Préparer la grève reconductible
Après la réunion marathon d’avant-hier soir – le 9 septembre 2013 – entre les présidents de l’ELME (Union de l’enseignement du secondaire) et les membres du conseil de direction de l’OLME (Fédération de l’enseignement du secondaire) – dont la direction possède une forte représentation de Syriza, Antarsya et du KKE (PC) –, la décision d’une grève de cinq jours reconductible à partir du lundi 16 septembre a été adoptée. Les enseignants redéfiniront leurs positions après chaque période de grève de 5 jours. C’est ce qu’Okeanews, auquel nous empruntons ces informations, affirmait.
« Nous répondons par une grève reconductible à partir du cinq septembre, de manière forte et décidée, en collaboration avec les parents, les enseignants, pour essayer de travailler tous ensemble », a déclaré le président de l’OLME, Themis Kotsifakis.
En ce qui concerne les exigences du secteur, M. Kotsifakis a déclaré : « Pas de licenciement ou de mise en disponibilité, non aux transferts obligatoires des enseignants, non au projet de loi anti-éducative qui fait du lycée un centre d’examen et qui convertit les filières professionnelles en formation de base et en apprentissage. Aucun enfant, aucun enseignant hors de l’école. Personne ne s’en va. »
Pour ce qui est de l’AEI (Fondation de l’enseignement supérieur), le fonctionnement de l’Université nationale d’Athènes (EKPA) sera suspendu à partir du 11 septembre 2013 et tout au long de la semaine, sur décision du conseil de l’Université par réaction aux mesures de mise en disponibilité.
Le conseil universitaire de l’EKPA redéfinira sa position à la prochaine réunion.
Dans le même temps, l’association des professeurs de l’Université technique nationale d’Athènes a adopté à l’unanimité la grève jusqu’au 16 septembre.
Les établissements d’enseignement technologique resteront fermés dans tout le pays, comme l’ont décidé les présidents des Universités lors de la réunion du vendredi 6 septembre.
La Fédération nationale des employés de l’administration des établissements d’enseignement supérieur a opté pour 2 grèves de 48 heures, une le 10 et le 11 septembre, et une le 12 et 13 septembre, mais aussi pour 5 jours de grève du 16 au 20 septembre, en réponse à la mesure sur la mise en disponibilité imminente de 1500 travailleurs dans les universités d’enseignement supérieur et technologique.
En attendant, la réunion qui a eu lieu le 10 septembre entre la Fédération des enseignants de Grèce et le vice-ministre de l’éducation Simeon Kedikoglou s’est révélée infructueuse.
La DOE (Fédération Enseignante de Grèce) appelle les professeurs à une « vigilance militante » et à participer massivement aux Assemblées Générales jusqu’à ce que « sa voix se renforce contre les politiques anti-éducation du gouvernement. »
A l’occasion du vote du projet de loi (le 10 septembre 2013) pour le « nouveau lycée » au parlement, l’OLME et le PAME (Front militant des Travailleurs de Grèce, affilié au parti communiste) ont développé des mouvements de protestation.
Plus précisément, l’OLME a organisé un rassemblement à l’échelle nationale devant les bureaux du Ministère (Ermou et Kornarou, 2) à 18h30 et une manifestation à Syntagma (place de la Constitution).
De son côté, le PAME organisera des rassemblements dans plusieurs grandes villes. Pour Athènes, le rassemblement aura lieu à Omonia (place d’Athènes) à 19h00 et pour Thessalonique, à 18h30 devant la statue de Venizelos.
« Cela doit être le combat de tous »
Pour le journaliste de To Pontiki (La Souris), Michalis – dont les termes sont rapportés par Okeanews – l’état de l’éducation nationale en Grèce est alarmant. Le projet de loi sur les licenciements et la mise en disponibilité des enseignants ne fait qu’accentuer les inégalités entre les élèves, et crée une éducation « à deux vitesses », qui sacrifie d’emblée les plus défavorisés. Pour lui, les mouvements de grève mobiliseront la profession sont l’affaire de tous : parents, élèves, enseignants et citoyens.
Face à la mobilisation, le gouvernement a préparé son slogan de contre-attaque : « Le syndicalisme ferme les écoles ». Ce slogan sera jeté à la figure par « les fabricants d’opinion publique » !
Ce sont les mêmes qui suppriment par un trait de plume 50 spécialisations des lycées techniques et professionnels et licencient 2000 enseignants de ces filières spécialisées sous prétexte que les droits professionnels fournis par l’EPAL (secondaire supérieur) sont en contradiction avec ceux de l’IEK (écoles privées ou publiques dont le cursus est approuvé par le ministère de l’Education).
Ainsi, environ 20,000 des 93,000 élèves des lycées techniques et professionnels ont à présent 3 choix : recommencer depuis le début certaines des disciplines restantes ; payer des frais élevés pour intégrer des écoles privées ; ou quitter le cursus scolaire avec un seul diplôme d’études secondaires, ce qui fait d’eux un personnel non qualifié et donc encore mal payé.
