Édition du 12 novembre 2024

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Europe

Etat espagnol. A la veille d’un changement de cycle politique

Publié par Alencontre le 15 - octobre - 2015

Les élections générales qui se dérouleront le 20 décembre prochain auront sans aucun doute une importance historique particulière, comparable à celles qui se déroulèrent tout au long de la période de la Transición, entre 1977 et 1982 [soit les premières élections « de la démocratie » – bien que les partis de la gauche radicale fussent encore interdits – aux élections qui portèrent le PSOE au pouvoir].

Si, alors, la tâche des partis du « consensus » était de procéder, par une voie de réformes de la dictature franquiste, à la constitution d’un nouveau régime, il s’agit aujourd’hui d’une tentative de trouver une sortie à la crise profonde (sociale, économique, politique et nationalo-territoriale) dont souffre ce régime. C’est donc ce qui se trouve au centre du débat et de l’affrontement électoral.

De nouveau, donc, réforme ou rupture ou, de manière plus concrète, refondation – en réalité déjà en route depuis mai 2010, avec le virage de l’austérité du gouvernement de Rodríguez Zapatero (PSOE), accéléré et intensifié ensuite par le gouvernement Rajoy – face à l’ouverture d’un processus de rupture(s) constituante(s) non seulement avec le régime, mais également avec l’économie politique ordolibérale [selon l’approche allemande] de la zone euro.

Ce dernier aspect est un défi qui n’existait pas alors et qui est aujourd’hui indépassable, à moins qu’à la suite de l’expérience grecque nous acceptions notre défaite définitive – et celle de la démocratie – face au discours selon lequel il « n’y a pas d’alternative » face à cette « Europe ». Une Europe qui, bien sûr, a substitué le mur de Berlin de la « guerre froide » par un grand nombre de murs et de clôtures externes et internes au nom de la « préférence nationale ».

Plus concrètement, ce qui est immédiatement en jeu dans ces élections, c’est de savoir si le bipartisme dynastique dominant est capable de survivre. Ce régime qui a garanti la stabilité politique du système, aujourd’hui remis en question. Ou si, au contraire, il entre définitivement en déclin et se verra remplacé par un pluripartisme au sein duquel puissent agir comme forces décisives afin de faire pencher la balance dans un sens modérément réformiste ou ouvertement de rupture, c’est-à-dire soit Ciudadanos, soit Podemos.

Cette échéance semble, en outre, marquer la fin d’un cycle électoral qui débuta en mai 2014 avec les européennes, suivi par les élections autonomes andalouses de mars 2015, les municipales et les autonomes de mai, ainsi que les élections catalanes du 27 septembre. Une période d’à peine un an et demi extraordinairement intense politiquement où nous avons pu assister :

1° à l’irruption de Podemos lors des européennes, se transformant en « tsunami » qui, après l’Assemblée de Vistalegre [d’octobre 2014, « constitution formelle » de Podemos, avec affirmation du noyau autour de Pablo Iglesias], va perdre de sa force, en raison de facteurs liés autant à la contre-offensive médiatique et institutionnelle qu’à des erreurs propres, en particulier du « modèle » de parti adopté ;

2° à la percée à l’échelle de l’Etat de Ciudadanos [à l’origine un parti aactif en Catalogne], combinant son espagnolisme belliqueux avec un discours contre la corruption et voulant se situer au « centre » (bien qu’il ne puisse masquer ses propositions de politique fiscale reprises de la FAES [organisation patronale] ou d’autres comme celle de l’exclusion des immigrants « illégaux » de l’accès à des droits fondamentaux (tels que les soins) ;

3° à l’accession inédite aux exécutifs municipaux, dans un grand nombre de grandes et villes moyennes, de candidatures d’unité populaire qui, à des degrés divers, sont engagées dans des politiques de « participation citoyenne » et mettant en place des audits de la dette ;

4° à un PSOE qui freine son déclin, grâce à son triomphe électoral en Andalousie et à au pouvoir institutionnel plus important obtenu, en particulier, au niveau des Communautés autonomes ;

5° à la perception relative d’une « reprise macroéconomique » qui le gouvernement de Mariano Rajoy est parvenu à insuffler cherchant ainsi à masquer les scandales de corruption qui, maintenant, avec son ancien vice-président Rodrigo Rato, reviennent sur le devant de la scène ; une « reprise » ressentie par certains secteurs desdites classes moyennes, malgré l’accroissement des inégalités sociales, la persistance d’un taux de chômage supérieur au 20% et à l’augmentation du nombre de travailleurs toujours plus précarisés et appauvris ;

6° à la tendance à l’affrontement déjà ouverte entre, d’un côté, un mouvement souverainiste-indépendantiste catalan et, de l’autre, un régime – appuyé par Ciudadanos – qui continue de refuser de reconnaître le droit de décider de son avenir [au peuple catalan] sans offrir d’alternative ; à moins de croire que la transformation du Tribunal constitutionnel en gendarme de « l’immaculée Constitution » en soit une, ou la recherche ambiguë dans un avenir lointain de « l’emboîtement de la Catalogne dans l’Espagne ».

La brèche catalane et Podemos

Ce qui est le plus important dans la conjoncture actuelle, qu’on veuille le voir ou non, est la fracture ouverte du conflit catalan-espagnol. S’il est vrai que l’on ne pas peut soutenir que l’option indépendantiste a remporté un plébiscite, comme elle l’avait présenté, lors des élections du 27 septembre 2015, les forces favorables à l’indépendance ayant une majorité absolue dans le nouveau parlement catalan sont suffisamment fortes pour maintenir le bras de fer avec l’Etat. Et cela ouvre une fissure profonde au sein du régime. Ce qui est encore plus vrai du fait que cette majorité est conditionnée par le poids atteint par la CUP [les parlementaires de cette formation de la gauche radicale indépendantiste sont décisifs pour obtenir la majorité apte à former un gouvernement]. Cette force anticapitaliste ne masque pas sa volonté de miser pour une République catalane ayant un contenu social de rupture avec les politiques d’austérité de la Troïka, une condition également nécessaire pour parvenir à capter une majorité des secteurs populaires de la société catalane qui se montrent encore réticents à ce projet.

La résistance de la direction de Podemos à réviser son projet « national-populaire » espagnol de façon à pouvoir assumer la spécificité de la question nationale catalane et, par conséquent, l’existence d’un demos qui aspire à être reconnu comme sujet politique souverain et non subalterne au demos espagnol, vient de loin. Mais, cette orientation a montré désormais ses conséquences néfastes. En effet, les maigres résultats obtenus le 27 septembre 2015 n’ont pas pour seule origine l’accord par en haut conclu avec Iniciativa per Catalunya (en contradiction, certes, avec le discours permanent, propre à la direction de Podemos, d’opposition à « l’unité de la gauche » et à la « soupe des sigles ») ou à la faible exposition publique de la tête de liste [Lluis Rabell], mais bien plutôt, surtout, à son échec à vouloir transformer

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