Édition du 17 décembre 2024

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Europe

Hollande, l’adieu à la gauche ?

Après les vœux présidentiels et, surtout, la conférence de presse de mardi dernier, il semblerait que la droite ait quelques difficultés à critiquer le Président tant son discours emprunte largement aux analyses et propositions de son prédécesseur à l’Elysée, Nicolas Sarkozy. Du coup, depuis quelque temps, les médias se sont gravement interrogés : assiste-t-on à un tournant politique de la part du Président et de sa majorité ? Et comment, faut-il désormais qualifier François Hollande et les socialistes français ? Encore… « socialistes » ? Enfin sociaux-démocrates ? Voire… sociaux-libéraux ? Ou, plutôt, partisans, au bout du compte, d’un « socialisme de l’offre » ?

(publié sur le site de la gauche anticapitaliste le 21/01/2014 )

Il est effectivement tout à fait important de savoir jusqu’à quel point s’est concrétisée l’évolution libérale du parti socialiste (français). Jusqu’à quel point a-t-il a rejoint le SPD (parti social-démocrate allemand) ou le Parti travailliste britannique dans leur concurrence avec les partis de droite pour le titre de parti favori du « big business » ? En même temps, l’idée que l’on a assisté, lors de cette conférence de presse, à un tournant radical de la politique économique et sociale menée par le gouvernement est pour le moins contestable. Parce que, enfin, si l’on entend par là, la mise en œuvre d’une politique globalement favorable aux patrons, puisant largement dans le répertoire des fausses recettes libérales et faisant payer la facture aux différentes couches du salariat (soit à travers l’augmentation des impôts soit à travers la baisse de la qualité des services publics) … le moins que l’on puisse dire est que le « tournant » remonte… à l’accession de F. Hollande à la Présidence. Sans même se situer dans le registre de la dénonciation des « trahisons » et des « reniements », même les commentateurs les plus indulgents auront du mal à trouver - dans le domaine économique et social - une seule mesure que l’on peut qualifier de « socialiste », une seule décision « de gauche ».

Comme il l’a rappelé lui-même, c’est dès le début de son mandat que François Hollande a mis en œuvre une politique d’austérité, notamment en matière fiscale et de réduction des dépenses publiques. Pour le reste, on pourra utilement se référer à L’étrange capitulation (1). Paru en avril 2013, l’ouvrage de Laurent Mauduit dresse le bilan sans concession de la première année de la présidence Hollande, tout en mettant ce bilan en parallèle avec les expériences précédentes de gouvernements de gauche (on y reviendra). En fait, en vingt mois, le gouvernement socialiste a régulièrement été au-devant des revendications du patronat. On notera notamment le vote de budgets amputés dans la droite ligne des méfaits du gouvernement Fillon ; l’abandon des salariés de Florange à leur triste sort ; la soumission de toute ambition économique aux diktats des marchés financiers ; la renonciation à toute réforme fiscale sérieuse ; les vingt milliards de cadeaux aux patrons sans aucune contrepartie via le Crédit Impôt Compétitivité Emploi (CICE) ; l’Accord National Interprofessionnel qui, avec la complicité de quelques directions syndicales, aggrave considérablement la flexibilité du travail et la précarité des salariés ; l’allongement de la durée de cotisations pour toucher une retraite complète. Et l’on en oublie certainement…

Ces rappels sommaires n’épuisent pas le sujet, mais ils permettent de resituer les annonces récentes – notamment le « pacte de responsabilité » avec le MEDEF – dans la démarche générale qui est, depuis le départ, celle de François Hollande et du gouvernement de Jean-Marc Ayrault. C’est donc plus à une accélération des tendances déjà à l’œuvre qu’a un tournant auquel on a assisté. Il faut néanmoins prendre la mesure de l’événement d’un double point de vue : d’abord, le degré de soumission aux moindres exigences du MEDEF et l’ampleur de ces nouvelles attaques contre les couches populaires ; et, ensuite, le discours qui les accompagne.

