I. Du déni climatique à la croissance verte - les stratégies de la bourgeoisie nous mènent au désastre
Malgré les avertissements des scientifiques, la bourgeoisie et ses gouvernements refusent de faire de la lutte aux changements climatiques une priorité. Pendant des décennies, les décideurs économiques et politiques ont refusé de reconnaître la réalité de la crise climatique. Aujourd’hui, face à l’évidence de la situation, ils reconnaissent les faits, mais il y voient de occasions d’affaires et d’investissements. Si certains secteurs de la classe capitaliste cherchent encore à gagner du temps et à se maintenir dans le déni, d’autres tentent de présenter les mécanismes du marché comme étant les meilleurs moyens de gérer la crise climatique et rejettent les mesures contraignantes avec la dernière énergie. Cette classe se présente maintenant comme les meilleurs dirigeants de cette lutte pourvu que cette dernière puisse être l’occasion d’engranger des profits importants.
Aujourd’hui Biden, Macron, et autres Legault s’engagent à parvenir à la carboneutralité d’ici à 2050. Ces « leaders » qualifient ces objectifs d’ambitieux. À son récent sommet sur les changements climatiques, Joe Biden n’avait aucune proposition pour contraindre les industries des combustibles fossiles à réduire leurs émissions de dioxyde carbone alors que ces entreprises ne cessent de faire des investissements énormes. Il dit bien qu’il va soutenir les industries des énergies renouvelables, mais il ne donne aucun calendrier pour ce faire. L’Europe se fixe des objectifs importants, mais la réduction des GES n’est pas à la hauteur des promesses faites. La perspective d’une croissance de l’économie capitaliste est encore au coeur de leurs objectifs : production de masse, consommation de masse, épuisement des ressources naturel, la logique capitaliste de la croissance verte domine encore sur toute la ligne.
Le gouvernement Trudeau irresponsable et manipulateur
Le premier ministre Trudeau réussit à parler de virage vert sans jamais remettre en question les subventions de son gouvernement à l’industrie pétrolière et gazière. Il soutient la construction de pipelines, car l’important pour lui c’est de permettre l’exportation du pétrole canadien sur les marchés internationaux. Par l’achat de Transmountain, le gouvernement libéral s’est mué en promoteur de l’expansion de la production de pétrole tiré des sables bitumineux. Le soutien direct à la hauteur 500 millions de dollars à la construction de gazoduc de Coastal Gazlink en est une récente illustration. En prenant au frais du gouvernement le nettoyage de 3500 puits orphelins en Alberta, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique, il a socialisé des dépenses qui devraient relever des industries de ce secteur. Il a également accordé de nombreux permis d’exploration pétrolière en haute mer à l’est de Terre-Neuve. Mais il se permet de jouer au premier ministre Vert. C’est un jeu facile alors que l’opposition conservatrice n’hésite pas à nier l’urgence de la situation.
Le gouvernement Legault – écoblanchiment((Fait, pour une entreprise ou un organisme, de se donner une image responsable à l’égard de l’environnement. )) au poste de commande
Le Plan pour une économie verte (PEV) expose essentiellement une série de mesures visant à accompagner et aider financièrement les entreprises afin de renforcer leur capacité concurrentielle avec publics vers les entreprises qui auront toute la liberté de décider d’implanter des transformations avec le soutien gouvernemental. L’économie « verte » de Legault va permettre le détournement de fonds vers leurs procédés de production. Aucune mesure contraignante n’est prévue par ce PEV pour favoriser la lutte aux changements climatiques.
Plus, on ne retrouve dans ce plan aucun engagement pour une véritable sortie d’une économie des hydrocarbures. Ce plan refuse explicitement les cibles proposées par le GIEC. Il reprend la cible du gouvernement Couillard d’une réduction de 37,5 de GES pour 2030 (et prévoit qu’avec le plan proposé il ne parviendra pas même à atteindre 50% de ces cibles. Ce plan ne fait aucune rupture avec l’économie de l’auto-solo. Cette priorité possède l’avantage de ne rien bousculer et conduira à un nouvel élargissement et à la diversification du parc automobile avec le maintien des problèmes de congestion et d’étalement urbain à la clé. C’est une véritable manne gouvernementale aux grands de l’automobile pour faciliter leur conversion et pour le gonflement de leurs ventes. C’est une relance de la croissance et de l’exploitation des ressources de la planète à l’heure d’une nécessaire diminution de l’exploitation de ces ressources. Car on peut s’attendre au maintien par ces entreprises de la pratique de l’obsolescence planifiée et d’une publicité tonitruante pour élargir leur marché. Les propositions sur le transports des marchandises s’appuie sur l’électrification des flottes de camions alors que l’utilisation des chemins de fer serait la seule véritable solution écologique.
La détermination des procédés pour faire face au réchauffement climatique et à la pollution est laissée aux entreprises privées sous l’aile protectrice et généreuse du gouvernement. On voit ici comme ailleurs, en ces temps de néolibéralisme, comment de telles stratégies aboutissent à rater les cibles que ces entreprises et leurs gouvernements se sont fixés. La crise du logement et la production de logements coûteux montrent bien à quels choix peuvent être amenées à faire des entreprises uniquement guidées par la logique du marché.
