9 avril 2024 | tiré du site alencontre.org | Photo : L’hôpital Al-Shifa, 2 avril 2024.
https://alencontre.org/ameriques/americnord/usa/etats-unis-palestine-le-plus-grand-organisme-medical-des-etats-unis-restera-t-il-silencieux-apres-la-destruction-dal-shifa.html
L’AMA est l’organisme médical le plus important et le plus puissant des Etats-Unis. Elle est « engagée dans des domaines précis d’activité internationale », sous la direction du Bureau des relations internationales. Par exemple, l’AMA travaille avec d’autres pays pour comprendre comment ils structurent leurs systèmes de soins de santé et s’attaquent à des problèmes tels que la pénurie de médecins et les disparités en matière de santé. Cependant, depuis le 7 octobre, l’AMA est restée silencieuse face aux demandes des médecins qui réclament un cessez-le-feu permanent et une condamnation des attaques contre les structures de santé et de l’assassinat de centaines de travailleurs de la santé à Gaza.
Dans une déclaration de novembre prônant la neutralité médicale, l’AMA a ignoré un certain nombre de ses politiques existantes qui lui permettent de défendre les travailleurs et travailleuses de la santé. L’une de ces positions politiques condamne par exemple « le ciblage militaire des établissements et du personnel de santé et l’utilisation du non-respect des services médicaux comme arme de guerre, par quelque partie que ce soit, où et quand cela se produit ».
Selon la mise à jour de la situation d’urgence de l’Organisation mondiale de la santé du 2 avril, Israël a mené 435 attaques contre des structures sanitaires à Gaza, ciblant les hôpitaux et les travailleurs et travailleuses de la santé (médecins, infirmières et personnel paramédical) et laissant 28% des hôpitaux partiellement fonctionnels et seulement 30% des centres de soins primaires fonctionnels. En outre, 722 travailleurs de la santé ont été tués, 902 blessés lors d’attaques et 118 travailleurs de la santé ont été détenus ou arrêtés.
Israël continue de bloquer l’aide des Nations unies à Gaza et d’empêcher l’acheminement de fournitures essentielles, notamment de nourriture et de matériel médical. En l’absence d’installations de soins de santé pleinement opérationnelles, on estime à 8000 le nombre de patients qui doivent être évacués de Gaza pour des raisons médicales, dont 6000 patients souffrant de traumatismes. La classification intégrée des phases de la sécurité alimentaire (Integrated Food Security Phase Classification), une norme scientifique internationalement reconnue et une initiative multipartenaires qui détermine la gravité et l’ampleur de l’insécurité alimentaire aiguë et chronique et de la malnutrition dans un pays, a récemment mis en garde contre l’imminence d’une famine à Gaza, avec des conséquences immédiates et à long terme sur la santé [voir sur ce site l’article publié le 26 mars 2024]. L’Organisation mondiale de la santé a déjà signalé que 28 enfants étaient morts de malnutrition. Alex De Waal, directeur exécutif de la World Peace Foundation, a déclaré : « Nous sommes sur le point d’assister à Gaza à la famine la plus intense depuis la Seconde Guerre mondiale. »
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Après deux semaines d’opérations intensives sur Al-Shifa, le plus grand hôpital du nord de Gaza, Israël a laissé lundi l’établissement dans un état de ruine effroyable, avec des centaines de corps, y compris ceux du personnel médical, éparpillés dans l’hôpital. « Il n’est plus en mesure de fonctionner comme un hôpital, sous quelque forme que ce soit… Détruire Al Shifa, c’est arracher le cœur du système de santé », a déclaré Margaret Harris, la représentante de l’OMS.
« Si l’on veut supprimer le système de santé, on en supprime le cœur battant [l’hôpital Al Shifa] », a déclaré Tanya Haj-Hassan, pédiatre spécialisée dans les soins intensifs à Gaza. Le 1er avril, des frappes aériennes israéliennes ont tué sept travailleurs humanitaires de la World Central Kitchen, lors d’une attaque ciblée, en plein milieu de la famine provoquée par l’homme (voir sur ce site l’article d’Amira Hass).
Israël s’en prend au cœur battant de Gaza.
