Nous ne répéterons pas ici en détails les justes accusations à l’égard des péquistes séniles et autres parlementaires bourgeois-es et véreux-euses qui, suivant les conseils de leurs équipes de communication, sont prêt-e-s à toutes les bassesses pour sauver leur salaire de député, leur compte de dépense et gagner des courses à la chefferie. Nous n’élaborerons pas non plus sur les hommes de paille du capital qui, derrière un micro ou en salle de rédaction, vomissent des préjugés xénophobes et des idées prémâchées, parfois camouflées malhabilement derrière un débat sur une laïcité factice à laquelle ils ne croient même pas eux-mêmes.
Les journalistes jaunes et les parasites parlementaires ont réussi, en moins de 10 ans, à empester le Québec d’une odeur de pourriture brune et tenace. Ils et elles n’ont pas seulement oublié de sortir les vidanges, mais ont traîné dans l’appartement tous les bacs bruns du quartier et ont fermé les fenêtres. Ça pue tellement la charogne qu’on parle davantage d’un bout de foulard et de viande halal que de la misère du monde ordinaire, de nos services publics sabotés par un parti libéral mafieux ou des énergies fossiles qui nous empoisonnent. Le climat est tellement gangrené que les commentaires haineux pullulent sur les médias sociaux : l’extrême droite et les racistes de toutes tendances se sentent assez solides pour continuer de cracher leur haine même après le drame horrible qu’ils ont contribué à provoquer. Heureusement, la gangrène n’est pas une maladie mortelle, il suffit d’amputer le membre atteint. Après l’opération, on ouvrira ensemble les fenêtres et on pourra respirer à nouveau l’empathie et l’humanité qui nous habitent.
Les militant-e-s d’Alternative socialiste et d’Étudiant-e-s socialistes ne se limitent pas à condamner l’attentat. Nous nous engageons à lutter contre toute forme de discrimination et de racisme, en solidarité avec les communautés attaquées.
Patiemment, il nous faut prendre le temps de discuter avec nos proches qui entretiennent des préjugés, leur démontrer que ce qui unit les opprimé-e-s et exploité-e-s est plus fort que ce qui les divise. Il faut cultiver dans nos familles, dans nos campus et dans nos milieux de travail la solidarité de classe, la curiosité pour ce qui est différent et le sentiment d’empathie qu’éprouvent instinctivement les humains pour leurs semblables.
Envers les vrais racistes et les vrais fascistes, c’est-à-dire ceux qui ont érigé consciemment cette culture de violence décomplexée et xénophobe pour servir leurs intérêts égoïstes, nous ne sommes plus à l’étape de l’argumentation. Aucune discussion politique n’est possible avec les organisations qui bâtissent leur capital politique sur la haine de l’autre. C’est le cas des péquistes et de plusieurs groupes indépendantistes aujourd’hui complètement pourris jusqu’à la moelle. Envers les groupes ouvertement fascistes, nous mènerons le combat dans tous les sens du terme partout où ils se trouveront. Nous lutterons jusqu’à ce que les fascistes soient isolés et moralement brisés, que la seule façon pour eux de maintenir un semblant de dignité soit de renier leurs idées fascistes et de mettre un terme à toute action politique. À ce moment, ce sera peut-être une occasion pour eux de redevenir vaguement humains.
Présentation de l’article
Nous présentons ci-bas un court texte de Léon Trotski traduit par nous-mêmes sur l’organisation pratique de la lutte antifasciste. Bien que la situation objective ait grandement changé depuis 1934, tant du point de vue de la structure de l’état capitaliste que du point de vue de sa relation avec les groupes fascistes et leurs idéologies, le texte demeure d’actualité. En cette période de montée de l’extrême-droite en occident, où les idées fascistes et xénophobes peuvent s’exprimer librement via non seulement les groupuscules fascistes, mais aussi par la voix de chroniqueurs vedettes dans les médias de masse, aborder l’antifascisme d’un point de vue tactique et immédiat est une tâche urgente.
