Édition du 18 juin 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Politique canadienne

Harper et son inquiétante dérive démocratique

Le gouvernement Harper est, au niveau fédéral, le gouvernement le plus antidémocratique qu’il nous ait été donné de connaître. La simple énumération, pourtant non exhaustive, de son bilan donne des frissons. C’est effarant.

C’est extrêmement inquiétant. Comment comprendre cette dangereuse dérive ? Comment comprendre qu’un pourcentage important de la population appuie encore ce gouvernement ?

Environnement :

  • Choix désastreux par rapport à la lutte aux changements climatiques : au lieu de réduire les émissions de gaz à effets de serre, augmentation de 30% au-dessus des engagements pris en 90
  • Coupures dans les mécanismes d’évaluation environnementale
  • Refus de signer le protocole de Carthagène sur la biosécurité
  • Pas de projet important favorisant les énergies renouvelables.

Information :

  • Contrôle des informations sur les choix et activités du gouvernement
  • Difficultés plus grandes dans les demandes d’accès à l’information
  • Climat d’intimidation auprès des fonctionnaires
  • abolition du devoir de remplir le formulaire long du recensement

Droit des femmes et droits humains en général :

  • Indifférence face à la probable torture des prisonniers afghans
  • Fermeture des bureaux de la Commission canadienne des droits de la personne
  • Abolition du programme de contestation judiciaire
  • Coupures dans les budgets des associations de défenses des femmes,
    arrêt de financement au niveau international des programmes de santé maternelle qui incluent le recours à l’avortement.
  • Fermeture de l’association nationale Femmes et Droit
  • Refus de signer la Déclaration sur les droits des peuples autochtones. Le projet du texte avait pourtant été appuyé par le gouvernement fédéral au cours des deux décennies de son élaboration.
  • Approche punitive qui, comme aux États-Unis, met uniquement l’accent sur les prisons (plein de $$$ à faire avec leur privatisation plus tard )
  • Autorisation de brutalité envers les manifestants lors du G20
  • Appui inconditionnel à Israël en dépit de la violation évidente des droits humains.
  • Indifférence face à la détresse d’un jeune de 15 ans : Omar Kader,
  • Création de la loi favorisant le maintien des Certificats de sécurité
  • Appui favorable à la peine de mort ; n’intervient plus toujours face à la peine de mort prononcée contre des Canadiens à l’étranger.
    (Je ne peux que déduire que le Dieu de Harper doit être un Dieu extrêmement dur qui ne pense qu’à punir).

Boycottage des institutions et organisations démocratiques :

  • Recours à la prorogation du Parlement à deux reprises au mépris de la majorité des représentants élus
  • Boycottage de certaines commissions parlementaires (absence, refus de fournir les documents requis, blocage des travaux, notamment de la commission d’examen des plaintes concernant la police militaire)
  • Non renouvellement du mandat de Peter A. Tinsley qui dirigeait la commission.
  • Infiltration de l’organisation Droits et démocratie
  • Arrêt ou diminution de financement des organisations qui ont osé critiquer les politiques du gouvernement (Match, Alternatives, Kairos, CCCI(conseil canadien pour la coopération internationale )
  • Refus de rapatrier Omar Khadr même après des recommandations de la cour en ce sens.
  • Congédiement de Linda Keen, responsable de la Commission canadienne de sûreté nucléaire
  • Dénigrement du diplomate Richard Colvin qui avait signalé le danger de torture des prisonniers afghans.

Mesures favorisant le privé à l’encontre du bien commun :

  • Baisses d’impôt des grandes corporations
  • Subventions aux grandes Compagnies pétrolières
  • Prêt en catimini de $200 milliards aux grandes Banques pendant la crise
  • Négociations dans le dos des citoyens de l’Accord économique commercial global entre le Canada et l’Union européenne
  • Entente de libre-échange entre le Canada et la Colombie, mettant davantage en péril les droits humains des Colombiens.
  • Privatisation de plusieurs richesses publiques à l’insu des citoyens (dont la librairie scientifique du Centre national de la recherche) [1]
  • Compressions du budget de Radio-Canada
  • Dévalorisation de la recherche fondamentale pour favoriser celles qui vont travailler à la commercialisation de produits, enrichissant ainsi les grandes corporations. Recherches publiques pour profits privés.
  • Pressions au niveau international pour abaisser les exigences envers les OGM
  • Compressions dans certains programmes culturels
  • Volonté d’abolir le registre obligatoire des armes à feu

Militarisation et dépenses inconsidérées :

  • Dépenses de $1,000,000,000.00 (mille millions) en trois jours pour le G20 !!!!!
  • Hausse vertigineuse des dépenses militaires qui atteignent maintenant les 48 milliards.
  • Appui à la guerre en Afghanistan à l’encontre de la volonté de la population.

C’est extrêmement inquiétant. Comment comprendre cette dangereuse dérive ? Comment comprendre qu’un pourcentage important de la population appuie encore ce gouvernement ?

