Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Cultures, arts et sociétés

Au Musée des Beaux-Arts du Québec

Des Boteros vivants !

Hier, j‘ai eu le plaisir d’aller voir l’inauguration de l’exposition de Fernando Botero au musée des Beaux-arts de Québec. C’est une collection exquise, comme toute l’œuvre de Botero. C‘est un parcours dans les années de sa pratique magique des arts, depuis ses poupées au "Mona Lisa à l’âge de douze ans" presque jusqu’à aujourd’hui.

Traduction de Chloé De Bellefeuille Vigneau.

Cependant, il n’y avait pas un seul travail de sa série Abu Ghraib (sur la torture en Irak). Cette série est une collection en soi qui parcourt les musées de pays en pays, ne met pas en vente ses oeuvres et a pour but, selon ce qu’en dit Botero, de sensibiliser le monde sur des pratiques que l’on croyait inexistantes de nos jours. Selon ma compréhension, c’est une exposition qui va plus loin que la simple dénonciation d’une prison isolée dans un pays lointain. C’est une série avec une force plastique et un contenu social convaincants. C’est à l’ONU à qui revient la responsabilité de fermer Guantanamo et de s’assurer que l’on revienne à l’État de droit qui existait avant que les républicains de Nixon ne prennent le contrôle du puissant pays que sont les États-Unis pour en arriver aux folies du Bush d’aujourd’hui.

L’exposition de Québec s’ouvre avec une énorme sculpture d’une de ses nymphes assise sur un taureau, nue, qui regarde la neige dehors et les gens qui entrent rapidement pour essayer d’échapper aux -20º. Une autre muse nous souhaite la seconde bienvenue, couchée, nue, en fumant une cigarette de bronze. Cette exposition, différente de celles de Venise et Paris —où les enfants peuvent grimper sur les fesses ou les têtes de ses sculptures— est gardée jalousement pour qu’on n’y touche pas. On peut admirer également une énorme main d’un peu plus de six pieds de haut. Les autres sculptures sont du format dans lequel l’auteur les a conçues en argile pour être reproduites à grande échelle en fonte. Les toiles sont réparties dans deux salons où l’on peut apprécier quelques-unes de ses œuvres classiques et d’autres, moins connues. Il y a également plusieurs dessins.

Le plus impressionnant de Botero est son idée géniale du grand format dans ses peintures. Faire face à une poire géante est une expérience qui peut ouvrir et couper l’appétit à n’importe qui. Il en est de même pour les gros gâteaux roses visités par une mouche occasionnelle pour lui donner une touche de réalisme et de comique.

Cet article a justement pour but de faire ressortir cet aspect comique qui va de pair avec une œuvre pesante et sérieuse. Il n’y a personne qui ne parle pas, en ce qui concerne Botero, de « ses grosses ». Lui insiste, corrige, réclame que ses figures ne sont pas grosses, mais qu’il faut voir son travail comme étant dédié à mettre en relief le volume des choses, des figures. Il a néanmoins accepté la publication de l’une de ses peintures, une famille, une huile de 1989, comme couverture du magasine Time (janvier 1995) qui traitait de la grosseur des États-uniens, sous le titre de « Girth of a nation » qui parodiait le titre d’un film de David Griffith « Birth of a nation ».

Grâce à son œuvre cohérente, Botero réussit à démystifier "la pratique" de la copie. Il soutient que toute variation apportée à n’importe quelle œuvre existante est une part de la création de l’être humain. Ainsi, on peut apprécier des variantes, à sa façon, de Ingres, Piero de la Francesca, Raphael et autres, sans oublier que quand il a exposé sa Gioconda au Moma, il a obtenu plus de visites que la vraie, exposée en même temps au Musée Métropolitain de New York. Avec cette exposition, il fut le seul ayant un style figuratif, qui a été accepté —à cette époque où la mode de l’abstraction s’était propagée partout— comme une véritable folie, jusqu’à la galerie "Nouveau de Porfirio Herrera".

Je sens que l’un des acquis importants de Botero est de pouvoir obtenir une réaction de son public, une réaction joyeuse et de rire. Un travail qui ne dit rien, qui laisse le public indifférent, passe rapidement à l’oubli. Un autre aspect de l’œuvre de Botero est qu’elle nous fait visiter son pays natal, la Colombie, avec ses présidents à cheval entre des bananiers, ses évêques qui se promènent avec un parasol, ses danses, sa violence, ses religieuses, ses saints et ses diables, ses trafiquants de drogue, ses gens simples de la rue… On note aussi son séjour en Espagne et les corridas ou massacres de taureaux et son parcours dans les grands musées qui lui ont sans doute donné une force extraordinaire pour réaliser sa gigantesque production.

Je ne crois pas aux classifications, mais en voyant le portrait de Picasso, de Courbet, de Giacometti, de Ludovico et de son épouse, je ne peux que penser à la caricature, à l’art de la caricature.

Je sentais qu’à mesure que je parcourais l’exposition je rajeunissais, même si c’était mon anniversaire. J’ai ri, partagé avec mon fils les idées de Botero. Mais le meilleur, et ce qui nous a le plus fait rire, ce sont les personnages qui venaient voir l’exposition. Cela se passait comme dans un film de Woody Allen, où les personnages sortent des toiles, prennent vie et se mêlent avec les spectateurs. On dirait que plusieurs personnes, toutes en volume, ont eu envie d’aller au musée, comme si elles avaient senti qu’on leur rendait un hommage. C’étaient des Boteros vivants !

Jose Mercader

Artiste d’orgine dominicaine, vivant à Québec.

Pour connaître d’autres caricatures, voir le site de Rebelion

Para leer a Mercader on line :
http://www.clavedigital.com/Firmas/Historial.asp?Id_ClassArticulista=88

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