Tien Anmen : La révolution qui aurait pu changer le cours de l’histoire !
30 ans après le massacre de la place Tien Anmen, le constat est tragique mais inévitable : Les bourreaux ont gagné ! Nous ne savons pas ce qui va arriver dans six mois, un an ou un siècle, quand le peuple chinois se révoltera de nouveau et se vengera de sa révolution massacrée en 1989. Mais, pour l’instant, le boucher Deng Xiaoping et ses actuels épigones « modernisateurs » ont gagné, ils sont les incontestables vainqueurs. Et ce qui est pire c’est que leur victoire nous la payons très chèrement nous tous, l’humanité toute entière ensemble avec notre planète…
Pourquoi ? Mais, parce que si elle avait vaincu, la révolution qui avait commencé à la place Tien Anmen aurait changé le cours de l’histoire mondiale. Et ceci pour plusieurs raisons. Tout d’abord, parce que – très probablement – elle a été la plus authentique de toutes les révolutions de cette seconde moitié du XXe siècle. Parce que, initiée par une puissante révolte estudiantine radicale et de masse, qui brandissait l’étendard de droits et les libertés démocratiques, elle a eu le temps de commencer sa transcroissance vers un véritable soulèvement populaire dont le protagoniste était une classe ouvrière qui relevait la tête, descendait dans les rues et surtout, s’auto-organisait pour prendre sa destinée dans ses propres mains.
Et les jours passant, ce soulèvement dépassait Beijing pour s’étendre presque dans tout ce pays gigantesque. Et c’est peut être exactement pour cette raison que quand l’heure du grand nettoyage a sonné, les bourreaux ont réservé un « traitement » spécial aux travailleurs insurgés : Tandis que les étudiants s’en tiraient souvent avec 5, 10 ou 15 ans de prison (avec tortures), de travaux forcés ou de camp de « ré-éducation », les ouvriers étaient toujours exécutés avec une balle à la nuque…
Ensuite, parce que à ce moment historique si critique, en cette année fatidique de 1989, allait être décidé et scellé le sort des régimes post-staliniens et de leurs sociétés tant à l’Union Soviétique de la Perestroïka qu’ailleurs. Il n’est pas difficile d’imaginer combien différente allait être la marche des événements en Europe de l’Est, si à cet immense pays qui est la Chine, avait vaincu au lieu d’avoir été écrasée, la révolution politique anti-bureaucratique, qui avait commencée à la place Tien Anmen et était déjà en train de faire des grands pas en avant en province. L’exemple victorieux d’une authentique révolution anti-bureaucratique combinant la défense et l’élargissement des droits et des libertés démocratiques avec l’établissement d’une démocratie ouvrière s’étendant des lieux de travail jusqu’au pouvoir central, serait une source d’inspiration et ferait sûrement école dans les autres pays ayant des régimes dictatoriaux, des problèmes et des aspirations et revendications populaires similaires…
Cependant, ce moment historique n’était pas critique seulement pour le sort de l’URSS et de ses satellites. Il était aussi pour le monde capitaliste, et spécialement pour l’Europe thatchérienne d’alors où commençait à se généraliser l’application des politiques néolibérales. Quel meilleur cadeau pourrait-il faire le régime chinois à la réaction internationale, aux gouvernements occidentaux et au thatchérisme néolibérale lui-même que le bain de sang de Tien Anmen ? Sans qu’il faille faire le moindre effort, tous les énergumènes du capital pourraient désormais proclamer, et surtout être amplement crus, que la leur était « la meilleure possible organisation de la société », « le système le meilleur possible ». Et si tout ça ne suffisait pas, leur propagande quotidienne trouvait sa totale confirmation dans la thèse immuable des dirigeants bureaucrates, défendue d’ailleurs servilement par leurs valets staliniens de par le monde : Le communisme ne peut être autre que les bureaucrates grisâtres et leurs régimes policiers qui n’hésitent pas à utiliser les moyens les plus inhumains et barbares afin de perpétuer leur pouvoir « socialiste ».
Mais, cette si éloquente unanimité des capitalistes et des bureaucrates ne s’arrête pas là. Elle se prolonge et se concrétise quand ces deux-là (ré)écrivent l’histoire de Tien Anmen l’ensanglantée. « Nous avons empêché un complot qui avait pour objectif la restauration du capitalisme », déclarent même aujourd’hui (!) les dirigeants du régime chinois. Et, oh surprise, presque la même chose déclare la propagande occidentale, laquelle persiste à censurer (rétroactivement ! ) les insurgés de Tien Anmen, passant sous silence ce que ces insurges disaient, criaient et écrivaient en entonnant… l’Internationale ! Et tout ça, en « oubliant » tant les uns que les autres, un tout petit « détail », qui ressemble pourtant à la plus extrême ironie de l’histoire : Que ceux qui ont prétendument « empêché la restauration du capitalisme » sont les mêmes qui non seulement ont réalisé cette restauration mais qui ont aussi imposé un capitalisme sauvage qui rivalise en barbarie avec celui de l’Angleterre victorienne !…
La conclusion n’est pas difficile et est catégorique : En ces premiers jours de mai 1989, ce qui était en jeu, à la place Tien Anmen de Beijing, était le sort non seulement de la Chine, mais de toute l’humanité ! Car si elle n’avait pas été noyée dans le sang, la révolte héroïque de la place Tien Anmen aurait pu transcroitre en une véritable révolution qui pourrait changer le cours de l’histoire. Comment ? Mais, en rendant de nouveau attrayant le communisme, en le transformant de repoussoir qu’il était devenu, en source d’inspiration et idéal pour la vie et la lutte de l’humanité opprimée à l’Est et à l’Ouest, au Nord et au Sud. Et celle-là est une importante raison de plus qui fait que le crime des bourreaux de Tien Anmen soit encore plus grand, monstrueux et répugnant. Au sens propre, un crime contre l’humanité !…
Yorgos Mitralias
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