Et dans ce sillon nous assistons maintenant à une désolante surenchère sur l’enseignement de la langue anglaise au Québec parce qu’elle est pour plusieurs la langue de la promotion individuelle au détriment de notre patrimoine identitaire commun. Le désenchantement, le cynisme et le repli sur soi ont pour leur part pris le relais de la responsabilisation et l’engagement chez bien des citoyens. Tout cela dans un contexte où la mondialisation de l’économie s’accentue et que nous subissons à l’échelle planétaire des secousses environnementales de plus en plus nombreuses et de plus en plus fortes souvent dues à une fuite en avant dans un développement débridé.
La privatisation, le bar ouvert et la corruption
La mode est à la privatisation au Québec. Que ce soit en éducation, en santé, dans les garderies, dans les projets d’infrastructures en PPP pour un pont ou un hôpital le gouvernement Charest privilégie les promoteurs privés dont plusieurs contribuent sans doute à la caisse électorale du Parti Libéral. Tout nouveau juteux contrat public est un véritable bar ouvert où chacun se sert et les contribuables paient la note. Cette privatisation grandissante ouvre aussi la porte à la corruption comme nous avons été en mesure de le constater dans la gestion municipale, les contrats de construction, les garderies etc. Le crime organisé réclame même sa cote part.
L’identité québécoise, la langue française et l’immigration
La Loi 101 a été charcutée de partout par la Cour suprême du Canada. Les écoles passerelles vers l’anglais ont été confirmées par la Loi 115. Les gens de Québec applaudissent aux spectacles en anglais présentés sur les Plaines d’Abraham lieu emblématique de la conquête anglaise. Comme ce cher Régis Labeaume nous le laisse entendre candidement ce ne sont pas les principes ou les idées qui comptent mais bien les rentrées d’argent dans les coffres des administrations publiques. L’argent n’a pas d’odeur.
On marche nombreux pour le retour des Nordiques alors que l’on se contente de signer une pétition pour exiger le départ de Jean Charest et de son gouvernement corrompu. Où sont nos priorités ? La langue de travail est souvent l’anglais à Montréal. On entend partout la radio en anglais. Plusieurs jeunes parlent un genre de ’’ franglais ’’. A la vitesse où les choses vont l’intégration des immigrants en français devient de plus en plus un leurre d’autant plus que les cours de français ou d’intégration à la société québécoise demeurent sur une base volontaire. La majorité des 55 000 nouveaux arrivants par année dont 40% ne parlent pas français à leur arrivée et dont 85% s’installent à Montréal contribueront à angliciser encore plus Montréal. Le Québec français des régions deviendra vite folklorique.
L’indépendance
Nous savons maintenant qu’il n’y aura pas de réforme constitutionnelle au Canada visant à accorder plus de pouvoirs au Québec. Le Canada se porte bien même si le Québec n’a jamais signé la constitution de 1982. Le Québec n’a entre ses mains qu’une partie des leviers pour assurer son avenir. De plus, nous n’avons aucune présence dans le concert des nations.
Pendant ce temps le Canada qui parle en notre nom est devenu un pays guerrier, de mieux en mieux équipé militairement et avec une solide industrie militaire notamment au Québec. Il est passé du rôle de Casque bleu à un rôle d’agresseur pour imposer par la force ses valeurs aux autres peuples du monde comme depuis des années en Afghanistan. Un pays où une morale conservatrice gagne du terrain entre autres dans le domaine judiciaire, sur l’avortement ou la peine de mort. La propagande et le patriotisme ’’ canadian ’’ sont présents partout et à toutes les occasions. La feuille d’érable nous est servie à toutes les sauces.
Les ressources naturelles
Le même discours a cours en ce qui concerne les richesses naturelles. On discute sur la propriété privée ou collective dans l’exploration gazière et pétrolière mais avec la possibilité de découvrir un eldorado pas question de renoncer aux profits qui seront engrangés dans le bas de laine québécois peu importe les conséquences environnementales possibles dans le fleuve Saint-Laurent. Ce qui importe c’est surtout d’accroître à tout prix notre niveau de vie même au prix de notre qualité de vie, sans penser à l’avenir, ni à nos enfants et nos petits enfants.
Un choix de société
On n’a plus de temps à perdre dans des débats sans fin pensent certains. Comme le dit Lucien Bouchard, il y a toujours quelqu’un pour s’opposer lorsque l’on veut réaliser un projet au Québec. Il est certain qu’avec une coalition formée de Lucien Bouchard, François Legault, Pierre-Karl Péladeau et de l’ADQ, coalition qui prendrait le pouvoir on ne perdrait plus de temps à discuter. On irait de l’avant avec une approche autoritaire pour développer le Québec et on travaillerait encore plus fort et plus longtemps, et malheur à ceux et celles qui mettraient des bâtons dans les roues. Le Québec serait transformé en un immense camp de travail avec des vacances de temps en temps pour être plus productifs dès notre retour. Peu importe les laissés pour compte. Peu importe ceux et celles qui ne voudront pas suivre la parade. Au pas camarades. Et avec un gouvernement Harper possiblement majoritaire qui irait dans le même sens à Ottawa, quelle force de frappe.
Est-ce dans le sens-là que la majorité des québécois veulent aller ?
Est-ce que la solidarité veut encore dire quelque chose dans notre beau pays du Québec quand on voit les travailleurs du Journal de Montréal isolés et vaincus ? Est-ce que le partage a encore sa place lorsque l’on voit une partie de la population de plus en plus démunie qui a de la difficulté à se nourrir et à se loger ? Est-ce que la compassion est encore à l’ordre du jour lorsque l’on voit plusieurs de nos aînés privés de soins et même parfois carrément maltraités ou des familles qui ne trouvent pas de place en CPE pour leur futur enfant ou un autre laissé à lui-même dans une garderie privée ? Est-ce normal que l’état qui agit en notre nom ferme les yeux ou perde le contrôle ? Est-ce pour aboutir à une société du chacun pour soi que ceux et celles qui nous ont précédé ont tant travaillé pour le bien commun ? Il ne manque pas de richesse au Québec ; elle est seulement mal distribuée. Il est temps de se responsabiliser, de débattre entre nous et de prendre une direction clairement et honnêtement assumée. Il est temps de choisir quelle vie l’on veut vivre ensemble.
Il est temps de se réveiller et de se lever
Pour ceux et celles d’entre nous qui croient encore à une société imprégnées de valeurs profondément humaines comme la solidarité, le partage, la compassion, et le respect de la l’environnement il est temps d’articuler un discours cohérent, global, moderne et rassembleur. Il est aussi urgent de se donner des portes parole visionnaires et charismatiques qui sachent autant parler au coeur qu’à la raison de nos concitoyens pour les aider à clarifier les enjeux et faire des choix éclairés pour la suite du Québec. Il est temps de se mobiliser, de s’organiser et de se faire entendre. Il est aussi le temps de se donner des moyens de communication efficaces comme un journal papier et sur Internet. Il est temps de se réveiller et de se lever. Il est temps d’utiliser tous les moyens démocratiques à notre disposition dont la désobéissance civile. Plusieurs peuples arabes nous ont montré au cours des dernières semaines que rien ne peut arrêter un peuple en route. Ayons à notre tour le courage de nos convictions.
Yves Chartrand
Un citoyen responsable et engagé