Il s’agit d’une courte lettre envoyée à des militants trotskystes français. Trotski ne prétend pas analyser l’antifascisme sous toutes ses facettes. Il se contente de faire l’économie d’une tactique désastreuse menée par le Parti Communiste Français (PCF), organisation complètement stalinisée à cette époque. Il rappelle que pour vaincre, les antifascistes de l’époque, et c’est toujours le cas aujourd’hui, doivent mobiliser progressivement de plus en plus de travailleurs et de travailleuses dans la lutte antifasciste. Les orientations politique des staliniens étaient à l’époque caractérisées par un mouvement en zigzag. La stratégie du PCF oscillait entre des pratiques conciliatrices et des pratiques sectaires. Ici, Trotski condamne l’aventurisme et les provocations qui minent la mobilisation de nouvelles couches de travailleurs-euses dans la lutte antifasciste et isolent la minorité militante communiste de ceux-ci et celles-ci. Aujourd’hui, de la même façon, la stratégie antifasciste qui préconise l’organisation d’un petit groupe de militant-e-s radicaux-ales se focalisant uniquement sur les combats de rue est un cul-de-sac. Les combats de rue sont une tâche nécessaire de lutte antifasciste (en 1934, c’était même la tâche technique principale comme l’explique Trotski), mais ce n’est pas une tâche suffisante. Actuellement, il faut combiner cette tâche à celle de la mobilisation de nouvelles couches de militant-e-s. Nous n’arriverons pas à bâtir le rapport de force nécessaire si nous continuons de bâtir notre mouvement autour de la seule scène punk/hardcore/oi ou de nos milieux d’extrême gauche.
Trotski explique aussi la distinction entre les fascistes et l’État. De cette distinction découle des nécessités stratégiques. L’État se présentait (et se présente encore aujourd’hui) comme un « arbitre », dans le sens ou l’État capitaliste français de l’époque, comme l’État québécois actuel, n’était pas encore prêt à institutionnaliser le fascisme pour résoudre ses contradictions internes et mener la répression contre-révolutionnaire. Autrement dit, le point culminant du péril fasciste est le moment où la classe capitaliste, via son État, institutionnalise les groupes fascistes, lui cèdant le contrôle de l’État capitaliste, c’est-à-dire le monopole de la violence et de la répression. Ce processus est actuellement en cours dans plusieurs régions du monde. La violence systémique de la police américaine contre les minorités, la popularité de l’Aube dorée et du Front national chez les forces de l’ordre françaises et grecques en témoigne. La tâche des révolutionnaires antifascistes est de briser les organisations fascistes en gestation avant que celles-ci n’accumulent assez de pouvoir pour être considérées comme un outil viable pour la répression des mouvements populaires par l’État capitaliste.
Les marxistes ne sont pas des pacifistes ni des réformistes. Mais il ne faut pas laisser la colère aveugler nos décisions tactiques et stratégiques dans la construction du mouvement antifasciste. C’est d’autant plus vrai suite aux terribles événements de Québec.
Les tactiques de l’ultragauche dans la lutte contre le fascisme
Léon Trotsky, 2 mars 1934.
Cher ami,
Depuis que je suis en Suisse, je n’ai pas toute la documentation à portée de main pour suivre les événements français de près. Mais permettez-moi de dire qu’avant d’émigrer ici, j’ai accumulé une certaine expérience sur ces questions en Allemagne. L’affaire de Menilmontant me remplit d’épouvante. Si les choses se développent dans cette direction, la catastrophe est inévitable.
Quel est l’objectif, pas seulement immédiat, mais pour toute la prochaine période ? C’est de mobiliser les travailleurs dans la lutte antifasciste avant que les fascistes ne deviennent la force dominante dans l’État, habituer les ouvriers à ne pas se laisser intimider par les fascistes, leur apprendre comment porter des coups, les convaincre qu’ils sont plus forts en nombre, en audace et sur d’autres aspects fondamentaux que les fascistes.
En cette période, il est très important de distinguer les fascistes de l’État. L’État n’est actuellement pas prêt à se laisser subordonner aux fascistes ; il veut « arbitrer ». Nous savons ce que cela signifie d’un point de vue sociologique. Cependant, il ne s’agit pas actuellement d’un débat sociologique ; il s’agit d’apprendre à donner et encaisser des coups. Politiquement, cela fait partie de la nature d’un État « arbitre » pré-bonapartiste de voir sa police hésiter et, dans l’ensemble, ne pas s’identifier aux bandes fascistes. Notre tâche stratégique est d’accroître l’hésitation et l’appréhension de l’ « arbitre », sa police et son armée, envers les fascistes. Comment ? En montrant que nous sommes plus forts que les fascistes, en leur donnant une bonne volée à la vue de cet « arbitre » tout en essayant, aussi longtemps que la situation le permet, d’éviter de s’en prendre à l’État lui-même. C’est là l’élément central.