Le PEV semble incapable de voir au-delà de la réduction du gaspillage et d’une meilleure gestion des matières résiduelles. Une agriculture d’élevage intensif centrée sur l’exportation et la production carnée n’est pas contestée. Pourtant, elle est responsable « de 9,8% des émissions de gaz à effet de serre du Québec en 2017 (4e secteur émetteur) ». Le PEV vise à protéger un modèle agricole dévastateur sur le plan écologique et social.
Que le gouvernement soutienne l’utilisation du gaz naturel comme énergie de remplacement, qu’il donne la priorité à des investissements dans les infrastructures autoroutières (donc 10 milliards pour le seul projet du 3e lien dans la région de Québec) démontre à quel point on ne doit lui faire aucune confiance dans la lutte aux changements climatiques. Il est un adversaire dans cette lutte et ce n’est pas un dialogue social qui y changera quelque chose.
II. Les différentes orientations stratégiques dans la lutte aux changements climatiques
La stratégie de la croissance verte (ou du capitalisme vert)
Les bourgeoisies et les partis à son service ont réussi à construire des alliances derrière leur perspective de capitalisme vert. Il y aurait même un « momentum mondial pour une relance solidaire, prospère et verte » soutient le G15+ qui serait la démonstration d’un mouvement d’ensemble dans la lutte aux changements climatiques. [1]
Les postulats qui fondent leur action peuvent être résumés ainsi : la crise climatique est une occasion économique à saisir. Il faut mobiliser les capitaux pour investir dans les énergies renouvelables. L’économie québécoise doit prendre le tournant vert qui lui permettra de répondre aux besoins mondiaux de décarbonisation. Les gouvernements doivent aider les entreprises à prendre ce tournant.
Les revendications de la coalition G15+ sont complètement en phase avec le Plan pour une Économie Verte : a) faire de la croissance verte une priorité et multiplier pour ce faire les occasions d’investissements rentables ; b) utiliser les impôts ou les taxes de la population pour aider les entreprises à passer à des technologies vertes et développer leurs capacités concurrentielles sur le marché mondial ; c) définir une énergie fossile comme le gaz naturel comme une énergie de transition et accepter la perspective du mixte énergétique ; d) inscrire l’action gouvernementale dans une logique de croissance verte combinant réindustrialisation pour certains biens stratégiques et expansion des exportations sur le marché international ; e) viser une souveraineté alimentaire, mais sans remettre en question une industrie agro-exportatrice centrée sur la production carnée et utilisant des entrants (comme les pesticides) dévastateurs sur le plan écologique.
Les directions syndicales, hormis leurs demandes concernant la transition juste, s’inscrivent dans la même orientation. [2]. Si le document des centrales demande des contreparties environnementales, la relance passe par le soutien gouvernemental aux entreprises québécoises. Les fondements de la crise climatique dans le fonctionnement même du capitalisme sont tout bonnement ignorés.
Les plans de la transition écologique produits par des acteurs de la société civile refusent de poser la perspective du dépassement du capitalisme
Que ce soit le plan proposé par le Front commun pour la transition énergique intitulée Québec Zén zéro émission nette ou les 101 idées pour la Relance du Pacte pour la transition ces plans avancent des revendications aux gouvernements pour les appeler de la parole aux actes.
Mais ces plans reprennent les mêmes thèmes, une loi et un budget carbone pour contraindre les gouvernements et les municipalités à s’assurer la diminution des émissions des gaz à effet de serre ; le passage vers les énergies renouvelables, la réduction des déplacements, la préférence au transport public, la réduction de l’utilisation de l’automobile individuelle, l’élimination des GES en industrie, la promotion de l’agroécologie et de l’agriculture de proximité dans une perspective de souveraineté alimentaire, la fin du chauffage utilisant des énergies fossiles et la rénovation durable des bâtiments. Pour ce qui est de la gestion des déchets, on souhaite, la réduction de l’enfouissement, la réduction du gaspillage, et le zéro déchet. Pour protéger la biodiversité, on souhaite protéger les milieux naturels. Enfin, la pandémie récente a sans doute poussé à placer les milieux de la santé et de l’éducation au coeur de la transition et à poser la nécessité de produire local pour répondre à des besoins essentiels, particulièrement en matière de santé. Les plans n’oublient pas d’esquisser des pistes sur les sommes importantes qui devront être investies pour parvenir à réaliser les propositions avancées.
Les plans de transition n’offrent aucune analyse sur le fait que les gouvernements en place refusent depuis des décennies de prendre des mesures nécessaires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et pour nous sortir des énergies fossiles. Le plan du FCTE parle bien de « l’influence excessive de la haute finance, et de la grande industrie sur les États, les accords de libre-échange qui empêchent les États de mettre en œuvre des politiques environnementales contraignantes et le problème chronique et de l’évasion fiscale qui les privent de ressources financières substantielles. »[ [Québec Zen, zéro émission nette, page 20]], mais cela n’empêche pas les plans d’appeler à la nécessité d’un dialogue social et à la mise en place d’un plan d’action gouvernemental au niveau du Québec comme du Canada.
