Le mémoire de la FFQ contient trois recommandations pour faire avancer le droit des femmes à l’égalité. Il propose 1) d’annuler les baisses d’impôt et certaines dépenses pour mieux investir dans le logement social, les services de garde, l’assurance emploi, la santé et d’autres programmes qui bénéficieront à la grande majorité des Canadiennes et Canadiens et qui créeront des emplois bien rémunérés. Il demande également 2) que le gouvernement respecte ses engagements internationaux à l’effet de tenir compte des différences de genre et d’éliminer les inégalités dans la préparation des budgets et le développement de ses politiques fiscales.
Enfin, pour protéger le droit à la retraite et sortir les femmes âgées de la pauvreté, le mémoire propose 3) de renforcer les régimes publics notamment en augmentant le Supplément de revenu garanti de 15 %.
Une fiscalité plus équitable et au service des femmes et des communautés
Lors du budget adopté en juin 2011, le gouvernement a annoncé son intention de revenir à l’équilibre budgétaire en 2014-2015, un an plus tôt que prévu. Cet objectif doit se réaliser au moyen de coupes de 4 milliards de dollars par année. Ainsi, le gouvernement procède actuellement à un projet d’« examen stratégique et fonctionnel » des dépenses étatiques.
Tous les ministères et organismes fédéraux auraient reçu la demande du Conseil du Trésor de fournir deux scénarios de compressions capables de générer des économies permanentes représentant 5 % et 10 % de toutes leurs dépenses de programmes directes. On peut imaginer que ces coupes touchent à des programmes et à des services, mais lesquels ? Qu’est-ce qui sera épargné ? Au Centre canadien de politiques alternatives, on estime que ces compressions entraîneront 80 000 coupes d’emploi dans la fonction publique1. Déjà, les coupes ont commencé sans que l’on connaisse le plan et sans véritable débat public.
La FFQ est profondément inquiète du manque de transparence de la démarche, mais plus encore de l’impact que ces coupes pourraient avoir sur la qualité et l’accessibilité des services publics et sur les conditions de vie des femmes.
Les écarts de richesse ne cessent de grandir au Canada et les femmes sont aux premières loges de cette injustice, se plaçant plus nombreuses au rang des personnes pauvres et des mal logées.2 Pour les femmes autochtones, le manque de logement sur les réserves et le surpeuplement que cela entraîne les met davantage à risque de subir de la violence sexuelle ou physique. Quant aux femmes âgées, elles sont particulièrement affectées par la pauvreté. Selon le Conference Board of Canada, entre 2006 et 2009, il y a eu une augmentation de 128 000 personnes âgées vivant dans la pauvreté, dont 70 pour cent sont des femmes3
Toujours selon le Conference Board of Canada, les politiques fiscales ne servent plus autant à réduire les écarts de richesse, principalement parce que les programmes sociaux, notamment l’assurance-emploi et l’assistance sociale, ont été coupés en même temps que les impôts des contribuables à revenu élevé ont été réduits.
La grande majorité des personnes qui ont profité des réductions d’impôt sont des hommes alors que les femmes ont été davantage touchées par les coupes dans les programmes sociaux. Les dernières réductions d’impôt dont le gouvernement Harper s’est tant vanté au cours des récentes élections n’ont touché que les ménages les plus riches.
Il serait possible de réduire le déficit, sans coupures dans les programmes sociaux, en rétablissant les taux de taxation des grandes entreprises et les contribuables à haut revenu. Il n’est pas nécessaire non plus de dépenser autant pour les activités militaires (un sommet de 22 milliards $) et pour les controversées F35 (plus de 30 milliards $ ?).
Au lieu de s’attaquer aux racines de la criminalité, notamment la pauvreté et l’absence de soutien aux enfants en difficulté ou aux personnes ayant des problèmes de santé mentale, on prévoit une augmentation annuelle de plus d’un milliard par année4 pour soutenir un durcissement de l’approche en matière de criminalité, une approche qui a souvent pour fondement le profilage racial et qui se traduit par l’emprisonnement disproportionné de femmes autochtones ou racisées.
Recommandation 1
Que le gouvernement augmente ses investissements dans des programmes sociaux comme les services de garde, le logement social ou l’assurance-emploi et que dans sa recherche d’un retour à l’équilibre budgétaire, il annule les baisses d’impôt et la hausse des dépenses militaires et pénales afin d’instaurer une approche plus équitable en matière fiscale.
