Tiré de El Watan.
Les tensions entre l’Arabie Saoudite et le Maroc restent secondaires par rapport à ce changement majeur”, développe Sion Assidon* dans une interview recueillie par Hicham Mansouri** pour Orient XXI (Lettre du 8 auU 15 janvier 2021). Et il considère que pour Rabat, « la participation à la construction régionale d’un axe guerrier converge avec le développement de la coopération militaire avec les Etats-Unis ».
Et de signaler la signature, le 2 octobre 2020, d’un accord de coopération militaire entre Rabat et Washington « qui se traduira non seulement par des facilités pour le Maroc d’obtenir des armements, mais aussi par le soutien de Washington dans le développement d’une industrie locale d’armements ». « Et pour couronner cette collaboration, si ce qu’annoncent les médias se vérifie, les Etats-Unis délocaliseraient vers le Maroc une de leurs bases situées actuellement en Allemagne ».
… « Avec cet accord, les Etats-Unis ont fait entrer formellement le Maroc sous leur parapluie militaire, l’entraînant dans son sillage dans la lutte entre les blocs qui se développe autour de l’Afrique. Et tout cela donne au fond de l’air la couleur d’une rupture qualitative majeure qui se traduira par un engagement militaire systématique du Maroc dans les guerres de la région ».
« Changement de cap sans justification possible »
Par rapport à la Palestine, « le Maroc officiel ne cesse de répéter que rien n’a changé et qu’il continue de soutenir la cause palestinienne ». Et Sion Assidon de pointer le fond du problème : « Quel événement nouveau serait survenu qui justifie de tendre la main à l’occupant ? Ce dernier aurait-il manifesté l’intention de mettre en œuvre la résolution 194 de décembre 1948, qui prévoit le retour des réfugiés et la récupération de leurs biens ?
Aurait-il annoncé qu’il prévoit l’évacuation des territoires occupés en 1967, des hauteurs syriennes du Golan, de la Cisjordanie avec ses 700 000 colons dont l’installation est un crime de guerre (encore un) ? Ou qu’il renonçait à considérer Jérusalem comme la capitale de l’occupation ? Aurait-il signifié qu’il était question de lever le siège médiéval de Gaza ? Ou alors le glas sonnerait-t-il pour le régime d’apartheid, ce crime contre l’humanité que la Loi fondamentale de 2018 a institutionnalisé ? De ce côté-là, non seulement rien n’a changé, mais la violence contre le peuple palestinien ne cesse de monter. Tendre la main à l’occupant dans ces circonstances est bien une rupture majeure, un changement de cap du Maroc officiel sans justification possible ».
Concernant les juifs marocains résidant en Israël, le défenseur de la cause palestinienne considère que « la dernière mode est en effet de justifier l’ignominie de la normalisation par les liens historiques du Maroc avec les colons d’origine marocaine. C’est une erreur grave qui encourage le
racisme par la confusion entre judaïsme et sionisme.
Et cela n’effacera pas le double crime commis par les services sionistes avec la complicité du Maroc officiel d’avoir arraché de sa terre une partie du peuple marocain (les Marocains juifs) pour faire du jour au lendemain de la plupart de ces migrants des soldats sionistes de l’occupation. »
« S’aveugler en faisant semblant de ne pas voir cette transformation de Marocains juifs en occupants sionistes – comme si c’était la même chose – n’est pas innocent. C’est d’abord vouloir se laver du crime d’avoir contribué à l’organisation de leur migration. Et c’est vouloir présenter l’ignominie de la normalisation comme une simple récupération d’une partie des ‘‘sujets’’… qui se trouvent avoir été littéralement vendus à 50 dollars (41 euros) par personne par le précédent monarque. »
Paris
De notre bureau
*Défenseur de la cause palestinienne, membre fondateur du mouvement Boycott désinvestissement sanctions (BDS) Maroc, membre fondateur et ancien secrétaire général de Transparency-Maroc
**Journaliste marocain réfugié politique en France. Cofondateur de l’Association marocaine pour le journalisme d’investigation (AMJI)
***La Lettre du 8 au 15 janvier 2021 d’Orient XXI diffusée en français, arabe, anglais, persan et espagnol avec bientôt une nouvelle édition en italien.
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