De Paris, Omar HADDADOU
En stratégie militaire, on appelle cela : La Guerre d’usure !
Les voici maîtres du terrain. Eux, les combattants enturbannés ne jurent que par lutte armée pour chasser l’envahisseur. Ce qui se joue en Afghanistan depuis le 15 août 2021, après la déroute de l’armée, le retrait des forces spéciales américaines, de l’Otan et l’exode des collaborateurs, des représentations diplomatiques et du Président Ashraf Ghani, ainsi que sa famille aux Emirats arabes unis, s’inscrit dans la logique du ricochet de la curée vers la ressource énergétique.
Vingt ans de conflit, de présence étrangère, d’affrontements reconfigurés et un cortège de victimes, contextualisé dans l’argumentaire sécuritaire et démocratique typiquement américain, les Talibans savent aujourd’hui qu’une manne, et pas n’importe laquelle, roupille sous leurs pieds : Le Lithium !
Le coût vertigineux de l’engagement de Washington en Afghanistan, 2261 milliards de dollars et le nombre de victimes 165.000, depuis octobre 2001, dont 2500 soldats US, valait-il la chandelle ? Car, contrairement à la feuille de route arrêtée initialement dans le bureau ovale, il ne s’agissait, selon certains médias, plus de campagnes préventives contre une idéologie fondamentaliste subversive qui menacerait les valeurs démocratiques occidentales, mais de visées d’occupation, fardées de discours finassés. Les remontées affligeantes du terrain où les pertes exponentielles de soldats américains et la facture salée de ce bourbier rappelant fidèlement le Viêtnam, vont changer la donne, amenant le Président démocrate Joe Biden, 78 ans, à trancher tout de go : « Je suis le président des États-Unis et à la fin, c’est moi qui assume. Je suis profondément attristé par la situation, mais je ne regrette pas la décision de retirer d’ici le 31 août les forces américaines d’Afghanistan, où elles combattent depuis vingt ans ». Un rétropédalage qui l’expose présentement au feu de critique de la majorité d’un peuple acclimaté à « América First », aux discours cocardiers des va-en guerre, avides du feu de l’action, à savourer le séant confié au confort d’un Chesterfield, et les babilles au Big-Mac.
Le ticket gagnant des Chinois :
Agissant en force tranquille dans sa coopération étrangère, la Chine tire son épingle du jeu en répondant (mi-juillet) aux appels du pied des Talibans. Des contacts et des tractations discrètes ont lieu bien avant la chute de Kaboul, dans la perspective de l’exploitation de l’un des gisements les plus prometteurs d’un point de vue industriel, à savoir le Lithium. Un métal essentiel à la fabrication - à l’heure de la transition énergétique - des batteries de véhicules électriques et autres appareils électroniques. Loin d’être ingénu, le régime taliban dispose désormais de données d’experts attestant de l’existence, dans les tréfonds de son vaste territoire, de l’équivalent de quelques 1000 milliards de dollars de minerais exploitables. Un sous-sol parmi les plus riches au monde, selon United States Geogical Survey, pour se doter de réserves financières colossales.
Aussi, de nouveaux contrats avec la Chine seraient - ils susceptibles d’être passés avec l’Empire du Milieu qui, déjà, font tressaillir de peur les puissances rivales. En développant le réseau routier, les infrastructures stratégiques, les Talibans, après avoir assuré une stabilité, ne manqueront pas, d’après la même source, de prendre en charge l’exploitation du cuivre (60 millions de tonnes), de fer (2,2 milliards de tonnes), de zinc, d’or, de platine, d’argent, de chromite, d’uranium, de mercure, du marbre, du talc, auxquels s’ajoutent le pétrole et le gaz naturel, les pierres précieuses (Emeraudes, rubis, saphirs, turquoise et lapis-lazuli).
A noter que la demande du Lithium pourrait être multipliée par 40 dans les prochaines années.
Pour la relance économique, les nouveaux maîtres de l’Afghanistan tablent aussi sur l’ouverture du corridor de Wakham, entre le Pakistan et le Tadjikistan, reliant l’Afghanistan à la Chine (Route de la Soie). Des ambitions que les Talibans inscrivent dans leur agenda. Mais nul de peut préjuger de la Paix dans cette contrée lointaine, bénie de richesses enviables.
O.H
Notes
Jean-Eric Branaa, maitre de conférences à l’université Paris II Assas et spécialiste des États-Unis.
Pour le spécialiste, la situation en Afghanistan est aujourd’hui un "terrible désaveu" pour les États-Unis. "L’Amérique non seulement n’est pas de retour, mais elle prouve même que sur la scène étrangère elle ne peut plus s’imposer. Désormais le peuple américain n’acceptera plus d’interventions extérieures. L’Amérique se recroqueville."
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