Les interventions de François Hollande, tant le 31 décembre que mardi dernier, esquissent plusieurs mesures comme le « pacte de responsabilité » - c’est-à-dire de nouvelles exemptions de charges au profit du patronat - et la « réforme » du financement de la politique familiale. Cumulées avec ce qui a déjà été fait depuis avril 2012, ces mesures représentent des dizaines de milliards d’euros qui vont tout bonnement être transférés des poches des salariés et des couches populaires à celles des patrons et des actionnaires. Ce constat n’est d’ailleurs pas nié par les sociaux-libéraux, même si les mots qu’ils s’emploient sont – on s’en doute … - différents. Là où les mauvais esprits anticapitalistes – ou, simplement, de gauche – parlent de cadeaux au patronat, eux évoquent la restauration de la compétitivité, le soutien aux entreprises et la politique de l’offre ! Mais le contenu est bien le même. Il découle de ce que, dans l’idéologie des partis socialistes, on appelle le théorème de Schmidt (2) : « Les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain ». Depuis, à de nombreuses reprises, dans différents pays, des politiques inspirées par ce « théorème » ont été mises en œuvre, aussi bien par des gouvernements de gauche que de droite. Avec des résultats récurrents : les profits ne se convertirent ni systématiquement ni massivement en investissements et, bien souvent, irriguèrent les circuits spéculatifs. Quant aux emplois que cette manne financière devait générer, ils furent encore plus rarement au rendez-vous, si ce n’est, parfois et partiellement, sous forme d’emplois précaires et mal payés… Gageons qu’il en sera de même cette fois.

Changement… de discours

En fait, le véritable changement apporté par les interventions récentes de F. Hollande tient surtout au discours. Pour le dire simplement, il semble désormais assumer pleinement la politique libérale qu’il mène et avoir renoncé au verbiage de gauche qui, dans le passé, accompagnait en général les reniements des dirigeants socialistes. La parole se rapproche des actes, en quelque sorte. De plus, concernant spécifiquement François Hollande, ce n’est pas à proprement parler un bouleversement et sa nouvelle profession de foi se situe largement dans la continuité de ce qu’ont été ses positionnements au sein du Parti socialiste. Certes, au cours de la campagne présidentielle, il s’est efforcé de mettre ses pas dans ceux de François Mitterrand, et même du François Mitterrand de 1981, au point de s’en prendre « à la finance ». En fait, il s’agissait moins de remettre au goût du jour la « rupture avec el capitalisme », thème sur lequel Mitterrand avait construit son succès, que de renouer avec la tradition des victoires électorales de la gauche. Mais le véritable maître à penser de Hollande a toujours été plutôt Jacques Delors. On a beaucoup souligné que pendant toute sa vie militante au PS, Hollande était l’homme de la synthèse par excellence et qu’il ne s’était pas beaucoup illustré dans les débats idéologiques, qu’il n’avait d’ailleurs pas construit de courant politique. C’est globalement exact, mais il ne faudrait pas faire l’impasse sur l’épisode des « transcourants ». En 1983, à l’époque du mitterrandisme (encore) flamboyant, Hollande crée un petit groupe baptisé « transcourant » - qui, précisément, refuse les courants « idéologiques » et prétend « conjurer le spectre de la SFIO » (3). Parmi les membres de ce groupe, on compte quelques amis dont Jean-Pierre Jouyet - énarque et futur ministre… de Sarkozy, mais néanmoins nommé directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, puis président de la Banque publique d’investissement… par Hollande -, Jean-Michel Gaillard - énarque, aujourd’hui décédé -, Jean-Yves Le Drian - actuel ministre de la Défense - et Jean-Pierre Mignard - futur animateur de Désirs d’avenir, le club au service de Ségolène Royal. Dans un registre un peu différent, avec un goût nettement moins prononcé pour les débats théoriques, ils présentent alors des analyses et des orientations assez proches de celles défendues parallèlement par la « deuxième gauche » (4) : « moderniser » la gauche, c’est-à-dire en finir avec ces vieilleries que sont le mouvement ouvrier, la lutte des classes, la propriété sociale… le socialisme, en gros ! Considérées à l’époque comme iconoclastes par les militants de gauche - même réformistes… - ces idées sont aujourd’hui dominantes au PS

La mue de la social-démocratie

On touche là un élément important – celui de la bataille des idées - pour décrypter l’évolution du Parti socialiste français. Bien sûr, cette évolution résulte principalement de l’évolution du système capitaliste. Période de forte expansion du capitalisme, les « Trente Glorieuses » ont été l’heure de gloire de la social-démocratie : le partage des fruits de la croissance permettait de satisfaire l’appétit de dividendes des actionnaires et, en même temps, de concéder aux salariés et aux couches populaires une amélioration réelle de leur niveau de vie. De quoi accréditer l’idée d’un progrès social peut-être trop lent mais continu. De quoi conforter la social-démocratie comme un intermédiaire efficace entre les classes dominantes et le mouvement social. Mais avec la crise, la mondialisation, la déréglementation et la promotion d’un capitalisme résolument sans entraves, cette époque est désormais révolue. Avec la fin du compromis social, le rôle d’une social-démocratie « réformiste » s’est considérablement réduit. D’où sa recherche d’une nouvelle fonctionnalité et sa reconversion comme l’un des partis garant des intérêts de la grande bourgeoisie capitaliste.