Dans le cas de Menilmontant, d’après ce que je peux en comprendre d’ici, l’opération a été menée dans la voie diamétralement opposée. L’Humanité rapporte qu’il n’y avait pas plus de soixante fascistes dans un quartier purement ouvrier ! La tâche tactique, ou si vous voulez « technique » était plutôt simple : empoigner tous les fascistes ou groupes isolés de fascistes par le collet, familiariser leurs têtes avec les pavés à quelques reprises, leur prendre toutes leurs insignes et documents fascistes et, sans aller plus loin, les laisser avec leur peur et leurs cicatrices.
L’ « arbitre » défendait la liberté d’assemblée (pour le moment, l’État défend aussi les assemblées ouvrières contre les fascistes). Si c’était bien le cas, il était totalement idiot de vouloir provoquer un conflit armé avec la police. Mais c’est exactement ce qu’ils ont fait. L’Humanité en est très fier : ils ont érigé une barricade ! Mais pourquoi ? Les fascistes n’étaient pas de l’autre côté de la barricade, et ce sont les fascistes qu’ils étaient venu combattre. Était-ce le début d’une insurrection armée pour établir la dictature du prolétariat dans Menilmontant ? Ça ne fait aucun sens. Comme Marx le disait « On ne joue pas à l’insurrection ». Ce qui veut aussi dire « On ne joue pas avec les barricades ». Même au moment d’une réelle insurrection, on n’érige pas des barricades n’importe où et n’importe quand. (Vous pouvez apprendre quelque chose de Blanqui sur ce sujet, voir les documents publiés dans La Critique sociale)
Tout ce qu’ils ont accompli c’est : (a) Laisser les fils de bourgeois fascistes rentrer chez eux sur leurs deux jambes (b) Provoquer la police qui a tué un travailleur (c) Donner aux fascistes un argument de légitimité : les communistes commencent à ériger des barricades.
Le bureaucrate idiot dira : « Alors, vous voulez que l’on cesse de construire des barricades par peur des fascistes et par amour de la police ? ». C’est une trahison de ne pas ériger de barricades lorsque la situation politique le demande et lorsque nous sommes assez forts pour les défendre. Mais c’est une provocation stupide de construire des simili-barricades pour une petite réunion fasciste, de faire éclater la chose hors de toute proportion politique et ainsi désorienter le prolétariat.
La tâche actuelle est d’impliquer une majorité de travailleurs dans la lutte antifasciste. L’aventure de Menilmontant ne sera bonne qu’à isoler davantage la minorité militante. Après une telle expérience, une centaine, voir un millier de travailleurs qui auraient été prêts à donner une correction à ces fils de bourgeois diront « Non, merci, je ne veux pas me faire casser la figure pour rien ». Le résultat de toute cette aventure est exactement contraire à la fin recherchée. Et, pour le dire clairement, ça ne me surprendrait pas beaucoup si l’on apprenait bientôt que ceux qui criaient le plus fort pour les barricades étaient en fait des agents provocateurs fascistes placés dans les rangs des staliniens pour permettre à leurs amis de se dégager de leurs mauvaises postures. Si c’était le cas, ils ont bien réussi leur coup.
Qu’auraient dû faire les éléments les plus actifs et perspicaces sur place ? Ils auraient dû former un petit état-major improvisé, incluant des socialistes et les staliniens si possible. (En même temps, il aurait fallu expliquer aux résidents du quartier que cet état-major fonctionnerait sur une base permanente à la veille de la manifestation). Cet état major improvisé, avec une carte du quartier, aurait pu élaborer le plan le plus simple du monde : diviser les cent ou deux-cent manifestants en groupes de 3 à 5 avec un chef pour chaque groupe et les laisser faire le travail. Après la bagarre, les chefs devraient se réunir et tirer les leçons nécessaires pour le futur. Cette seconde réunion pourrait servir de base à l’établissement d’un état-major permanent et la base d’une milice ouvrière dans le quartier. Naturellement, il pourrait y avoir distribution de tratcs pour expliquer aux résidents la nécessité de cette mesure.
Pour les militants révolutionnaires, la tâche doit inclure les éléments suivants :
a. Avoir son propre état-major
b. Anticiper les possibilités et les éventualités dans de tels conflits
c. Établir quelques plans généraux à l’avance (quelques variantes)
d. Avoir une carte du quartier
e. Avoir des tracts pour chaque situation
C’est tout ce que je peux dire pour le moment. Je suis presque certain que ces suggestions sont en accord avec vos propres idées.