Édition du 17 décembre 2024

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Asie/Proche-Orient

Entretien avec François Burgat

Guerre civile ne veut pas dire guerre sectaire en Syrie »

Alors que s’est engagée une bataille décisive à Alep, la seconde ville du pays, entre l’Armée syrienne libre (ASL) et les troupes fidèles à Bachar al-Assad, François Burgat, chercheur au CNRS et à l’Institut français du Proche-Orient (IFPO), longtemps basé à Damas et actuellement à Beyrouth, revient sur la situation en Syrie et les conséquences de cette guerre civile sur la région. Il est notamment l’auteur de L’islamisme en face, paru aux éditions La Découverte.

27 juillet 2012 | tiré du site de mediapart.fr

Comment comprenez-vous l’obstination sanglante de Bachar al-Assad ? Quelles sont les caractéristiques de ce régime qui expliquent cette fuite en avant ?

L’une des variables majeures du conflit syrien réside dans le fait que l’assise du régime, plus encore que clientéliste, est ethnique et confessionnelle. Sous le vernis laïque et modernisateur du discours baasiste, c’est en fait (même si cette règle souffre d’heureuses exceptions) à un socle alaouite d’essence “tribale” que s’accroche aujourd’hui, dans la tourmente, le régime de Bachar al-Assad. Or, en faisant, par armée et milices interposées, un usage immodéré de la violence la plus aveugle, cette tribu a en quelque sorte brûlé derrière elle tous les ponts la rattachant à une solution négociée ou à l’établissement d’un modus vivendi acceptable par les deux camps.

Une des difficultés des Syriens à soulever le joug de la tyrannie réside-t-elle alors dans ces divisions communautaires attisées par le régime alaouite et dont l’équivalent n’existait pas, ou moins, en Tunisie ou en Égypte ?

Oui, ces divisions ethno-confessionnelles (réelles ou potentielles) sont indiscutablement l’une des spécificités majeures de la situation syrienne. Elles ont donné au régime une capacité à diviser le front des oppositions sans équivalent en Egypte (malgré la présence des Coptes) et moins encore en Tunisie. La confessionnalisation de la crise s’est très vite explicitée comme un choix cynique du régime. Il s’agissait de transférer sur le terrain sectaire et sécuritaire une guerre qu’il savait perdue sur le terrain politique. Et, pour ce faire, de “dépolitiser” les revendications de ses opposants pour les réduire au cadre étroit d’une révolte sectaire.

Un mois à peine après le début des manifestations, a commencé en Syrie une campagne d’affichage urbain particulièrement pernicieuse. Les affiches mettaient en scène des citoyennes ou des citoyens syriens que leur vêtement (coiffure, port ou absence de port du hijab notamment) permettait d’identifier à chacune des communautés du pays. Tous s’entendaient poser une même question : “Quelle est ta confession ?” Et toutes et tous répondaient à l’unanimité : “Quand on me demande quelle est ma confession, je réponds : je suis Syrien(ne) !” Pour comprendre le caractère éminemment pernicieux de cette rhétorique des communicateurs du régime, il faut savoir qu’en Syrie, il était, depuis de nombreuses décennies, parfaitement inconcevable de poser dans l’espace public une telle question sur l’appartenance confessionnelle.

Le non-dit était, bien sûr, que ceux qui osaient faire usage de cette question incongrue avaient des visées sectaires et cherchaient à s’en prendre à l’unité de la nation. Mais ils se heurtaient au mur du sentiment populaire bien décidé à défaire ceux qui tentaient d’exploiter les divisions de la société. Le cœur du message, qui devait s’imposer à l’inconscient du public, était que l’opposition (identifiée à des “bandes armées salafistes” par les “enquêtes” des médias officiels) n’émanait pas du peuple mais d’une seule de ses communautés. Son agenda ne dépassait donc pas l’horizon d’une revanche sectaire qui ne menaçait donc pas seulement le régime mais toutes les minorités (alaouites bien sûr mais également chrétiennes ou druzes) et risquait de déboucher, dans le meilleur des cas, sur un éclatement à l’irakienne.

