23 avril 2023
Il n’est pas sorcier de deviner qu’une convention collective accordant des salaires en deçà de l’inflation, y compris son rattrapage depuis plus d’un an, serait une défaite pour l’ensemble du prolétariat, en particulier pour le Front commun québécois dont la revendication de l’indexation des salaires au coût de la vie est centrale. La Coalition 22 avril défilant à Montréal derrière la bannière « Justice sociale – Climate Justice (sic) » avait comme deuxième de ses trois revendications clefs « un réinvestissement massif dans les services publics et les programmes sociaux, notamment en taxant davantage la richesse ». Ce « réinvestissement massif » n’a aucun sens sans une sérieuse revalorisation salariale des travailleuses et travailleurs du secteur public québécois (et de leurs conditions de travail) qui fuient en masse vers le privé, ce qui implique au préalable l’indexation au coût de la vie de leur rémunération. Mais la Coalition 22 avril a complètement ignoré tant cette revendication qui aurait incarné sa manifestation dans la lutte sociale réellement existante que les luttes proprement dites de l’AFPC et du Front commun.
N’aurait-on pas pu inviter les grévistes de l’AFPC et les personnes syndiquées au Front commun à se joindre à la manifestation du Jour de la terre si ce n’est leur donner la vedette ? Comme le laisse entendre le slogan de la bannière ouvrant la manifestation « Justice sociale – Justice climatique, même combat », une société intrinsèquement écologique qui préserve les grands équilibres de la biosphère et arrête net le dérapage climatique en est une écoféministe de « prendre soin » des gens comme de la terre-mère. L’être humain faisant intégralement partie de la nature, prendre soin de l’un c’est prendre soin de l’autre. Ce sont les travailleuses, la majorité, et les travailleurs du secteur public qui sont au cœur de cette société de « prendre soin » et qui le seront de plus en plus quand le transport sera devenu le troisième grand service public ayant complètement éliminé le véhicule privé générateur de l’énergivore étalement urbain et de ses bungalows, la grande plaie des émanations québécoises de GES.
Une occasion ratée pour rejeter la fausse solution des autos électriques et son nouvel extractivisme
On se réjouit certes que l’opinion publique pro-climat soit devenue suffisamment forte, et les extrêmes climatiques suffisamment évidents, pour forcer la CAQ à abandonner la folie du troisième lien entre Lévis et Québec. (On peut cependant s’interroger sur le machiavélisme de la CAQ utilisant ce subterfuge pour gagner deux élections consécutives avant de devoir le jeter aux poubelles à moins de se discréditer auprès de la gent affairiste.) On doit cependant déplorer l’horizon de Québec solidaire se limitant au capitalisme vert quand ses porte-parole, lors de la manifestation de Montréal, se contentent de « prône[r] l’interdiction de la vente de véhicules à essence dès 2030 » au lieu de l’échéance 2035 de la CAQ.
On se serait attendu à ce que les porte-parole Solidaires utilisent les déboires du troisième lien, y compris l’ineptie de la partie restante, pour revenir en force avec la proposition de transport en commun pour la région de Québec de Vision 2030… quitte à l’améliorer par la multiplication des voies réservées aux dépens des véhicules privés, la solution meilleure marché et la plus rapide à réaliser. Dommage que la Coalition du 22 avril se prête au jeu en ne réalisant pas que sa revendication de « sortie urgente des énergies fossiles » si indispensable soit-elle, va être récupérée par les tenants du capitalisme vert comme un appel à l’électrification rapide de la flotte des véhicules privés ouvrant la voie au nouvel extractivisme des mines à ciel ouvert.
Marc Bonhomme, 23 avril 2023
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca
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