C’est le deuxième sauvetage de Dexia après le sauvetage de 2008 au cours duquel la France et la Belgique avaient injecté chacun plus de 3 milliards d’euros pour racheter ses actions, ce à quoi il faut ajouter des garanties étatiques des crédits pour une valeur de 150 milliards d’euros [1].
L’aspect le plus important de cette histoire concerne la dépendance de Dexia vis-à-vis du financement à court terme libellé en dollars. Au cours de la dernière décennie, Dexia a consolidé un modèle basé sur l’utilisation du financement à court terme et à bas coût pour l’achat d’actifs de long terme offrant de meilleurs rendements. Ces actifs libellés en dollars obligeaient Dexia à avoir toujours plus recours aux swaps [2] et autres dérivés financiers pour soutenir sa position dans ses comptes de bilan. Cependant comme expliqué dans un précédent article [3], ce modèle s’est effondré suite au blocage des marchés de financement à court terme après la disparition de Lehman Brothers.
Vu ce qui précède il n’est nullement surprenant d’apprendre qu’entre septembre et décembre 2008, Dexia a été le principal bénéficiaire au sein de la zone Euro des crédits d’urgence en dollars octroyés par la Réserve fédérale [4] américaine pour une valeur de 58,8 milliards de dollars. Les crédits de la FED à Dexia ont continué jusqu’en 2010 pour se monter à 159 milliards de dollars en juillet 2010.
Sans ces ressources Dexia se serait vue dans l’obligation de renoncer à ses positions à long terme à des prix bradés, ce qui non seulement aurait précipité son besoin de restructurer ses comptes de bilan mais aurait également entraîné l’augmentation de la volatilité sur les marchés financiers internationaux. C’est précisément pour éviter cela que la FED a augmenté progressivement ses crédits à la banque européenne.
Malgré les efforts des principales banques centrales pour cacher les problèmes de solvabilité d’institutions comme Dexia via l’injection massive de liquidités, la gravité de la situation liée aux pertes tant concernant les portefeuilles d’actifs libellés en dollars que les crédits aux pays de la périphérie européenne a rendu la situation intenable. Il en découle qu’il faut porter son attention sur les prochaines banques qui risquent de tomber comme conséquence de l’effet domino financier. On peut s’en faire une idée en analysant la dépendance des banques de la zone Euro vis-à-vis du financement à court terme, dépendance mesurée par leur utilisation du wholesale funding [5] et des crédits reçus de la FED depuis la crise de 2008.
Semblable analyse révèle que ce sont les banques françaises BNP Parisbas et Société Générale qui sont les plus exposées. Depuis mai dernier dans les deux cas leur financement à moins d’un an représente un peu plus de 70% du total [6]. En comparaison, pour Dexia ce financement à moins d’un an représentait environ 50% du total. Cet indicateur témoigne du besoin d’avoir régulièrement recours aux marchés financiers pour obtenir des financements. Un pourcentage élevé comme dans le cas de ces banques est la marque d’une vulnérabilité élevée dans le cas où la volatilité augmente et finalement d’une hausse du coût de financement.
D’autre part si on compare la liquidité des actifs obtenus avec ce financement, moins de 40% de ceux-ci ont une échéance inférieure à une année pour BNP et SG alors qu’il s’agissait d’environ 10% dans le cas de Dexia. Cet indicateur témoigne de la capacité des banques à liquider leurs actifs pour faire face à leurs obligations dans le cas où leur accès au financement se trouve compromis. Un chiffre bas indique que les banques ont une faible capacité d’accès à des nouvelles ressources avec la vente de leurs actifs, ce qui augmente la fragilité financière de l’institution.
Les parallèles préoccupants ne finissent cependant pas là ! Conformément aux données du récent audit de la FED relatif aux destinations des crédits qu’elle a octroyés dans le cadre de la crise financière tant BNP que Société Générale se trouvent en tête des institutions financières bénéficiaires de ces programmes. Entre 2007 et 2010, BNP a reçu des crédits de la part de la FED pour une valeur de 175 milliards de dollars et Société Générale pour 125 milliards de dollars [7], ce modèle s’est effondré suite au blocage des marchés de financement à court terme après la disparition de Lehman Brothers.]].
La vulnérabilité évidente de ces institutions face aux attaques spéculatives qui entraînent le retrait du financement en dollars dont ces institutions dépendent permet de comprendre la chute rapide de leurs actions au cours de 2011, chute dans les deux cas supérieure à 50%. Vu ce contexte, il est clair que la procédure de nationalisation de Dexia est seulement la première étape d’une nouvelle phase virulente d’effondrement d’institutions financières qui, à la différence de ce qui s’était produit en 2008 semble plutôt localisée en Europe.
Il semble cependant que la possibilité et la disponibilité de socialiser les pertes des banques ne soit plus la même qu’il y a quelques années. Lorsqu’on ajoute les difficultés que traverse la zone Euro, cela augure d’une période de volatilé très élevée et marquée par la nervosité voire la panique des marchés financiers.
Notes
[1] Voir, “France, Belgium Pledge Dexia Help Amid Breakup Talk”, disponible sur : http://www.bloomberg.com/news/2011-...
[2] Le swap de devises (ou swap de taux d’intérêt et de devises) est un accord conclu entre deux parties qui s’échangent un montant déterminé de devises étrangères et s’engagent mutuellement à effectuer régulièrement des paiements correspondant aux intérêts ainsi qu’à se rendre le montant échangé à une échéance déterminée. Voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Swap_d... (NDT).
[3] Voir Daniel Munevar “L’obscur petit secret des banques européennes” disponible sur ESSF (article 23090) : L’obscur petit secret des banques européennes.
[4] La Réserve fédérale aussi appelée FED est la Banque centrale des Etats-Unis (NdT).
[5] La pratique de Wholesale funding (financement en gros) consiste à utiliser l’épargne des citoyens en contrepartie de financements diversifiés comme les Money Market Funds (des fonds mutuels qui investissent dans des titres de dette à court terme jugés comme sûrs. Ces fonds jouent un rôle central dans l’approvisionnement en liquidités pour les marchés de bons à court terme), les fonds d’investissement des Etats et des municipalités et d’autres investisseurs institutionnels.
Théoriquement, la capacité supérieure de ce type d’investisseurs institutionnels est supposée résulter de leur possibilité de surveiller plus efficacement le profil risque des banques, ce qui devrait entraîner moins de risques pour les investisseurs. Cependant dans la pratique, ce type d’investisseur institutionnel augmente le risque d’hémorragie de capitaux à l’égard des banques qui dépendent de ce type d’investissement chaque fois que les investisseurs institutionnels agissent tous en même temps sur base des rumeurs du marché. Voir, “The Dark Side of Bank Wholesale Funding”, disponible sur le lien : http://www.bis.org/bcbs/events/rtf0...
[6] Voir “With Dexia Done, Here Is Who Is Next : A Visual Euro Bank Liquidity Vs Funding Exposure Matrix”, disponible en : http://www.zerohedge.com/sites/defa...
[7] Voir, GAO (2011), ¨FEDERAL RESERVE SYSTEM Opportunities Exist to Strengthen Policies and Processes for Managing Emergency Assistance¨, Pg. 131, disponible en : http://sanders.senate.gov/imo/media...
* Traduit de l’espagnol par Virgie de Romanet pour le CADTM.