Naturellement, une évolution de cette ampleur n’avait rien d’évident. Selon les pays, elle a rencontré des obstacles plus ou moins importants. Elle a suscité des réactions – pas énormes, il faut bien le dire… - au sein des différents partis socialistes et a été l’objet d’affrontements idéologiques plus ou moins intenses. Cette mue, surtout, a pris plus ou moins de temps. Ainsi, concernant le SPD - le parti social-démocrate allemand - une transformation importante et très symbolique a eu lieu lorsque ce parti a abandonné toute référence au marxisme et s’est rallié à l’économie de marché. C’était… en 1959, lors de son congrès tenu à Bad-Godesberg. Une nouvelle étape, qualitative, a eu lieu lors du mandat du chancelier Gerhard Schröder, avec la mise en œuvre d’une « réforme » du marché du travail (réformes Hartz) universellement louée par les multinationales (5). Au Royaume-Uni, c’est sous le long règne de Tony Blair qu’a eu lieu la transformation qualitative du Parti travailliste, aujourd’hui considéré comme un des partis du « big business », au même titre que le Parti Conservateur ou les Libéraux-Démocrates.

L’exception socialiste française en voie de disparition

Face à cette évolution globale « pro-capitaliste », en actes et en paroles, des partis sociaux-démocrates, le Parti socialiste français a longtemps fait figure d’exception.

Ainsi, en 1981, le gouvernement de Pierre Mauroy a procédé à une vague de nationalisations sans précédent. Au bout du compte, le secteur public ainsi étendu concernait quand même 23 % des salariés français, 28 % de la valeur ajoutée, 30 % des exportations et 49 % des investissements. Et le secteur bancaire nationalisé représentait 91 % des dépôts bancaires. Bien sûr, on ne peut assimiler l’extension du secteur nationalisé ou l’accroissement du rôle de l’Etat à la transformation socialiste de la société ! Mais le moins que l’on puisse dire est que cette politique était pour le moins à contre-courant des grandes tendances d’une époque marquée par le lancement de la « révolution conservatrice » voulue par Ronald Reagan et Margaret Thatcher...

Dans la même veine, on cite en général les lois Aubry sur la réduction du temps de travail, votées en 1998 et 2000, sous le gouvernement Jospin, alors que partout ailleurs et notamment en Europe l’heure était à la dérégulation la plus effrénée. Cette référence est plus discutable dans la mesure où les trente-cinq heures ont aussi été le moyen d’augmenter la flexibilité et d’intensifier le travail.

C’est un peu la limite de l’ouvrage (1) de Laurent Mauduit déjà cité : en effet, la démonstration repose sur la comparaison entre la première année du gouvernement de F. Hollande et Jean-Marc Ayrault et les précédentes expériences gouvernementales de gauche. En fait, cette comparaison lui sert à opposer systématiquement les socialistes d’autrefois - ceux du Front populaire, du premier septennat de F. Mitterrand ou encore de l’époque de la gauche plurielle – à ceux d’aujourd’hui. Selon lui, les premiers « ont toujours tenté, dans un premier temps, d’honorer leurs engagements avant de renoncer, voire de se renier » alors même que François Hollande « lui, n’a pas cherché un seul instant à modifier la politique de son prédécesseur ». Si l’on peut souscrire sans hésitation à la seconde partie de ce constat, l’appréciation portée sur les expériences passées mériterait sans doute d’être discutée et, pour le moins nuancée. Ce qui sortirait du cadre de cet article…

En fait, si l’on voulait dater le moment où le PS français a commencé à se rapprocher de ses collègues européens, ce serait sans doute ce que l’on a appelé « le tournant de la rigueur ». En 1983, au nom du maintien de la France dans le système monétaire européen (SME), le gouvernement dirigé par Pierre Mauroy va opérer un changement radical de politique économique et mettre en œuvre une politique d’austérité : augmentation des impôts et des tarifs de l’énergie, emprunt forcé, contrôle des changes. Et, surtout, baisse des dépenses publiques et suppression de l’indexation des salaires sur l’augmentation du coût de la vie. Cette dernière mesure aura des conséquences considérables puisqu’elle est l’un des principaux instruments qui permettra au cours des années - et même des décennies - suivantes de modifier la répartition des richesses produites au détriment des salariés et au profit du capital. A l’époque, les dirigeants socialistes - Lionel Jospin, en premier lieu – tentent accréditer l’idée que la rigueur n’est qu’une « parenthèse ». En réalité, on le sait, la parenthèse ne se refermera jamais…

D’autres épisodes ponctueront l’adhésion du PS au credo libéral. On en évoquera ici trois.

