Le gouvernement fédéral propose une réforme de l’assurance-chômage (je refuse d’employer le terme « assurance-emploi », qui ne fait aucun sens). Les chômeurs devront ainsi accepter des emplois de nature différente de ceux qu’ils occupaient, payés jusqu’à 70% de moins, situés jusqu’à 100 kilomètre de leur lieu de résidence.
N’étant pas de reste, notre gouvernement provincial vise quant à lui l’aide sociale des individus de 55 à 58 ans, des familles avec des enfants en âge préscolaire et les toxicomanes, tous privés de services ou de revenus pourtant déjà très maigres.
Il faut comprendre cyniquement les avantages de pareilles mesures. Les pauvres votent peu et ne donnent rien aux partis politiques. Ils n’attirent pas la sympathie. Comme on le laisse entendre à la radio poubelle, ils sont pauvres de leur faute. Et en plus, ce sont des fraudeurs en puissance, prêts à dérober à l’États quelques centaines de dollars par mois. (Et l’assistance sociale aux banquiers, combien a-t-elle coûté au juste ?)
« On veut que les gens travaillent » a dit Harper à Rivière-du-Loup pour justifier sa réforme. Et pour être sûr d’arriver à ce résultat, il envoie ses hommes cachés dans leur automobile espionner les chômeurs, afin de découvrir leurs vicieuses combines. Agnès Maltais quant à elle coupe dans l’aide sociale pour « renforcer l’incitation au travail ». Comme si le fait d’avoir à peine de quoi manger n’était pas en soi une motivation assez forte.
Ironie du sort, Agnès Maltais s’est offusquée de la réforme du gouvernement Harper. « Le Québec au complet dit qu’il y a un problème avec cette réforme » a lancé cette défenderesse des chômeurs québécois. Tout cela pour faire sienne une réforme tout aussi problématique de l’aide sociale.
Cette même dame Maltais a réclamé avec panache des études sur l’impact de la réforme sur les travailleurs saisonnier à Diane Finley, son homologue au fédéral. Elle serait pourtant bien incapable de fournir des études équivalentes qui montrent que d’enlever ce qui suffit à peine pour survivre permettrait aux gens de trouver miraculeusement du travail.
Avouons-le de pareils comportements en politique donnent des frissons dans le dos.
Tout cela nous rappelle un essai de Gaétan Breton publié il y a quelques années et justement intitulé Faire payer les pauvres. Plutôt que d’aller chercher l’argent chez ceux qui en ont, expliquait le professeur, les États préfèrent fouiller ceux qui n’en ont pas. Vous suivez la logique ?
Les belles promesses du Parti québécois arrivé au pouvoir d’aller puiser un peu plus chez les riches ont tombé aux premiers haussement de voix des patrons et de leurs défenseurs. Quant aux pauvres, ils peuvent toujours crier : enfoncés dans la misère, on ne les entend pas. Les conservateurs de leur part ont la sinistre honnêteté d’afficher ouvertement leur mépris pour les perdants de ce monde.
Ces coupes arrivent au moment où nous apprenons le décès d’Hugo Chavez. Certes, ce chef d’État ne faisait pas l’unanimité. Mais il s’est donné le défi gigantesque de gouverner pour les pauvres. Il leur a donné l’argent du pétrole, les a sortis de l’illettrisme, leur a procuré d’indispensables soins de santé. Il a été l’un des rares dans l’histoire contemporaine à oser une pareille aventure.
Qu’on le veuille ou non, entreprendre de pareilles mesures, prendre le parti des pauvres, demande un énorme courage politique. Ce que n’ont visiblement pas ceux qui nous dirigent.