Édition du 1er avril 2025

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Santé

Et si la psychiatrie officielle faisait fausse route ?

Vous qui lisez ce journal,vous connaissez sûrement quelqu’un dans votre entourage qui souffre comme on dit de « maladie mentale ». Ce ne serait pas étonnant puisqu’un québécois sur cinq, nous prédit-on, risque de contracter cette « maladie » au cours de son existence. C’est le langage officiel employé dans les milieux médicaux psychiatriques officiels et par le gouvernement. Nous avons fini par utiliser tout bonnement ce langage, à prendre ça pour du « cash », à le répéter sans même nous poser un certain nombre de questions importantes.

Est-ce qu’il existe vraiment des « maladies » mentales au même sens que le diabète, le cancer, l’hypertension ? Cette psychiatrie qui se présente comme une vraie « science médicale » avec la prétention de traiter et même de guérir la « maladie mentale », est-elle si infaillible ? Est-ce qu’elle ne serait pas une « science sous influence », celle des puissantes compagnies pharmaceutiques qui mènent le jeu au niveau des médicaments ? Cette appellation de « malade mental » que la société leur plaque comme une étiquette sur un vêtement, qu’en pensent les personnes concernées ?

La psychiatrie moderne qu’on appelle aussi bio-médicale est convaincue que la source des troubles mentaux réside dans des dysfonctionnements du cerveau qu’on doit traiter par l’hospitalisation et une médication souvent massive et/ou par des électrochocs…. Mais elle est incapable de le démontrer « scientifiquement ». Elle se base donc sur les comportements des individus qu’elle juge « hors normes » et les transforme en diagnostics. C’est elle qui établit le partage des eaux entre les malades mentaux et les biens portants.

La psychiatrie est en dérapage incontrolé nous dit le Dr Allen Francis, psychiatre américain qui se fait très critique de la dernière version de la bible des maladies mentales (DSM ou Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux). Je constate une forte propension à vouloir médicaliser tous les problèmes de la vie quotidienne. Les sommités de la profession ont maintenant identifié près de 500 maladies mentales et ça continue de progresser... si bien que tout le monde a droit à son diagnostic psychiatrique…et au médicament miracle sensé guérir la maladie en question !

On n’écoute plus ce que les gens concernés disent de leur expérience et proposent eux-mêmes. On les étiquette. On enraye les symptômes exclusivement par des médicaments : c’est la seule réponse contemporaine à la détresse humaine sans égard pour les effets secondaires de cette médication qui sont parfois pires que les problèmes eux-mêmes.

Et s’il existait d’autres façons d’accueillir la souffrance ?

Ça pourrait continuer encore longtemps comme ça ...si les citoyens et citoyennes ne se lèvent pas pour mettre un terme à cette folie soit-disant « scientifique » et réclamer d’autres manières d’accueillir, de comprendre et de soulager la souffrance, d’autres façons de donner de l’importance à l’expérience vécue et à la parole des gens, de développer d’autres regards sur la différence, de refuser des conditions de vie et de travail qui « rendent fous ».... Bref contribuer à bâtir des alternatives à la psychiatrie.

Et ce mouvement est déjà en marche. Depuis les années 70, de nombreux groupes ont vu le jour pour créer un « ailleurs et autrement » en santé mentale : « ailleurs » qu’enfermé à l’hôpital et « autrement » qu’en bouffant des médicaments et en vivant dans la misère. Un important mouvement de défense des droits a vu le jour pour exiger le respect absolu des droits des personnes ayant un problème de santé mentale car il existe encore de nombreux abus dans les services : contention physique et chimique, hospitalisations forcées, interdictions de toutes sortes, etc. Ces personnes ne sont pas des citoyen-ne-s de seconde zone : elles jouissent des mêmes droits que tous les autres citoyens.

Tous les groupes qui se réclament d’une approche alternative en santé mentale accueillent la personne qui « file un mauvais coton » telle qu’elle est, sans jugement, avec sa souffrance et avec ses forces ; on essaie de comprendre l’expérience particulière qu’elle vit dans ses mots à elle et dans ses conditions de vie à elle (relations familiales pas toujours faciles, perte d’emploi, problèmes de logement, isolement, etc.). On ne lui colle pas d’étiquette ni de diagnostic.
En alliance avec des intervenants et des intervenantes critiques de la psychiatrie bio-médicale, elles ont imaginé des espaces autres que l’hôpital pour vivre et traverser une crise ; elles ont imaginé des lieux beaux, calmes, à taille humaine où on peut cheminer à son rythme, pleurer, rire fort, exprimer sa colère, sa tristesse sans se sentir « regardé de travers » ; elles ont imaginé des lieux sans cadenas ni serrures, où l’on circule librement sans se sentir enfermé dans des structures ou des programmes rigides ; elles ont imaginé des espaces où l’expérience vécue est valorisée comme un véritable savoir ; des espaces où chacun et chacune participe à la vie collective, où l’entraide et la solidarité sont souvent plus efficaces que les seuls médicaments, où l’on favorise le plein exercice de la citoyenneté et l’engagement à se préoccuper des autres et de la société.

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