A l’égard des Kurdes, dont les attentes nationales avaient été longtemps réprimées, le régime a agi de même, attribuant en quelques semaines des milliers de droits à la nationalité pour tenter de décrocher les wagons kurdes de la protestation nationale. Cette stratégie prenait très cyniquement le risque d’instiller et de nourrir ce virus de la division sectaire dont le pouvoir prétendait précisément protéger le pays.

Force est de reconnaître qu’elle n’a pas totalement échoué. Outre les soutiens actifs qu’il avait effectivement su capitaliser, le régime a réussi ainsi à mobiliser les craintes de larges compartiments des différentes minorités.

Qu’est-ce qui, plus généralement, en matière de révolte contre un dictateur, distingue et rapproche les situations égyptienne, tunisienne, libyenne de la Syrie ?

Outre le fait qu’il disposait de ce “potentiel” de divisions ethno-confessionnelles, le régime était sensiblement moins affaibli que ses homologues égyptien et tunisien. Son éloquent titulaire, relativement jeune, n’était au pouvoir “que” depuis une dizaine d’années. Dans le conflit israélo-arabe, il fréquentait des alliés régionaux (le Hamas, le Hizbollah et l’Iran) et défendait une posture bien moins impopulaire aux yeux des nationalistes de tous bords que celles de Moubarak ou de Ben Ali, contraints à une proximité avec Washington et son protégé israélien très coûteuse politiquement.

L’autre différence majeure vient des soutiens extérieurs particulièrement significatifs qu’a su conserver la Syrie de Bachar. Secondaire dans le cas tunisien et égyptien, cette variable internationale avait en revanche été décisive, au bénéfice de l’opposition, dans le cas de la Libye. Du Conseil de sécurité à la Ligue arabe en passant par l’OTAN, la communauté internationale tout entière avait pris le parti des opposants que le Colonel Kadhafi menaçait d’exterminer.

Or, dans le dossier syrien, c’est ce précédent libyen qui a conduit, on le sait, deux des membres permanents du Conseil de sécurité, la Russie et la Chine, bientôt suivis par le Brésil et l’Inde, à refuser obstinément de se désolidariser de la Syrie. Dès lors, l’équation était structurellement changée, et la portée de l’appui accordé à l’opposition par la Turquie, le Qatar, l’Arabie Saoudite, l’Europe et les États-Unis considérablement limitée.

Le régime de Bachar Al-Assad prétend être un pivot et un ciment du monde arabe dans la région, notamment par son soutien à la cause palestinienne. Est-ce une revendication qui a du sens, même si elle est exagérée ?

C’est, de la part du régime, une parfaite imposture que de se proclamer, comme il le fait depuis le début de la crise, le seul à vouloir ou pouvoir résister aux pressions israéliennes dans la région. Et de sous-entendre que des forces politiques démocratiquement élues n’auraient de cesse que de brader le Golan ou de trahir le camp de la résistance palestinienne.

En revanche, il est difficile de nier qu’une transition démocratique changera en partie l’assise régionale de la résistance palestinienne. Le Hizbollah, identifié aux méthodes répressives du Baath plus qu’à sa ferveur nationaliste, risque de se voir privé, un temps au moins, de tout ou partie du soutien syrien traditionnel. L’axe Damas-Téhéran perdra, de même, une partie de sa fonctionnalité.

Last but not least, la chute du régime ouvrira inévitablement la boîte de Pandore des revendications régionalistes. La tentation de ressusciter le réduit alaouite esquissé du temps du mandat français existe indiscutablement, mais l’opération serait extrêmement coûteuse humainement à mettre en œuvre. En revanche, il est à peu près certain que les Kurdes vont en profiter pour tenter d’imposer leurs vieilles revendications autonomistes. Ils pèseront de tout leur poids pour une solution fédérale ou, s’ils ne craignent pas une réaction turque, une autonomie plus large encore.

On sait que les zones où les Kurdes sont présents ont d’ores et déjà à peu près réussi, au prix de lourdes pertes, à se débarrasser aussi bien de l’Armée syrienne libre que de celle du régime. Rien de simple là encore, car les Kurdes ne sont pas démographiquement majoritaires dans les zones qu’ils revendiquent et c’est de là notamment que vient le refus persistant du Conseil national syrien (CNS) de leur accorder les garanties d’autonomie qu’ils réclament.

