Texte et photos tiré de Reporterre.
Après avoir enduré l’hiver glacial du Dakota du Nord sous des tentes, ce n’est pas le mélange de pluie et de neige de Washington, vendredi 10 mars, qui allait intimider les « protecteurs de l’eau ». Des dizaines de tribus amérindiennes, rejointes par des militants environnementaux, des vétérans de l’armée mais aussi de simples citoyens, ont défilé aux cris de « L’eau, c’est la vie ! » lors d’une marche jusqu’à Maison Blanche. La manifestation avait pour point central le soutien à la tribu sioux de Standing Rock contre le passage du désormais (tristement) célèbre oléoduc Dakota Access Pipeline (DAPL). Mais les participants sont aussi venus délivrer un message plus large : il faut respecter les droits des indigènes et protéger l’eau, partout dans le monde.
Les marcheurs se sont d’abord réunis sous les fenêtres de l’Army Corps of Engineers, l’agence fédérale qui — sous les influences contradictoires de Barack Obama puis de Donald Trump — a stoppé puis autorisé à nouveau les travaux de l’oléoduc.
Dallas Goldtooth, le leader du mouvement contre les énergies fossiles de l’Indigenous Environmental Network, reste positif : « Ce que l’on observe en ce moment, c’est que les tribus indigènes continuent à être à l’avant-garde du changement et des mouvements sociaux. Nous continuerons à nous adresser à tous nos alliés à travers le pays pour que les peuples indigènes s’élèvent et défendent leurs droits. Car les droits des indigènes ne protègent pas que les indigènes : ils vous protègent vous, la terre, l’eau et les générations futures. »
Tokata Iron Eyes (Yeux de fer), une adolescente de la tribu de Standing Rock, harangue la foule avant le départ de la marche : « Je ne sais pas si j’aurai de l’eau propre dans les cinq prochaines années, et personne ne devrait avoir à vivre ça, lâche-t-elle sous une pluie glacée. Je ne veux pas quitter ma terre natale. Nous sommes là pour dire que nous résistons ! »
Les habitants de Standing Rock affirment que l’oléoduc de 1.900 km, qui doit traverser la rivière Missouri en amont de leur réserve, menace de polluer leur eau potable et de souiller les sépultures sacrées de leurs ancêtres. Un premier recours en justice après l’ordre de Donald Trump de reprendre les travaux — qui s’est traduit en février par l’évacuation forcée du camp où la résistance s’était enracinée un an plus tôt — a été rejeté par un juge la semaine dernière. La réponse d’un juge fédéral à un autre recours, formé par plusieurs tribus, est attendue prochainement.
Avant d’arriver à la Maison Blanche, les marcheurs ont fait un arrêt symbolique devant le Trump Hotel, sur Pennsylvanie Avenue. Là, ils ont monté un tipi et posé pour les photographes, en pied-de-nez au président américain.
Le nouveau chef de l’Etat, qui a non seulement relancé deux projets d’oléoducs géants mais a aussi nommé des climatosceptiques (https://reporterre.net/Le-ministre-etats-unien-de-l-environnement-nie-le-role-du-CO2-dans-le) à des postes-clé du gouvernement, est devenu le cauchemar des Amérindiens.
Tom Goldtooth, père de Dallas et président de l’Indigenous Environmental Network, ne mâche pas ses mots : « Ce qui se passe dans ce pays, c’est de la tyrannie. Le président fait passer le capitalisme d’abord, au détriment de l’environnement, de l’eau propre et des droits de l’Homme, en particulier ceux des peuples indigènes. Nous sommes très inquiets pour les quatre prochaines années, nous avons peur qu’elles mènent à une nouvelle guerre mondiale. »
Difficile d’évaluer le nombre de participants vendredi : ils étaient plusieurs milliers pour sûr. La marche s’est terminée sous un rayon de soleil fugace face à la Maison Blanche, et les leaders de différentes tribus ont pris la parole.
Temryssxelitia Lane, membre de la Lummi Nation, dans le nord-ouest des Etats-Unis, est heureuse de voir une telle mobilisation : « Mon coeur s’emplit d’amour, de joie et de gratitude à la vue du soutien reçu aujourd’hui, ici mais aussi à travers le monde. La France, par exemple, est très mobilisée dans les campagnes visant à désinvestir des énergies fossiles en boycottant certaines banques qui soutiennent ce génocide. Il est temps que l’on se dirige vers les énergies durables : nous avons la technologie pour le faire. »
Et même si le DAPL est finalement construit — selon Energy Transfer Partners, la société constructrice, il devrait être opérationnel d’ici la fin mars— , le mouvement né à Standing Rock est parti pour durer. « Même si notre population est faible numériquement par rapport au reste des Etats-Unis, nous avons réussi par divers moyens de communication, notamment grâce aux réseaux sociaux, à renforcer notre voix et à montrer au pays et au monde que nous sommes toujours là », estime Anna Tsouhlarakis, une habitante de Washington originaire de la tribu Navajo, au Nouveau-Mexique.
Pour Tom Goldtooth, de l’Indigenous Environmental Network, c’est certain : « La lutte autour de Standing Rock est le début d’une mobilisation de masse. La prochaine aura lieu le 29 avril, ici à Washington, avec la Marche du peuple pour le climat. »