En Décembre 1991, lors du second septennat de F. Mitterrand, le congrès du parti socialiste, réuni à l’Arche de la Défense, adoptera une nouvelle déclaration de principes, tournant la page du congrès d’Epinay : c’en est bien fini de tout discours sur la « rupture avec le capitalisme ». C’est désormais le « compromis » avec celui-ci qui est mis en avant.

Le second épisode significatif sera la mandature du gouvernement Jospin car, bien sûr, l’exercice du pouvoir accélère la dérive l’évolution : entre 1997 et 2002, les privatisations vont connaître une telle accélération qu’elles dépasseront celles effectuées par les deux gouvernements (de droite) précédents.

Troisième épisode : en 2005, la direction socialiste va s’engager à fond dans la campagne pour le oui au référendum sur le Traité constitutionnel européen. De quoi alimenter le sentiment que, décidément, cette gauche-là et la droite partagent les mêmes options sur les grandes questions politiques… Autre conséquence : des divisions se font jour au sein du PS ; elles déboucheront sur le départ de Jean-Luc Mélenchon et la création du Parti de Gauche.

Une gauche du PS plutôt discrète

Ce rappel conduit logiquement à se poser une question : l’intensification du cours « pro marché » et l’abandon, par F. Hollande, des dernières références formelles au discours socialiste peuvent-ils provoquer de nouvelles fractures au sein du PS ? Au vu de la très grande modération des réactions venues des courants identifiés comme la gauche du PS… on peut sérieusement en douter.

Ainsi, avant les vœux présidentiels, Emmanuel Maurel, l’animateur de Maintenant la Gauche, appelait François Hollande à « annoncer une nouvelle étape du quinquennat » et à « renouer avec l’esprit du Bourget ». Après les vœux - qui n’allaient pas exactement dans ce sens… - et l’annonce du « pacte de responsabilité » E. Maurel ne pouvait que le constater : « il y a en effet des mots et des expressions qui ne s’inscrivent pas dans la doctrine socialiste des dernières décennies (…). C’est plutôt inquiétant ». Les dirigeants de la gauche du PS se sont réunis la veille de la conférence de presse afin de « contribuer à la réflexion et à l’action présidentielles ». Selon Marie-Noëlle Lienemann, l’enjeu était de « montrer que les réponses pour la fin du quinquennat se trouvent plus que jamais à gauche, et pas dans un compromis passé avec le patronat ». Pour Emmanuel Maurel : « nos concitoyens n’accepteront pas de nouvelles coupes sauf à remettre en question notre modèle social et les capacités de l’Etat à intervenir dans l’économie ». Mais ça, c’était avant…

Depuis, la conférence de presse s’est tenue. Avec le contenu que l’on sait. Et, depuis, la gauche du PS est restée quasi silencieuse. Et, quand elle s’exprime, c’est pour indiquer piteusement que Hollande n’a rien à craindre d’elle. Comme le dit clairement Pascal Cherki : « Mais oui, bien sûr. Si le gouvernement engage sa responsabilité, je vais la voter ». Et donc, approuver ainsi la politique gouvernementale… Il se justifie : « Sinon, je le fais tomber et c’est le retour de la droite ». Et conclut : « Mon sujet n’est pas de faire tomber le gouvernement mais d’obtenir une autre politique ». Un esprit chagrin pourrait faire remarquer que la meilleure manière « d’obtenir une autre politique » n’est peut-être pas d’approuver par son vote la politique que l’on veut changer …

Réinterroger les analyses traditionnelles

Le constat ici dressé est celui d’une dérive irréversible du Parti socialiste. Cette dérive ne touche pas seulement à la politique menée depuis maintenant une trentaine d’années. Elle n’est pas seulement une affaire de vocabulaire, même si le simple fait que F. Hollande puisse aujourd’hui assumer un libéralisme sans fard n’est évidemment pas sans signification. Elle a aussi des conséquences sur ce qu’est le Parti socialiste, sa composition, ses rapports avec les couches populaires, l’enracinement social de sa direction. Certes, le PS français a toujours souffert, par rapport à certains de ses homologues européens, d’un déficit d’implantation dans ce qu’il est convenu d’appeler la classe ouvrière. Mais quand même ! On se souvient qu’en 1981, la droite et les médias n’en finissaient pas d’ironiser sur ces « enseignants barbus » qui formaient le gros des députés socialistes de la vague rose qui avait déferlé sur l’Assemblée nationale. Au fur et à mesure où se multipliaient les liens avec les cercles patronaux, ils ont, aujourd’hui, été remplacés par les CSP++ et les énarques !