Si le régime disparaît, les tensions communautaires réactivées par des mois de lutte armée sont-elles susceptibles de mener à une guerre civile, voire à une partition du pays ?

La guerre civile fait déjà partie de la réalité syrienne. Mais guerre civile ne veut pas dire guerre sectaire. La ligne de partage entre les deux camps n’est pas, pour l’heure, de nature communautaire, mais bien politique, selon que chacun des deux pense l’avenir du pays avec ou sans le régime de Bachar al-Assad. Les “révolutionnaires” s’efforcent de réaffirmer régulièrement que leurs demandes sont exclusivement démocratiques et ils prennent soin (“le peuple de Syrie est un, un, un”) de les exprimer sur des bases explicitement supra-communautaires.

Cela dit, il est impossible de ne pas voir que – essentiellement du fait de l’étroite identification entre le régime et les membres de la communauté alaouite – cette ligne de confrontation se superpose ici et là aux frontières des appartenances confessionnelles. Les villages qui, tel Houla au mois de juillet, ont été la cible de massacres, étaient sunnites. Et il y a fort à penser que les milices qui ont parfait à l’arme blanche le travail de l’artillerie lourde du régime provenaient, quant à elles, de villages alaouites.

Mais plus structurellement, le pire a été pour l’heure évité. Et, hormis de très prévisibles épisodes de vengeance, il est raisonnablement pensable qu’il pourrait être évité par la constitution d’un gouvernement d’union nationale auquel tous les citoyens quelle que soit leur communauté, se sentiraient associés.

Le régime syrien tente de présenter les violences actuelles comme un affrontement avec des groupes radicaux islamistes issus de la communauté sunnite. Est-ce fondé ? Et que pèsent alors les groupes jihadistes présents en Syrie ?

L’exagération du rôle de l’islamisme radical et de ses groupes “jihadistes” locaux ou importés des pays voisins constitue à mes yeux l’un des principaux obstacles à une perception réaliste et fonctionnelle des forces en présence. Comme, sans exception, tous ses homologues avant lui, de Ben Ali à Kadhafi en passant par Moubarak ou Ali Abdallah Saleh, Bachar al-Assad s’efforce de brandir devant les Occidentaux le repoussoir d’Al-Qaïda ou de ses succursales locales comme étant l’unique alternative à son pouvoir.

La réalité est en fait bien différente : l’opposition syrienne armée englobe aujourd’hui toutes les sensibilités et toutes les appartenances présentes dans le tissu politique national, y compris d’ailleurs, fût-ce en moindre nombre, des citoyens de confession alaouite. Dans cette mosaïque évoluent indiscutablement quatre ou cinq groupes que l’on peut qualifier de salafistes ou de jihadistes. Une partie d’entre eux ont toutefois fait allégeance à l’Armée libre et inscrivent donc bien leur combat dans les limites d’une lutte nationale.

Celui qui est le moins mal documenté est la Katiba al-Ansar, qui évolue dans la région de Homs. Plusieurs bataillons de l’Armée libre sont par ailleurs dirigés pas des officiers qui ont une rhétorique ouvertement “islamo-nationaliste”. L’un d’entre eux, Al Farouq (l’un des surnoms d’Omar Ibn Khattab, calife peu apprécié des chiites) est dirigé depuis sa création par l’un des cousins du général Manaf Tlass, Abderrazak, qui s’est depuis peu laissé pousser la barbe. À Alep enfin, évolue une brigade du nom de Liwa at-Tawhid. Son appellation joue sur la polysémie du terme Tawhid, à la fois expression de la volonté d’unir l’opposition, comme le soulignent également les deux mains nouées de son emblème, et évocation du principe monothéiste de la religion musulmane.

Même si leur nouveau leader, le cheikh salafiste Ahmed al-Assîr, ne les y encourage pas ouvertement, les militants sunnites du Liban voisin piaffent d’impatience d’aller aider leurs frères syriens. Certains d’entre eux ont manifestement réussi à le faire. Où le bât blesse, c’est lorsque le régime s’efforce par tous les moyens de faire de ces quelques groupuscules, l’alpha et l’oméga d’une révolte dont ils ne sont que l’une des facettes, en l’occurrence très minoritaire.