Soumettre les politiques fiscales à une analyse féministe
L’histoire nous enseigne que lorsque l’on prend pour acquis que les politiques ont les mêmes impacts sur les femmes que sur les hommes, on se trompe. Malgré les rôles qui tendent à changer, la division sexuelle du travail entre les sexes continue d’avoir un impact majeur dans la vie des familles, dans l’économie et l’organisation sociale. Cette division est également empreinte d’une hiérarchie qui affecte l’égalité des sexes au détriment des femmes. Tranquillement, ces différences et ces injustices s’amenuisent parce que les états, sous l’influence notamment des mouvements féministes, ont accepté d’introduire des mesures pour atténuer ou redresser la situation.
(…)
En 2011, quelles sont les avancées en matière de budgétisation ?
Les gouvernements successifs n’ont pas implanté cette approche. En particulier, en 2009, le gouvernement Harper a reculé en abolissant le droit des employées du secteur public de contester l’iniquité salariale devant la Commission canadienne des droits de la personne et en refusant d’adopter une loi proactive d’équité salariale pour les secteurs sous sa compétence. Comme nous l’avons démontré, les politiques budgétaires ont plutôt eu pour effet d’accroître les inégalités sociales et, donc, d’appauvrir davantage les femmes. Les discriminations perdurent. Il est temps d’agir et de respecter enfin ses engagements internationaux.
Recommandation 2
Que le gouvernement développe une politique de budgétisation « genrée », appuyée sur une analyse approfondie de la situation des femmes, qui a pour objectif de faire avancer le droit des femmes à l’égalité.
La réforme du régime de retraite au Canada
Les femmes continuent d’assumer la majeure partie du travail domestique et de soins aux personnes non-rémunéré et, en conséquence, d’être moins présentes sur le marché du travail que les hommes. Or, à l’exception de la Pension de la sécurité de la vieillesse et son pendant le Supplément de revenu garanti, les régimes de retraite, publics et privés, sont construits sur la notion de travail rémunéré et non sur l’apport des femmes à la société et leur contribution plutôt invisible à la production nationale.
De plus, avec l’effondrement des régimes de retraite offerts par les employeurs, les rares femmes qui y avaient accès ne peuvent plus compter sur ces revenus et les jeunes ne peuvent plus s’attendre à ce que les employeurs les développent. Les bas revenus des femmes (toujours inférieurs à ceux des hommes)9 les désavantagent également au moment d’investir dans un REER.
En conséquence, les femmes, particulièrement celles qui sont déjà à la retraite ou proches de la retraite, n’ont pu contribuer au Régime de rentes du Québec ou au Régime de pensions du Canada ni accumuler d’autres fonds de retraite à la même vitesse que les hommes. Tel que démontré précédemment, cela se traduit par un nombre élevé de femmes âgées vivant dans la pauvreté ou la précarité, d’autant plus que les femmes vivent plus longtemps que les hommes et se retrouvent plus souvent seules dans leurs dernières années.
Il y a urgence d’adopter une approche collective et concertée à la situation des retraites. Nous proposons que le gouvernement du Canada travaille avec les provinces afin d’harmoniser une nouvelle approche basée sur le renforcement des régimes publics en vue d’assurer une retraite décente pour toutes et tous.
Recommandation 3
Que les gouvernements du Québec, du Canada et des autres provinces se concertent afin d’instaurer une réforme des régimes de retraite de manière à assurer une meilleure retraite aux personnes âgées. Plus spécifiquement, nous proposons de doubler, graduellement, les rentes du Régime de rentes du Québec et du Régime de pensions du Canada, de prévoir une extension de la couverture à des revenus plus élevés et d’augmenter l’exemption ; de majorer sur-le-champ d’au moins 15 % le Supplément de revenu garanti payé aux personnes aînées les plus pauvres, de procéder à l’inscription automatique des personnes admissibles et de payer la pleine rétroactivité à ceux et celles qui ont été lésés par l’application du programme actuel.
Nous demandons aussi de s’assurer que les rentes des régimes de pensions à prestations déterminées ne soient pas compromises : améliorer les règles de financement et de surveillance de ces régimes et augmenter la priorité des créances de retraite en cas de faillite ; une fois ces mesures en place, d’envisager la création d’un fonds d’assurance pour ces régimes.
Conclusion
Nous aurions eu d’autres recommandations mais l’espace accordé, tout comme les délais prescrits par cette consultation, ne le permettent pas. Nous invitons les membres du comité à revenir à une forme de consultation plus ouverte et dans des délais plus adéquats.
L’intégral du document est disponible à l’adresse suivante : http://www.ffq.qc.ca/2011/08/budget-du-canada-2012-2013-pour-une-fiscalite-au/