Alors, oui : cela conduit, tranquillement mais sans tabou, à réévaluer la place et la fonction qu’occupe aujourd’hui le Parti socialiste. On objectera sans doute, un peu paresseusement, que mener une politique ouvertement pro-patronale n’est pas pire que de se faire le complice de la boucherie de la Première guerre mondiale et que, tout bien pesé, le Parti socialiste de 2014 n’est pas pire que celui d’il y a cent ans… Ou encore que l’on ne peut le traiter comme une autre version de la droite et gommer toute différence entre gauche et droite, notamment sur les « questions de société ». Ce qui est vrai. Encore que s’agissant de Manuel Valls…

Mais ce n’est pas exactement de cela qu’il s’agit ! Mais plutôt de savoir si nous considérons que, de trahisons pratiques en reniements idéologiques, le lien a été rompu qui rattachait le Parti socialiste non à la gauche mais…au mouvement ouvrier. Ou si nous continuons à parler de réformisme à propos du PS et à faire comme si, finalement, il n’y avait rien de nouveau sous le soleil social-démocrate.

Alors, pourquoi ne pas prendre au sérieux… un député européen du PS, Henri Weber ?

Il a publié, il y a dix ans, un ouvrage polémique (6) destiné à critiquer les contradictions et les folies (selon lui) d’un anticapitalisme alors à l’offensive, notamment à travers la place prise par la LCR et son porte-parole, Olivier Besancenot. Il est tout à fait explicite : « Tu te méprends, cher Olivier, sur ce qu’est le réformisme moderne. Le réformisme, écris-tu, c’est l’illusion d’une abolition du capitalisme par la voie graduelle, à pas de tortue, par l’accumulation progressive des réformes. Permets-moi de te dire que tu te trompes complètement. Les réformistes n’ont aucune intention d’abolir l’économie de libre entreprise et de marché dans un avenir prévisible. Ils ne cherchent pas à atteindre les mêmes objectifs que les communistes révolutionnaires par d’autres moyens, plus lents, plus doux, plus indolores. Nous n’empruntons pas des chemins différents pour arriver au même lieu. Nous n’avons tout simplement pas la même destination ».

François Coustal


Notes

(1) L’étrange capitulation, Laurent Mauduit, Jean-Claude Gawsewitch Editeur, Avril 2013

(2) Cet acte de foi dans le capitalisme est l’œuvre d’Helmut Schmidt, dirigeant du SPD et chancelier de la République fédérale allemande de 1974 à 1982. Il date de novembre 1974, c’est-à-dire dès les débuts de son mandat, et était sensé justifier l’abandon de toute politique de relance de la demande au profit de la restriction des dépenses publiques. Déjà…

(3) C’est-à-dire le grand écart entre un discours de gauche, voire « marxiste » quand le parti est dans l’opposition et une politique de droite quand il est au pouvoir.

(4) Ce terme désigne habituellement un courant idéologique né dans les années 70 et qui comprenait aussi bien la tendance du Parti socialiste regroupée autour de Michel Rocard que la direction confédérale de la CFDT. Ses principaux idéologues étaient alors Jacques Julliard et Pierre Rosanvallon. Elle se fixait pour objectif de libérer la gauche de l’hégémonie idéologique d’une « première gauche » jugée centraliste, étatiste et bien trop influencée par le marxisme et la lutte sociale.

(5) La réforme Hartz IV introduit notamment : la réduction de la durée de versement des indemnités chômage (de 32 mois à 12 mois) ; la réduction du montant des indemnités des chômeurs qui refuseraient des emplois en dessous de leur qualification ; la possibilité d’embauches rémunérées en dessous des minima prévus par les conventions collectives. Et même la possibilité de réduire les allocations d’un chômeur dont les ascendants ou descendants ont des économies !

(6) « Lettre recommandée au facteur » Henri Weber (2004, Editions du Seuil )

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