Cette dérive pourrait être contrée, si on avait une opposition libérale qui se démarque réellement. A part une différence sur certains choix en ce qui a trait à l’avortement, l’homosexualité, une approche moins punitive, moins de restrictions sur le plan de l’information, les deux partis se ressemblent car tous deux sont de fervents défenseurs des intérêts de Bay Street. Donc difficile pour Ignatieff de prendre ses distances face à Harper, ils ont pratiquement le même programme.

Pourquoi le NPD dont le programme diffère davantage des néolibéraux, ne perce-t-il pas davantage ? Les médias au service de la minorité dominante ne mettront sûrement pas en valeur ses idées. Ils vont s’organiser pour les ignorer ou vont profiter des moindres occasions pour les discréditer.

Cette dérive démocratique du gouvernement Harper s’explique par-dessus tout par le travail de sape qui se fait « dans les coulisses ». Qui n’a pas lu How business propaganda hijacks democracy de Daniel Gutstein peut avoir de la difficulté à comprendre jusqu’à quel point cette désinformation est minutieusement organisée et ce au Canada même. Les thinks tank de droite (Institut économique de Montréal, Institut Fraser, CD Howe, etc) sont tellement puissants, reçoivent tellement d’argent des grandes corporations, dont les compagnies pétrolières,( que celles peuvent réclamer en crédits d’impôts), ont tellement réussi à coopter la direction de la plupart des journaux (qu’ils utilisent comme courroie de transmission), que la population n’a pas l’heure juste sur ce qui se passe. Non seulement ils se sont approprié les journaux, mais la droite conservatrice a réussi à infiltrer des organisations comme Droits et démocratie, en vue de miner leur travail. En outre, et de la façon la plus pernicieuse qui soit, cette droite organise et voit au financement de « groupes de citoyens » - tout comme le Tea Party est soutenu par les pouvoirs de l’argent - se présentant comme faisant partie de « la société civile » mais dont le but est de promouvoir les idées néolibérales. Que « La ligue des contribuables » et « Réseau Liberté Québec » soient également financés par les puissances de droite, ne me surprendrait guère.

Au bout du compte, cette dérive démocratique est le fruit des multiples graines idéologiques néolibérales semées depuis des décennies, ce qui rend difficile pour bien des gens de décortiquer un discours de droite comme celui de Harper, de Mario Dumont, d’Éric Duhaime, de prendre conscience que ce discours, contrairement à ce qu’il peut paraître, va contre leurs propres intérêts.

Ce travail de sape pourrait être contré si dans les écoles, il y avait une éducation civique, éducation à la démocratie, comme cela existe dans les pays scandinaves, éducation qui ferait réaliser aux jeunes que la démocratie ne se résume pas aux élections, que l’essentiel de la démocratie c’est justement les décisions qui se prennent entre deux élections, et qui doivent se prendre en fonction du bien commun. Évidemment, compte tenu des gouvernements de droite actuels, il ne faut surtout pas compter que ces programmes soient instaurés dans les écoles.

Quel espoir reste-t-il ? Si une émission de télévision osait parler des vrais enjeux, ceux qu’on tait soigneusement, car frappés par l’omerta néolibérale *, cela pourrait servir d’électrochoc auprès de la population et leur faire prendre la mesure de la dérive dangereuse de notre démocratie.

Les médias alternatifs parlent de ces enjeux, mais ils n’ont pas les millions que se sont approprié les corporations pour diffuser leur message largement auprès de toute la population. Pourtant il y a urgence. La survie de notre démocratie en dépend.

* Quelques enjeux frappés d’Omerta : L’injustice fiscale, les mesures dérisoires pour contrer les paradis fiscaux, les véritables causes de la pauvreté, les liens entre les profits faramineux des industries pharmaceutiques et les difficultés de notre système de santé, les dangers que courent nos services publics avec l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) , les graves conséquences de l’Accord économique commercial global entre le Canada et l’Union Européenne (AÉCG)qui se négocie en secret dans le dos des citoyens... bref la servilité de nos gouvernements envers les grandes corporations, collusion non moins grave que la corruption qui sévit au Québec, etc.


[1Nos biens publics à l’encan www.pressegauche.org/spip.php?article3724

Françoise Breault

Après une carrière en enseignement, dont un an avec les Échanges France-Québec, j’ai poursuivi en travail social auprès des familles. Vers l’âge de cinq ans, je me demandais pourquoi il y avait des pauvres et ce que je pouvais faire. Sans en prendre pleinement conscience, cette interrogation m’a habité toute ma vie. Une année en Amérique du Sud ne m’avait toujours pas apporté de réponse. Cela m’a pris du temps à voir clair... Maintenant que la lumière est allumée, je ne peux et ne veux la refermer... Tous les faits, toutes mes lectures me confirment comment le système économique actuel contribue à ce fossé grandissant entre riches et pauvres. Me voici maintenant à ma 3e carrière, celle où je peux mettre tout mon temps et énergie à sensibiliser les gens aux graves enjeux d’aujourd’hui, afin de vivre dans un monde plus juste... « mais nous, nous serons morts mon frère... ».

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