation de pétrole et gaz de schiste provenant de l’étranger, y compris et surtout celui que les entreprises pétrolières et gazières prévoient d’exploiter de l’autre côté de la Méditerranée.
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Exiger que François Hollande et son gouvernement portent au niveau européen les engagements pris au niveau hexagonal, pour un minimum de cohérence politique et intellectuelle.
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Etc.

Cette solidarité internationale va au delà des gaz et pétrole de schiste. Ainsi, à Saint-Christol les Alès, la présence d’une délégation de Guatémaltèques en lutte contre l’extraction pétrolière dans leurs régions a permis d’élargir le spectre des résistances et de mettre en lumière les agissements trop méconnus de l’entreprise française Perenco. Au prix de nombreuses dégradations de l’environnement et de conséquences sanitaires, de déplacements des communautés indigènes (voir le rapport publié par le collectif Guatémala : http://collectif-guatemala.chez-alice.fr/campagnes/rapport_perenco.pdf), Perenco exploite des forages au cœur d’une zone naturelle exceptionnelle du Guatemala, dans la région du Péten. Largement soutenue par des collectifs anti-gaz de schiste, cette délégation guatémaltèque a un programme bien chargé qui les mènera également à Paris.

Par ailleurs, les collectifs citoyens et organisations engagées contre les pétrole et gaz de schiste sont, jour après jour, plus impliqués dans le débat national et international sur la transition énergétique. Ainsi, pour ne prendre que ces deux exemples, des collectifs contre les gaz et pétrole de schiste sont associés aux trois jours de débat sur la transition énergétique organisés au Vigan (Gard), et au festival des Utopies Concrètes qui se tient du 27 septembre au 7 octobre en région parisienne. Plus largement, il est certain que les collectifs et organisations engagés contre les gaz et pétrole de schiste sauront se saisir du débat franco-français sur la transition énergétique dont une feuille de route vient d’être publiée par le gouvernement. Notamment pour rappeler avec force qu’il n’est pas possible de transiger avec quelques principes essentiels, comme celui de laisser ces hydrocarbures dans le sol.

Nul doute également que les collectifs citoyens contre les gaz et pétrole de schiste ne se contenteront pas de déclarations vides de contenu. Une véritable transition énergétique nécessite des actes, des décisions et leur mise en œuvre. A cet effet, sachons tirer les leçons des expériences passées, et notamment du Grenelle. Sans un rapport de force social capable d’appuyer et soutenir les propositions les plus ambitieuses, et les seules à être à la hauteur des enjeux, il paraît improbable qu’elles soient adoptées par une « commission nationale à la transition énergétique » au sein de laquelle siègeront des industriels qui n’en voudront pas. Seul un mouvement social et écologique puissant et capable d’imposer ses propres exigences, en s’appuyant sur des luttes et alternatives concrètes, permettra d’éviter que ce soit un nouveau débat pour rien, un rendez-vous manqué.

Maxime Combes, membre d’Attac France et de l’Aitec, engagé dans le projet Echo des Alternatives (http://www.alter-echos.org/).

Maxim Combes

Economiste de formation, je suis engagé depuis la fin des années 1990 dans le mouvement altermondialiste, à travers Attac France notamment. Avec d’autres j’ai contribué à animer la coalition Urgence Climatique Justice Sociale en France et le réseau Climate Justice Now ! à l’échelle internationale. J’ai depuis contribué à la mise sur pied de la Coalition climat 21. Outre ce blog, je contribue au site d’Informations Basta ! (bastamag.net) Je viens de publier : Sortons de l’âge des fossiles ! Manifeste pour la transition, Seuil, Anthropocène Et je suis le coauteur de : - La nature n’a pas de prix (Attac, Paris, LLL, 2012) - Les naufragés du libre-échange, de l’OMC à Tafta (Attac, Paris, LLL, 2015) - Crime climatique stop ! (Seuil, « Anthropocène », août 2015). - Le Climat est notre affaire (Attac, Paris, LLL, 2015)

Son blogue sur Mediapart : https://blogs.mediapart.fr/maxime-combes

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