Ottawa, 11 juillet 2019 – Aujourd’hui, les quatorze représentants de la société civile et des syndicats au sein du Groupe consultatif multipartite sur la conduite responsable des entreprises à l’étranger (organe consultatif du gouvernement) ont remis leur démission en bloc. La décision unanime de démissionner est due à l’érosion de la confiance des organisations de la société civile dans l’engagement du gouvernement en faveur de la responsabilité internationale des entreprises.
Les membres et les membres suppléants du Groupe consultatif démissionnaires représentent les organismes suivants : Above Ground ; Amnistie internationale Canada ; Association québécoise des organismes de coopération internationale ; Conseil canadien pour la coopération internationale ; Congrès du travail du Canada ; Réseau canadien sur la reddition de comptes des des entreprises ; Développement et Paix-Caritas Canada ; Inter Pares ; Mines Alerte Canada ; Syndicat des Métallurgistes unis et Vision mondiale Canada.
En janvier 2018, le gouvernement annonçait publiquement la création du poste d’Ombudsman canadien pour la responsabilité des entreprises (OCRE) et s’engageait à lui confier les outils nécessaires pour mener des enquêtes indépendantes crédibles, notamment le pouvoir de contraindre des documents et d’assigner des témoins. Cette annonce a été applaudie par la société civile et les organisations syndicales qui ont procédé à promouvoir l’OCRE auprès de leurs partenaires nationaux et internationaux. La décision du gouvernement, en avril 2019, de faire marche arrière et de simplement nommer un conseiller spécial auprès du ministre de la Diversification du commerce international, sans les pouvoirs d’enquête nécessaires, équivaut à une trahison de la confiance démontrée par la société civile et les organisations syndicales qui suscite une érosion de confiance et nous amène à craindre que le gouvernement n’a pas a agi de bonne foi lors des consultations sur cet enjeu.
La création d’un poste d’Ombudsman indépendant tel que promis a été gâchée par des retards répétés, sur plusieurs années. Les organisations ont continué d’attendre de nouveaux développements au cours des trois derniers mois, soit depuis l’annonce, le 8 avril 2019, de l’examen juridique indépendant portant sur les pouvoirs d’enquête de l’OCRE. Le ministre Carr a indiqué ce jour-là que l’examen serait terminé d’ici 4 à 5 semaines et rendu public peu de temps après. Trois mois plus tard, l’étude n’a pas été rendue publique, l’OCRE n’a toujours pas de pouvoirs significatifs pour servir les communautés et les travailleurs touchés, et il est devenu évident que le gouvernement n’entend pas accorder les pouvoirs d’enquête promis avant les prochaines élections fédérales.
Le gouvernement peut s’engager à adopter une loi prévoyant des pouvoirs d’enquête à l’avenir. La société civile demande au contraire au gouvernement de se prévaloir de la proposition crédible et bien étayée d’accorder dès à présent des pouvoirs d’enquête, via la Loi sur les enquêtes, comme mesure transitoire d’ici l’adoption d’une législation par le prochain gouvernement. L’examen juridique indépendant aurait déterminé que cette option était réalisable. Le refus d’opter pour cette mesure maintenant démontre tout simplement un manque de volonté politique pour remplir une promesse et prendre des mesures audacieuses pour faire respecter les droits de la personne.
Dans ce contexte, les organisations ont perdu confiance dans la capacité du Groupe consultatif à fonctionner comme prévu à l’origine et conformément au mandat convenu.
« C’est après avoir reçu l’assurance de l’indépendance et des pouvoirs d’enquête de l’OCRE que nous avons appuyé le gouvernement en janvier 2018 et que nous avons promu cette annonce aux niveaux national et international. En raison de ces engagements, il m’a fait plaisir d’assumer le rôle de vice-président du Groupe consultatif », a déclaré Alex Neve, secrétaire général d’Amnistie Internationale Canada. « La décision du gouvernement du Canada de revenir sur ces promesses, malgré les assurances constantes données à ce sujet au cours de la dernière année, m’a fait perdre confiance. Je ne suis plus en mesure d’assumer ce rôle. »
« Nos partenaires à travers le monde souffrent depuis trop longtemps de violations des droits de la personne liées aux entreprises canadiennes », a déclaré Emily Norgang, chercheuse principale au Congrès du travail du Canada. « Ils se sont réjouis des promesses du gouvernement en 2018, obtenues suite à une lutte acharnée et attendues depuis longtemps. Maintenant, on leur dit qu’ils doivent encore attendre ; peut-être qu’un bureau efficace pourrait voir le jour dans quelques années. C’est une manière inacceptable de répondre à de graves violations des droits de la personne. »
« Sans indépendance ni pouvoirs d’enquête, l’OCRE n’est rien d’autre qu’une promesse non tenue. Un OCRE impuissant ne servira pas les communautés touchées. En fait, il a toutes les caractéristiques des postes qui ont failli à la tâche et qu’il est censé remplacer. C’est comme donner une voiture à quelqu’un, mais leur dire que le réservoir d’essence ne sera pas installé avant deux ans », a déclaré Emily Dwyer, coordonnatrice du Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises. « Comment la société civile peut-elle avoir espoir que les discussions sur la réforme du droit et des politiques au sein du Groupe consultatif puissent être fructueuses lorsque le gouvernement se plie continuellement aux pressions de l’industrie et renie ses engagements concrets concernant l’Ombudsman ? »
Les membres du Groupe consultatif représentant la société civile et les organisations syndicales notent que la seule façon pour le gouvernement de rétablir la confiance consiste à remplacer le mandat de l’OCRE par un arrêté pris en vertu de la Loi sur les enquêtes, en tant que passerelle vers une législation du prochain gouvernement.
En se prévalant de la Loi sur les enquêtes dès maintenant, le gouvernement indiquerait à la société civile et aux communautés touchées du monde entier que ce poste peut être considéré comme crédible et que le gouvernement prend des mesures concrètes pour faire progresser les droits de la personne plutôt que de simplement envisager de le faire à l’avenir. La propre étude du gouvernement devrait confirmer que le gouvernement fédéral est légalement habilité à le faire.
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