Vous n’êtes pas convaincu.e.s ? Eh bien tant mieux. S’il y aurait long à dire entre autres sur la catastrophe écologique que suppose un tel modèle de développement, nous souhaitons ici rappeler que c’est à crédit que se font la plus grande part de ces achats – ce qui, dans un contexte de stagnation des revenus pour une majorité de gens, en fait une condition indispensable de la croissance. Pour être qualifiée de vigoureuse, notre économie a besoin que l’on dépense de manière soutenue ; or depuis une vingtaine d’années, c’est en fragilisant leur condition financière que les Canadiens et les Canadiennes ont pu répondre à cette injonction. La valeur du crédit aux ménages représentait 75% du PIB en 2007 ; en 2014, cette proportion avait atteint 91%. Loin de l’avoir ébranlée, la crise financière de 2008 semble avoir renforcé la capacité d’endettement au pays.
L’Institut Fraser affirme pourtant dans une étude publiée la semaine dernière que le niveau d’endettement des ménages canadiens est tout sauf alarmant, notamment parce que le service de la dette est peu élevé étant donné la faiblesse des taux d’intérêt, et parce que la valeur des actifs de ces ménages endettés est elle aussi en croissance. L’auteur de l’étude prétend même que « [n]os banques ont des critères plus serrés et [que] les Canadiens gèrent leur passif d’une manière responsable. »
L’optimisme affiché par le think tank de droite tranche avec le portrait dressé par la Banque du Canada dans sa plus récente Revue du système financier. Elle notait entre autres que « [e]nviron 12 % des ménages affichent un ratio de la dette totale au revenu supérieur à 250 % et, bien que ce pourcentage ait été stable ces dernières années, il a presque doublé depuis 2000. Ces ménages très endettés détiennent quelque 40 % de l’ensemble de la dette des ménages ».
De plus, « [a]u cours des dernières années, certaines institutions financières fédérales ont intensifié leurs activités dans les segments plus risqués du crédit aux ménages. » Ainsi, « environ le quart des nouveaux prêts [automobile] sont maintenant destinés à des emprunteurs dont la cote de crédit est faible. Parallèlement, les caractéristiques associées aux prêts plus risqués, telles que des échéances longues et des ratios prêt-valeur élevés, sont devenues plus courantes. » Enfin, « le volume des prêts hypothécaires à l’habitation non assurés octroyés par l’ensemble des prêteurs a progressé de façon marquée ces dernières années. (...) Un aspect plus inquiétant de cette tendance tient à ce qu’une proportion considérable des nouveaux prêts hypothécaires non assurés sont accordés à des emprunteurs plus à risque. »
On peut comme l’Institut Fraser persister à croire que cette situation n’est pas inquiétante ; on ne peut cependant nier que le risque et l’instabilité soient au cœur du régime économique actuel. Un régime où, pour que six banques puissent engranger 33 milliards de dollars en profits et que 1% de la population s’accapare 10% de tous les revenus du pays, une majorité de salarié.e.s doivent consommer à crédit au détriment de leur sécurité financière.