Preuve que les jihadistes sont indispensables à leur communication, les autorités syriennes ont, à l’instar des généraux algériens du début des années 1990, créé de toutes pièces des groupes parfaitement fictifs, pour nuire à l’image de l’opposition dans son ensemble. C’est manifestement le cas de l’emblématique Jabhat al-Nusra, le seul à avoir adopté un discours jihadiste “anti-occidental” dénonçant non point seulement le régime syrien, mais, fort curieusement… tous ceux qui soutiennent l’opposition.

La place des “islamistes” dans l’opposition syrienne, plus généralement, suscite beaucoup d’interrogations. De qui parle-t-on et peut-on la mesurer ?

La population syrienne est composée d’environ 70 % de musulmans sunnites. En 2012, la “rue” sunnite syrienne peut se comparer – avec la prudence que requiert une telle généralisation – à celle de la Tunisie, de l’Égypte ou de la Libye. Cela veut dire d’abord que le curseur qui pointe les majorités électorales s’arrêterait sans doute demain sur des forces politiques modérées, très loin des franges radicales dans lesquelles la société ne se reconnaît pas.

Ces forces pourraient être des “islamistes modérés” du type d’Ennahda ou même de l’AKP ou des “laïques modérés”, “non éradicateurs”, c’est-à-dire se démarquant clairement de la rhétorique “anti-islamiste” primaire que promeut la frange des élites arabes que nous avons longtemps considérée comme la seule à être fréquentable.

Enfin, la place exacte des Frères musulmans ou telle autre composante du paysage islamiste est une donnée “nationale” dont il n’est pas possible de préjuger aujourd’hui. Mais quelle que soit la configuration électorale finale, les islamistes en feront très vraisemblablement partie.

L’armée pourrait-elle jouer en Syrie le rôle de stabilisation, voire de transition, qu’elle a joué en Tunisie et en Égypte, après plus de 19 000 morts en un an et demi de conflits ?

L’une des nombreuses erreurs des néo-conservateurs américains, en arrivant en Irak, a sans doute été de dissoudre intégralement l’armée. Même si des réformes de structure s’imposent, la Syrie devra donc faire l’économie de ce démantèlement systématique de l’appareil d’État. De larges composantes de l’armée, à l’exception des brigades les plus directement associées à la répression, pourraient donc effectivement continuer à fonctionner comme un élément stabilisateur de la transition démocratique.

Il existe des doutes sur la réalité de l’attentat qui a coûté la vie, la semaine dernière, au beau-frère et bras droit d’Assad, au chef des renseignements et au ministre de la Défense. Certaines y voient plutôt la main d’Assad lui-même, peut-être après une tentative de coup d’État. En sait-on plus ?

Tout le monde a relevé les zones d’ombre de cet attentat : le doute sur la présence physique du beau-frère du président, visé par une précédente tentative d’empoisonnement, l’absence de dégâts extérieurs sur le bâtiment concerné (mais peut-être contenait-il une enceinte souterraine fortifiée) et plus encore l’étrange stratégie de communication des autorités, habituellement bien moins pressées d’annoncer leurs pertes réelles. Une part de doute reste donc permise. Si toutefois l’attentat s’inscrivait dans la longue série des manipulations de la violence dont le régime s’est montré familier, force serait de constater que l’opération aurait, dans ce cas, été terriblement mal gérée : l’impact psychologique et médiatique de cet aveu de faiblesse s’est dans tous les cas transformé en une victoire de l’opposition si décisive qu’on considère un peu partout qu’elle a inauguré une ère nouvelle de la rébellion.

Un gouvernement d’Union nationale vous semble-t-il envisageable, si Assad partait ou était tué ?

Oui, bien sûr, c’est l’une des solutions les moins irrationnelles pour permettre une transition qui ferait l’économie de la destruction complète du camp au pouvoir. Pour préparer l’édification d’une telle passerelle, il serait très opportun que des défections de haut rang puissent intervenir à court terme dans les rangs des Alaouites.

Que pensez-vous du rôle du général Tlass, aujourd’hui réfugié en France ?

