Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec

Projet de loi n° 70 et création du Programme objectif emploi

Encore des « économies » sur le dos des plus pauvres

Les mobilisations contre la loi 70

La loi 70 ne passe pas pour les groupes en défense des personnes assistées sociales. À preuve, mardi le 17 novembre dernier c’est plus d’une cinquantaine de militants et militantes qui ont fait une action de visibilité au coin de Cartier et René Lévesque à Québec. Ils et elles ont profité de l’achalandage de cette intersection pour publiciser leur refus de la loi et pour réaffirmer leurs revendications. Les trompettes et les casseroles étaient au menu pour se faire voir et entendre de la population. Une action éclair réussie et qui donnait le goût à l’ensemble des personnes participantes de renouveler l’expérience. Il y aura donc des suites, les enjeux sont trop gros….à suivre.(Presse-toi à gauche)

(L’article ci-dessous est tiré de La soupe au caillou, numéro 398, 20 novembre 2015)

Le 10 novembre dernier, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, M. Sam Hamad, a déposé à l’Assemblée nationale le projet de loi no 70, soit la Loi visant à permettre une meilleure adéquation entre la formation et l’emploi ainsi qu’à favoriser l’intégration en emploi.

Dans les minutes qui ont suivi, les organisations patronales ont salué l’audace du gouvernement du Québec, tandis que les organisations syndicales et communautaires ont dénoncé le projet de loi.

Le discours du gouvernement du Québec

Au cœur de ce projet de loi, il y a la création du Programme objectif emploi. Ce programme obligerait les personnes qui font une première demande d’aide sociale à participer à un plan d’intégration à l’emploi, plan qui pourrait comporter différentes mesures comme la recherche intensive d’un emploi, l’acquisition de compétences ou toute autre démarche adaptée à la situation de la personne (article 28 du projet de loi). Ce plan pourrait aussi inclure plusieurs obligations, comme accepter un emploi jugé convenable par le gouvernement du Québec. Le refus de respecter les obligations liées à ce plan entraînerait une pénalité financière pouvant aller jusqu’à la moitié de la prestation d’aide sociale, aux dires du ministre.

L’un des arguments pour justifier ce projet de loi est qu’environ 000 personnes par année déposent une première demande à l’aide sociale, dont un peu plus de 6000 proviendraient d’une famille qui reçoit déjà des prestations d’aide sociale. Une situation jugée inacceptable par le ministre Hamad, alors que l’on traverse une période économique difficile où les employeurs ont de la difficulté à se trouver de la main- d’œuvre, notamment dans le domaine des services et de la cueillette des fruits et légumes dans les champs... Ce discours gouvernemental repose essentiellement sur un préjugé : les personnes assistées sociales ne veulent pas travailler. Comme il y aurait des milliers, voire des dizaines de milliers de personnes aptes au travail mais qui ne veulent rien faire, il faut serrer la vis, surtout aux plus jeunes... Pourtant, plusieurs faits contredisent ce discours.

Quelques faits

Depuis plusieurs années, le taux d’assistance sociale ne cesse de baisser. De 802 000 personnes assistées sociales en 1995, on est passé à environ 436 000 en 2015. Et cette tendance se poursuit. Depuis 20 ans, les personnes qui quittent l’aide sociale sont plus nombreuses que celles qui y font leur entrée. L’année dernière, on dénombrait environ 80 000 nouvelles demandes d’aide sociale d’un côté et 90 000 départs de l’autre. La présence à l’aide sociale est beaucoup plus liée à la situation économique du Québec et à sa démographie qu’au supposé manque de volonté de la part des personnes.

Il faut aussi noter que les personnes assistées sociales participent en très grand nombre aux mesures favorisant l’insertion en emploi. Dans la dernière année, près de 116 000 adultes assistés sociaux ont participé à de telles mesures. C’est donc dire qu’un adulte assisté social sur trois participe volontairement aux mesures d’emploi ! Ici, on est très loin du préjugé voulant que les personnes ne font rien pour s’en sortir. En fait, ce que nous disent les personnes assistées sociales, et ce que constatent les organismes sur le terrain, c’est qu’il manque de mesures d’emploi et que celles disponibles sont souvent mal adaptées à leurs besoins.

Enfin, ce qu’il faut réaliser, c’est qu’au cours des dernières années, les budgets destinés aux mesures d’emploi ont été amputés de millions de dollars. Dans le budget 2015-2016, le gouvernement du Québec a prévu des coupes de l’ordre de 13 M $. Ces coupes se traduisent, année après année, par la fermeture de nombreux centres locaux d’emploi, dont la mission est justement d’aider les personnes à se trouver un emploi.

Une autre mystification

Depuis des semaines, sinon des mois, le ministre Sam Hamad insiste sur toutes les tribunes sur le fait que le Programme

objectif emploi ne s’adressera qu’aux « premiers demandeurs » d’aide sociale, notamment les jeunes. Or, aucune mention de cette balise, de cette limite ne se retrouve dans ce projet de loi, ce qui est inquiétant.

Ce qu’on peut y lire par contre, c’est que le Programme objectif emploi touchera les personnes visées par le règlement (article 28 du projet de loi). Ce qui signifie qu’éventuellement le gouvernement pourra, par un simple décret, étendre l’obligation de participer au programme à l’ensemble des demandeurs d’aide sociale.

Depuis son élection au printemps 2014, ce gouvernement nous a habituéEs aux phrases creuses, aux sophismes, aux demi-vérités, voire aux mensonges. Il coupe allègrement dans l’aide sociale au nom de l’équité, il abolit des mesures d’emploi, ferme des centres locaux d’emploi « pour mieux vous servir »...

Ce projet de loi semble être une énième mystification du gouvernement du Québec, où l’on invente un faux problème afin d’atteindre un tout autre objectif. Et il apparaît, en fin de compte, que le seul objectif qu’atteindra le gouvernement du Québec, c’est de limiter l’intervention de l’État.

En définitive, le gouvernement du Québec cherche moins à briser le cycle de la pauvreté qu’à économiser 50 M $ avec son projet de loi n° 70. Des « économies » de bouts de chandelles, il va sans dire. Des « économies » qui vont miner la santé des personnes assistées sociales, ce qui nous coûtera collectivement beaucoup plus cher à long terme, en plus de bafouer les droits humains.

Les personnes assistées sociales ont besoin de soutien, pas de préjugés, de mépris et d’autres coupes

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