C’est pourquoi le 7 février 2017 constitue pour notre pays une nouvelle étape de déchéance dans la dépendance et la domination étrangère.
Les idéaux de 1986 semblent bien loin. Durant ces trois dernières décennies d’histoire, il a fallu des massacres, une mise à mort systématique de notre souveraineté économique et politique pour réduire le pays à l’état où il est actuellement. En l’absence d’un État national et souverain, le peuple seul continue de résister à l’anéantissement total de la nation.
Et cela a commencé, en particulier, depuis le coup d’état de 1991.
Du Jean Bertrand Aristide retourné d’exil en 1994, sous la protection des marines, à Martelly, la politique néolibérale consistant à transformer nos ressources nationales et notre main-d’œuvre au services des intérêts de compagnies multinationales est respectée à la lettre.
Parmi ces « chefs d’État » qui se sont succédé au cours de cette période, aucun n’a fait même une tentative de remettre en question cette politique néolibérale antinationale.
Tous se sont évertués à vendre l’idée que les zones franches représentent l’unique moyen de combattre le chômage, même si elles n’offrent qu’un salaire de misère.
Tous ont mis l’accent sur le tourisme comme moteur de développement, même si l’argent introduit par le tourisme est absorbé par des hôtels appartenant à des compagnies multinationales ou à une classe dominante qui ne payent aucune taxe ne contribuant ainsi à aucun développement structurel dans le pays.
Tous ont présenté l’agro-business comme la voie à suivre pour augmenter les exportations, même si l’argent généré par ce secteur est déposé dans les paradis fiscaux et n’a donc aucune retombée réelle sur l’économie nationale, et même si cela consiste à chasser manu militari les petits propriétaires et les cultivateurs.
Tous ont procédé, sous prétexte de manque de rentabilité, à la liquidation et la privatisation des industries de l’État, même si cela a causé l’augmentation exponentielle du chômage et l’appauvrissement de l’économie nationale.
Le nouveau président Tèt Kale, Jovenel Moise, « l’homme-banane », suit la trace de son tuteur, Michel Martelly, le « musicien » débridé, qui a tout fait, au cours de son mandat, pour ouvrir le pays au pillage systématique de ses ressources.
Dans son discours, « l’homme-banane » s’inscrit clairement dans la continuité de ses prédécesseurs. Sa prise du pouvoir est symptomatique d’une crise systémique qui se manifeste tant du point de vue économique que politique et social : il n’est plus possible désormais de procéder à des élections crédibles pour mettre en place un gouvernement. Les dirigeants sont ouvertement choisis d’avance, on procède ensuite à des élections frauduleuses pour donner un semblant de légitimité au pouvoir.
Cette façon de reproduire le pouvoir se fait sur fond de crise : rien n’est certain, la violence devient de plus en plus le moyen de prédilection pour maintenir le statu quo.
Aujourd’hui, avec les tendances néofascisantes de l’administration de Donald Trump, on peut s’attendre que l’ambassade étasunienne prenne en main directement la gouvernance de l’État haïtien, que le nouvel ambassadeur devienne le gouverneur général de « l’État colonial » d’Haïti. C’est peut-être l’ultime moyen de garantir la continuation de la domination étrangère du pays.
C’est également en ce sens que « l’homme-banane » est sans doute le plus parfait des laquais locaux déterminés à continuer de livrer le pays au pillage de ses ressources et à l’exploitation sans pitié des ouvriers et ouvrières.
Au-delà des personnages de Sweet Micky et de « l’homme-banane », des pantins-jongleurs dont la présence sur la scène politique consiste à détourner l’attention des vrais problèmes du pays, se renforce clairement la domination systématique de l’État haïtien, de ses institutions, la tendance à transformer cet État en dernier lieu en un état colonial.
Le néocolonialisme fait face à une crise importante dans le pays et partout dans les pays dominés.
Il n’est plus question maintenant de réformer le système. La pourriture est à son comble.
Il faut maintenant penser le pays par nous-mêmes et pour nous-mêmes.
Dans l’histoire des peuples, l’alternative se construit dans la lutte. C’est à nous, forces progressistes, militants conséquents et organisations populaires de continuer la lutte contre l’occupation du pays, contre les réformes-bidons, contre le nouveau colonialisme qui se dessine clairement à l’horizon.