Le projet Yasuni-ITT lancé par le président Rafael Correa en 2007, qui consistait à ne pas exploiter le pétrole en échange d’une compensation financière à hauteur de 50% du manque à gagner, soit 2,7 milliards d’euros, a fait long feu.
Le président équatorien a demandé l’autorisation au Congrès jeudi dernier d’exploiter les 800 à 900 millions de barils de brut reposant sous une région parmi les plus riches en biodiversité de la planète.
« Le monde nous a lâchés »
« Le monde nous a lâchés », a déclaré Rafael Correa à la télévision. Le projet Yasuni reposait en effet sur une participation financière internationale : gouvernements, régions, entreprises et même particuliers du monde entier étaient appelés à verser de l’argent sur un fonds géré par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud).
Mais les promesses de don ne se sont pas concrétisées : selon le président équatorien, seuls 13,3 millions de dollars, soit 0,37 % des fonds espérés, ont été versés.
Pour Romain Pirard, chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), cet échec était prévisible. « Les projets innovants ne sont pas légion, donc les donneurs se sont précipités pour le soutenir, mais en grattant un peu, on voyait bien que le projet était bâti sur des fondations peu stables », estime le chercheur. Pour lui, faire jouer l’argument des 400 millions de tonnes de CO2 qui seraient dégagées dans l’atmosphère par l’exploitation du pétrole de Yasuni pour attirer des fonds destinés à la lutte contre le changement climatique était une idée fallacieuse car « dans l’avenir, soit toutes les ressources fossiles du monde seront exploitées, ce qui donnerait une valeur extraordinaire au pétrole de Yasuni, soit on se reportera sur d’autres sources de pétrole dans le monde et les émissions de CO2 seront équivalentes »
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Des zones trop rentables pour être protégées
Taxé de chantage ou de greenwashing par ses détracteurs, le projet Yasuni-ITT met surtout en lumière le manque de fonds dédiés à la protection de la biodiversité dans le monde.
« Seul le volontarisme politique et des prétextes éthiques ou moraux permettraient de préserver les écosystèmes, mais si on suit un raisonnement comptable, il n’y a pas réellement de moyen de préserver ces zones qui seront toujours plus rentables exploitées que préservées », déplore Romain Pirard.
Même si Rafael Correa a précisé que l’exploitation du pétrole ne pourrait se faire au maximum que sur 1% de la surface du parc national, les experts redoutent que les espèces uniques au monde d’oiseaux, d’amphibiens ou de singes qui vivent dans le Yasuni ne disparaissent.
Sur un seul hectare de cette forêt poussent trois fois plus d’espèces d’arbres que dans toute l’Amérique du nord et 11.000 indigènes quechuas et huaorani vivent sur ces terres.