Les 2000 enseignants qui ont été licenciés avant que n’ait été votée la loi qui prévoit leur licenciement étaient professeurs dans ce type de filière spécialisée.
Et à côté de ça, l’européenne Maria Repousi (universitaire, députée de DIMAR, Gauche démocratique qui soutient le gouvernement Samaras) dit que le grec ancien devrait être obligatoire uniquement pour les étudiants des filières classiques de l’Université. « Pour les autres élèves, ça devrait être optionnel ».
Nous lui rappelons tout de même que toute la sagesse de notre connaissance et de notre culture grecque se cache à l’intérieur de ces textes antiques, qui d’ailleurs sont enseignés jusqu’à aujourd’hui dans de nombreuses et très bonnes écoles du monde entier.
Mais apparemment, les enfants grecs doivent devenir eux aussi des élèves de l’Union européenne de seconde classe.
Pour cette raison et plus que jamais, cette lutte n’est pas seulement celle des enseignants. C’est avant tout une lutte pour l’éducation de nos enfants, bref, c’est le combat de tous. Si les parents ne comprennent pas cela, ce combat n’ira nulle part. C’est exactement ce que le gouvernement espère qui se passera.
Une participation massive
La participation des enseignants au mouvement de grève de l’OLME s’élève à plus de 90 %, a rapporté le président de la fédération de Themis Kotsifakis, alors qu’il s’exprimait sur la chaîne de TV Star.
Des milliers d’enseignants, de parents étaient présents à la manifestation de toute l’éducation du secondaire, suite à l’appel des syndicats ainsi que des associations étudiantes. Des enseignants, des étudiants, des parents d’élèves, des employés de la caisse sociale, ont rempli les Propylées (Athènes).
L’avenue Panepistimiou était fermée ainsi que les boulevards Amalias et Vas. Sofias. Les stations de métro étaient ouvertes.
D’autres manifestations du personnel de l’éducation nationale ont eu lieu à Thessalonique, Ioannina, Corinthe, Crète.
A partir de ce lundi 16 septembre, les enseignants du secondaire s’engagent dans une grève de 5 jours reconductible. Les enseignants des écoles privées sont en grève pour 48 heure.
La lettre d’une enseignante à ses élèves : « Pour quelles raisons je ferai grève »
« Je considère que toute la situation est injuste, pour nous tous mais, surtout, pour vous qui posez maintenant les fondations de votre avenir. Les médias créant en moi un profond sentiment d’injustice à cause de l’information qu’ils vous apportent, à vous et à vos parents mais, aussi, à nos concitoyens, je ressens le besoin de vous rendre des comptes et de vous expliquer pourquoi j’ai décidé de faire grève et de ne pas être à mon poste, dès lundi.
Je ne ferai pas la grève pour les « 2 heures supplémentaires » qu’on a ajoutées à notre programme, parce que, de toute manière, depuis que je suis dans l’enseignement, je me trouve à l’école et je travaille.
Je ne ferai pas la grève parce que, à cause de ces deux heures supplémentaires, plusieurs collègues seront obligés d’assumer un stress supplémentaire, pour compléter les heures nécessaires dans 2 ou 3 établissements différents, indépendamment des kilomètres qui les séparent.
Je ne ferai pas la grève parce que l’année scolaire a déjà commencé et que les procédures ne sont pas encore achevées de façon à ce que tous les enseignants soient à leur poste pour que les cours commencent normalement, comme il aurait fallu.
Je ne ferai pas la grève parce que j’ai peur qu’on coupe encore dans mon salaire ni parce que je risque d’être licenciée.
Je ferai la grève parce que je considère que tout ce que l’on est en train d’appliquer à l’éducation l’est à vos dépens.
Parce que je considère que c’est malhonnête que l’on vous prive de l’espoir et de vos rêves, dès votre adolescence.
Parce que, lorsque j’entre dans une classe de 3e du lycée (dernière année du secondaire) un mois avant les examens panhelléniques, je ne vois pas la lumière ni l’espoir briller dans vos yeux et que je tremble à l’idée que, dorénavant, cela commencera dès la 1re année du lycée.
Parce que je veux pouvoir vous regarder dans les yeux et vous encourager à poursuivre vos rêves, aussi fous soient-ils.
Parce que l’être humain n’est pas fait pour devenir un outil de transfert d’un esprit qui fonctionne sur la base d’un logiciel précis, mais il a aussi besoin de l’art, de la libre expression, de l’exercice physique, de la pensée critique.
Parce que vous méritez que, dans l’éducation, l’on fasse des pas en avant et non en arrière, en l’an 2013. Je ferai grève pour revendiquer un meilleur avenir pour vous… »
Anna Natacha Varveri, traduction Okeanews