Il va bien sûr être difficile de faire admettre aux combattants de la première heure que ceux qui ont un passé politique tel que celui du général Tlass peuvent légitimement occuper un rôle de premier plan au lendemain de la révolution. Tlass a toutefois quelque crédit particulier : à défaut d’avoir été un opposant ouvert, ce qui était de toutes les façons incompatible avec ses fonctions, il a été l’un des tout premiers à “traîner” les pieds face à l’option répressive. Cette tiédeur a coûté très cher à son clan, dont plusieurs membres ont été éliminés par le régime.

Quelles sont les répercussions actuelles de la guerre en Syrie sur le Liban, et quelles pourraient y être les conséquences d’une chute du clan Assad ?

Cette crise va inévitablement conduire à un affaiblissement du Hizbollah, acteur particulièrement central puisqu’il est au pouvoir, mais également le tout premier parti du pays. C’est l’étendue des pertes qu’il va subir qui déterminera sans doute sa réaction. Il persiste pour l’heure à ne faire de la crise syrienne qu’une lecture régionale et internationale et à nier, ce faisant, la profondeur démocratique de la revendication des opposants syriens et le caractère inéluctable de leur victoire.

Cette victoire va donc le placer dans une situation régionale extrêmement difficile. La Syrie alliée – ce pays dont Nasrallah a révélé, il y a quelques jours, que c’était sa technologie (et non celle de l’Iran) qui lui avait permis sa remarquable résistance lors de la guerre avec Israël, en juillet 2006 – deviendra un pays hostile. À l’intérieur, alors même qu’il doit payer le prix de son exercice du pouvoir et connaît une significative usure populaire, il devra gérer une Syrie qui sera plus naturellement alliée à son concurrent sunnite.

Pour l’heure, la direction du parti a eu la sagesse d’adopter une attitude particulièrement modérée, s’efforçant de minimiser les provocations de certains groupes sunnites (dont les partisans d’Ahmed Al-Assir) ou encore les réactions exprimées contre l’armée nationale accusée, sans doute à juste titre, d’avoir abattu, à l’occasion d’un contrôle effectué près de la frontière nord avec la Syrie, un cheikh sunnite soutenant les opposants syriens.

Pourquoi le Hizbollah iranien continue-t-il à soutenir mordicus Bachar al-Assad ?

Le parti s’accroche à la vision bien peu réaliste d’un régime menacé essentiellement par les Occidentaux du fait de ses positions dans le conflit israélo-arabe. L’argument que donnent spontanément ses membres, est que l’appui militaire de la Syrie, lors de la guerre de juillet 2006, a été tellement décisif qu’il est hors de question pour eux de trahir celui dont ils estiment qu’il a été leur sauveur.
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Les États-Unis et Israël ont récemment fait part de leur inquiétude sur les armes chimiques que possède le régime syrien. Quelles sont les lignes rouges qui pourraient pousser à une intervention israélienne, voire américaine ?

L’une des inconnues des semaines à venir est effectivement l’attitude des Israéliens. Ils craignent par dessus tout que s’opère un transfert massif d’armement (notamment anti-aérien) au profit du Hizbollah. Ils pourraient donc prendre le prétexte de la menace chimique pour tenter de détruire une partie de cet arsenal militaire syrien à la faveur de la confusion qui va régner en cas de transition.

Est-on en train d’assister à une rupture entre un monde chiite et un monde sunnite qui traverserait tout le monde arabe, à l’intérieur de la Syrie ou de l’Irak, et en passant par l’opposition régionale entre l’Iran et l’Arabie Saoudite ?

Le risque d’une recomposition sectaire du Proche Orient, qui verrait se cristalliser le fameux “croissant chiite”, mis en scène et cultivé par les officines américaines et israéliennes au moins aussi sûrement que par les imams sunnites du vendredi, existe indiscutablement. La situation interne à l’Irak complète le paysage de ces tensions sectaires.

Ce serait là un raté très grave de la dynamique de modernisation qui fait également partie de l’actualité du Proche-Orient. Un tel redécoupage n’est toutefois aucunement inéluctable. Il devrait se faire au détriment d’alliances intuitives, supra-confessionnelles (la défense d’intérêts collectifs dans le conflit israélo-arabe, le rejet de la présence militaire américaine ou occidentale) qui sont tout aussi solidement ancrées que les appartenances primordiales dans les mailles du tissu politique régional, toutes confessions ou tendances confondues.

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