L’AMA a toujours soutenu la neutralité médicale ; cependant, en avril 2022, la déclaration de l’AMA était très différente en réponse aux attaques russes sur les travailleurs et travailleuses de la santé en Ukraine : « L’AMA est indignée par l’assaut brutal de l’armée russe en Ukraine, et nous nous joignons à l’Association médicale mondiale et à nos autres partenaires internationaux pour demander un cessez-le-feu immédiat et la fin de toutes les attaques contre les travailleurs et les installations de santé. » En outre, l’AMA a publié un document d’orientation politique sur l’aide humanitaire et médicale à l’Ukraine afin d’améliorer les résultats pour les personnes touchées par la guerre.
La fondation de l’AMA a fourni une aide de 100 000 dollars à l’Ukraine en 2022, « pour fournir des fournitures médicales indispensables, telles que des médicaments, des kits d’hygiène et des EPI de base, ainsi que du personnel de santé dans certaines des régions les plus durement touchées ».
Pourquoi l’AMA ne s’indigne-t-elle pas de la même manière des attaques menées depuis des décennies par Israël contre le système de santé de Gaza ou des restrictions systématiques imposées par Israël à l’entrée et à la distribution de l’aide humanitaire, de l’eau potable et de l’électricité ? L’AMA accorde-t-elle plus d’importance aux vies ukrainiennes qu’aux vies palestiniennes ? Pourquoi l’AMA utilise-t-elle une approche à deux vitesses pour « ne pas faire de tort » (Do No Harm) [1] ? L’hypocrisie de l’AMA dans son application de la « neutralité médicale » est honteuse et ne représente pas la communauté médicale qu’elle prétend représenter.
Healthcare Workers for Palestine, un groupe de professionnels de la santé solidaires du peuple palestinien et dénonçant la violence israélienne, manifeste depuis octobre dans tout le pays et à Chicago devant le bâtiment de l’AMA pour exiger que l’AMA se joigne à d’autres organisations sanitaires et humanitaires, dont Médecins sans frontières et l’Organisation mondiale de la santé, pour réclamer un cessez-le-feu permanent à Gaza et fournir une aide humanitaire immédiate. Ils ont appelé et transmis des données aux personnels de la santé pour qu’ils demandent un cessez-le-feu à l’AMA ; ils ont organisé des séances d’information sur le thème « Do No Harm : l’apartheid médical en Palestine » ; et ils ont rédigé des déclarations de solidarité. L’AMA a répondu par le silence, et le silence est synonyme de complicité.
Bien que la neutralité médicale soit cruciale pour les professions de santé, nous avons un impératif moral, en tant que professionnels de santé, de nous engager dans l’activisme politique face à une longue histoire de violation des droits de l’homme, de récits déshumanisants, de génocide et de crimes de guerre commis par Israël. Un récent article d’opinion publié dans le British Medical Journal (BMJ, 2 avril 2024) par des membres de Health Justice Initiative et du People’s Health Movement a exhorté la communauté mondiale de la santé à demander un cessez-le-feu immédiat et une aide humanitaire sans restriction à Gaza. « Si nous restons silencieux, les inégalités que nous sommes censés combattre dans notre travail seront exacerbées – et cela ne fera que rendre la communauté mondiale de la santé complice de la souffrance de la population de Gaza », affirment Fatima Hassan et ses collègues.
J’exhorte l’AMA et les autres professions de santé, telles que l’American Nurses Association et l’American Psychological Association, à rompre leur silence complice et à appliquer leurs principes moraux et éthiques pour défendre l’humanité et lutter pour la sécurité, la dignité et les droits du peuple palestinien. J’invite tous les professionnels de la santé à faire de même. (Article publié sur le site Truthout le 9 avril 2024 ; traduction rédaction A l’Encontre)
Sarah Abboud est professeure adjointe à la University of Illinois Chicago College of Nursing.
[1] La formule « Do no harm » – ne pas faire de tort, ne pas nuire – renvoie de la part de l’aide humanitaire à un essai de monitorage de leurs activités ayant pour but d’éviter d’aggraver le climat d’instabilité et de violence. (Réd.)
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