9 mai 2023 | tiré de Révolution permanente
Depuis début mai, l’Ouest du Canada est en proie à une vague de violents feux de forêts. Dans la province de l’Alberta, la plus touchée par les feux, l’état d’urgence a été déclaré samedi 6. 30 000 personnes ont été évacuées, alors qu’une vingtaine d’habitation ont été avalées par les flammes.
400 000 hectares partis en fumée
Dans cette province, plusieurs centaines de milliers d’hectares de forêts ont été détruits par des incendies depuis le début de l’année, une « situation sans précédent » selon les propos de la première ministre de l’Alberta, qui a réclamé une aide fédérale face à l’ampleur de la crise.
Les immenses panaches de fumées dégagés par les feux, visibles par images satellites, ont atteint les États-Unis mais également le cercle arctique.
89 feux étaient toujours en cours mardi 9 en Alberta selon les informations de la province, dont 26 considérés comme hors de contrôle. 400 000 hectares de forêts étaient ainsi partis en fumée à cette date. Une surface particulièrement importante pour un début de mois de mai, comme le montre la comparaison avec les surfaces brûlées entre janvier et mai (inclus) dans la province depuis les années 1990.
Comparaison entre les surfaces brûlées entre janvier et mai (inclus) depuis les années 1990 et la surface brulée au 9 mai 2023 en Alberta. Données : province de l’Alberta, base de donnée nationale sur les forêts
Cette situation particulièrement préoccupante est le résultat d’un printemps exceptionnellement chaud et sec dans la région, conséquence directe du changement climatique. En mai 2023, des températures moyennes d’environ 20°C ont ainsi été relevées, alors qu’elle tournaient autour des 6°C sur la période 1981 – 2010 selon les données du site Infoclimat. La même tendance est visible pour les températures maximales, qui excédent de près de 15°C la norme sur la période 1981 - 2010. Ces températures exceptionnelles créent un terrain propice aux incendies, que des vents forts ont attisés.
Évacuations, racisme environnemental, risque de catastrophe industrielle : la population paie le prix fort
Ces feux mettent directement en danger la population, qui voit sa vie bouleversée par les évacuations, le risque de voir son logement partir en fumée et sa santé menacée. Une étude réalisée à la suite des mégafeux survenus en Australie en 2019-2020 avait par exemple dénombré 171 personnes décédées en raison de l’inhalation de particules fines résultant des feux de forêts. Des impacts qui sont la conséquences de politiques conscientes menées par le patronat et les Etats au service de ces derniers.
Le journal National Observer relève ainsi que la province d’Alberta a appliqué de discrètes mesures austéritaires sur les pompiers, en réduisant – sur le papier – la durée de la saison des feux qui frappe chaque année le Canada. Un tour de passe-passe qui lui a permis de réduire de 8 à 12% le budget dédié à la lutte contre les incendies, ainsi que les effectifs de pompiers, en le cachant à la population. Une politique criminelle alors que la hausse du nombre et de l’intensité des incendies est une conséquence connue et attestée de longe date du changement climatique.
De plus, la province de l’Alberta est l’une des principales productrices de pétrole issu de sables bitumineux à l’échelle mondiale. Une énergie fossile particulièrement sale, qui nécessite des quantités d’énergie et d’eau importantes à sa production. Dans un rapport sur les impacts sociaux et environnementaux de l’exploitation des sables bitumineux, Les Amis de La Terre rapportent entre autres que leur utilisation dégage 3 à 5 fois plus de gaz à effet de serre que les combustibles « conventionnels ».
L’exploitation effrénée de cette ressource par différents géants du pétrole – dont le français Total – a mené à des destructions environnementales à grandes échelles dans la région. Les Amis de La Terre expliquent ainsi : « L’exploitation des sables bitumineux au Canada est responsable d’une importante déforestation, principalement pour les projets d’extraction minière à ciel ouvert qui nécessitent de raser des pans entiers de forêt boréale. ». Des destructions qui ne manquent pas de réduire la résilience des forêts aux incendies.
Cette exploitation dégage également des polluants chimiques qui se répandent dans l’environnement et mettent en danger les écosystèmes et la population, et plus particulièrement les populations autochtones. Le rapport des Amis de La Terre indique par exemple « la présence d’éléments contaminants dans l’eau et la nourriture consommées par les communautés autochtones proches des zones d’exploitation. Par ailleurs, on note une préoccupante hausse des cas de cancer en raison de la forte exposition à des substances toxiques telles que le mercure, l’arsenic, les métaux lourds et les hydrocarbures. Ainsi, depuis 2000, il y a eu plus de 100 décès liés à des cancers ou des maladies auto-immunes rares dans la seule communauté de Fort Chipewyan (1200 habitants), située sur la rivière Athabasca, en aval des projets de sables bitumineux. ».
En plus de voir leurs vies et leur territoires spoliés par l’exploitation de ces combustibles fossiles, les populations autochtones se retrouvent également aujourd’hui particulièrement impactées par les feux de forêts, et nombre d’entre elles ont dû fuir leur lieu de vie.
Ces feux de forêts en plein centre d’une des principales régions productrices de ces hydrocarbures fait en outre planer le risque d’une catastrophe industrielle et sanitaire d’ampleur. En 2016, des feux massifs dans la région avaient ainsi menacé de toucher les mines de sables bitumineux, entraînant l’évacuation de 100 000 personnes.
Enfin, les forêts actuellement en proie aux flammes sont des forêts boréales. Éléments clés de l’équilibre climatique à l’échelle mondiale par leur absorption de quantités importantes de carbones, elles se retrouvent ainsi fragilisées par l’exploitation des sables bitumineux. Ces derniers alimentent le changement climatique et contribuent à la hausse du risque des incendies venant ravager ces forêts.
Une boucle de destructions toujours croissantes qui mettent la population en danger à l’échelle internationale. Les forêts boréales de Russie sont d’ailleurs également en proie à des incendies importants. Face à ces cycles de destructions environnementales et de vies humaines conséquence des activités de quelques entreprises telles que Total, l’heure est à la construction d’une riposte à la hauteur de la situation. Une riposte qui doit s’organiser autour des travailleurs et de leur capacite de bloquer ces géants pollueurs, comme l’ont démontré les raffineurs lors de leur grève d’octobre mais également dans la bataille des retraites.
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