Au lieu de poser dans le cadre de la lutte et des affrontements prévisibles avec les forces capitalistes et ses alliés politiques et de hiérarchiser les objectifs pour parvenir à mobiliser le plus largement possible la majorité populaire, on place l’action gouvernementale au centre et on invite à une concertation sociale au niveau national comme au niveau régional de tous les décideurs : représentants des citoyens, des entrepreneurs, des employeurs, des syndicats, des acteurs de l’économie sociale et des groupes communautaires. C’est comme si un intérêt collectif s’était déjà imposé largement au-dessus et au-delà des intérêts privés de la classe dominante et que la transition pouvait se produire sans conflit de manière progressive, dans une optique de bien commun. Il suffirait comme le propose le texte le plan 101 idées pour la relance de créer des institutions comme un « Conseil national pour la transition », des « chantiers régionaux pour la transition » et un super fonds pour la transition » pour pouvoir le mettre à l’oeuvre. Le moment des luttes, des affrontements et des ruptures est escamoté de la réflexion tout comme le moment de la lutte politique pour que la majorité populaire puisse assurer sa souveraineté politique sur les grandes décisions économiques et environnementales.
III. L’urgence climatique pose la nécessité d’une stratégie écosocialiste
La rupture anticapitaliste passe par une démocratie économique véritable
Une stratégie de lutte aux changements climatiques, à l’effondrement de la biodiversité et à la généralisation de la pollution ne peut écarter l’analyse des fondements systémiques (capitalistes) de la crise climatique. Seule une telle analyse nous permet de préciser les obstacles qui seront rencontrés, les adversaires irréductibles que nous devrons affronter, les alliances que nous devrons nouer et les solutions à avancer pour être à la hauteur de l’enjeu d’une transition véritable.
Seule une démocratie économique où la majorité populaire pourrait faire les choix essentiels sur les productions (types, quantités, techniques) et les formes de la consommation essentielles permettra l’élaboration démocratique d’un plan de transition. Mais pour s’orienter vers cette véritable démocratie économique, on ne peut écarter la question des rapports de propriété des moyens de production.
Des revendications porteuses d’une rupture écosocialiste avec les politiques actuelles
Pour favoriser ces mobilisations à la base, il faut mettre de l’avant des revendications qui répondent aux besoins déjà ressentis par la majorité populaire et qui portent en elles la possibilité de rupture avec le système capitaliste lui-même. Voici des revendications qui ont une véritable portée transitoire, soit de rupture avec le capitalisme :
- Réduire le temps de travail sans baisse des salaires pour créer des emplois, et engager une véritable décroissance.
- Établir pour ce faire un calendrier précis pour mettre fin à l’extraction du pétrole et du gaz et organiser des mobilisations de blocage des projets extractivistes ; exiger la fin immédiate des subventions aux entreprises produisant des énergies fossiles et planifier le passage aux énergies renouvelables par la socialisation (coopératives – entreprises publiques autogérées) de l’ensemble des entreprises de ce secteur ;
- Diminuer l’usage de la voiture, développer des transports en commun, et assurer la gratuité des transports en commun gérés par un service public unifié ;
- Faire des infrastructures ferroviaires des biens communs, vecteur principal du transport des marchandises et socialiser les entreprises existantes dans ce but ;
- initier des travaux publics pour faire des habitations économes en énergies et pour la construction de logements sociaux répondant à ces normes d’économie d’énergie ;
- Refuser le gaspillage, interdire l’obsolescence planifiée et exiger des produits réparables et recyclables ;
- Arrêter la production de secteurs entiers, au premier rang desquels l’industrie d’armement, la publicité et l’industrie du luxe, nuisibles socialement et nocifs pour l’environnement et mise en route de chantiers de reconversion industrielle pour imposer la réduction obligatoire de productions inutiles (armements, voitures thermiques) ;
- Développer une agriculture agroécologique qui lutte contre le réchauffement climatique et interdire des intrants chimiques (engrais, pesticides, herbicides, fongicides et OGM…). ;
Compter sur des mobilisations de la base et la perspective d’un gouvernement solidaire
C’est dans la mesure où les initiatives de luttes se seront multipliées sur différents axes et qu’un tissu d’organisations environnementales sur ces enjeux aura été créé dans la population qu’une alternative politique pourra s’imposer, gagner un soutien majoritaire et sera capable d’adopter des lois exprimant cette volonté de défendre notre environnement et de faire face à la crise climatique.
La lutte pour la transition écologique et économique ne passera donc pas à côté de la lutte de classe visant la mise en place de nouvelles formes de production, de nouveaux types de consommation, d’une réelle redistribution de la richesse et la reconnaissance de communs.
Qu’un plan de transition solidaire et démocratique soit à la fois un plan d’action visant la mobilisation populaire et un plan d’initiatives d’un gouvernement solidaire visant la planification démocratique véritable.
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