Édition du 19 novembre 2024

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Laïcité

Débat sur la laïcité, une troisième voie ?

Les membres de Québec Solidaire débattent depuis quelques semaines de la question du port des signes religieux par le personnel de l’État. S’il y a au moins trois positions différentes dans le parti, deux options seulement sont proposées au vote des délégués du prochain Conseil national du mois de mars.

Les partisans de l’option A souhaitent que la position défendue par Québec Solidaire depuis 2013 et qui consiste à se rallier à la recommandation de la Commission Bouchard-Taylor sur les signes religieux, soit l’interdiction de leur port pour les juges, les procureures et procureurs de la Couronne, les policières et policiers, les gardiennes et gardiens de prison, ainsi que pour la présidence et les vice-présidences de l’Assemblée nationale.

Pour les partisans de l’option B, qui s’appuient sur l’interprétation du programme du parti, aucune règle particulière sur les signes religieux ne devrait s’appliquer « à certaines professions plutôt qu’à d’autres, incluant celles qui exercent un pouvoir de coercition ».

Le débat a déjà commencé et il faut espérer qu’il se déroule dans les meilleures conditions possibles. Certaines déclarations et publications sur les réseaux sociaux montrent que ce n’est pas toujours dans la sérénité que les échanges sont menés.

Les différentes positions sont respectables, y compris celles qui ne figurent pas parmi les options proposées au vote des membres comme celles des partisans d’une « laïcité authentique » portée par le Collectif laïcité. Elles méritent toutes d’être entendues et c’est aux membres de trancher. Même si la décision qui sera prise ne sera peut-être pas sans conséquences.

Quels sont les risques ? D’un côté, Québec Solidaire risque de perdre des électeurs (beaucoup d’électeurs ?) parmi la majorité francophone s’il vote en faveur de l’option B et, de l’autre, il risque de perdre des membres, notamment parmi ceux et celles qui sont issus des minorités et qui ne sont déjà pas si nombreux dans le parti.

Que faire pour décider de la position la plus juste et la moins dommageable pour le parti ?

Jetons d’abord un coup d’œil sur les deux options et examinons leurs forces et leurs faiblesses. Nous pourrons ensuite faire des propositions.

Forces de l’option A

L’adoption de l’option A enverrait le message que Québec Solidaire est à l’écoute de la population (francophone) inquiète de l’impact des changements socio-démographiques et culturels que connait la société québécoise. Le Québec change en effet avec l’arrivée de centaines de milliers de nouveaux citoyennes et citoyennes. Si Québec Solidaire doit continuer à souligner l’apport positif des Néoquébécoises et des Néoquébécois, il ne doit pas ignorer les craintes et les interrogations d’une partie de la population au sujet notamment de la place de la religion dans la société ou de l’égalité Hommes-femmes. Il y a un besoin de rassurer.

Pour justifier les propositions d’interdictions limitées, l’argument de l’uniforme des policiers peut légitimement être invoqué. En effet, si on a l’obligation de porter un uniforme, cela signifie que des contraintes vestimentaires peuvent être imposées sans appréhender de réactions scandalisées. Il faut savoir que dans plusieurs pays musulmans, - y compris là où une majorité de femmes sont voilées -, le port du foulard n’est pas autorisé pour les policières. On peut également invoquer le devoir de réserve pour les juges.

Faiblesses de l’option A

Avec l’adoption de l’option A, il serait difficile de distinguer la position de QS avec celle de la CAQ, c’est-à-dire de montrer sa légitimité morale pendant que QS sortira dans la rue pour dénoncer la stigmatisation des enseignantes voilées visées par le projet du gouvernement de la CAQ. Le parti de M. Legault, rétorquerait - qu’Il y a autant (sinon plus) de « raisons » d’être mal à l’aise de voir une enseignante de l’école primaire avec un foulard, pour quelqu’un qui en aurait déjà envers une policière portant un foulard.

Ce qui risque de se produire avec le vote en faveur de cette option, c’est que les partisans interdictions incluant les enseignants (et même les éducatrices pour le PQ) reprocheront à QS le fait qu’il ne soit pas allé loin – un coup d’épée dans l’eau - pendant que certains « inclusifs » le confondront avec la CAQ.

Force de l’option B

L’option B ne fait pas dans la demi-mesure, cela peut être un avantage dans certains cas. Vis-à-vis des minorités culturelles et religieuses qui ne manqueront pas d’être stigmatisées dans les prochains mois, ça permet de présenter une « offre » au moins équivalente à celle des libéraux, qui aiment se présenter comme les seuls représentants de ces minorités.

Problèmes de l’option B

Il faut d’emblée souligner que certains de ses partisans confondent la discrimination envers certains membres des minorités (Ceux et celles qui portent des signes religieux) avec la discrimination envers les minorités, en entier. Toutes les femmes musulmanes ne portent pas de foulard et toutes les juifs ne mettent pas de kippa.

Cela ne signifie évidemment pas que des discriminations envers les minorités n’existent pas au Québec. Elles sont une réalité et Québec Solidaire doit les combattre, mais le fait est qu’elles n’ont pas besoin de signes religieux pour qu’elles soient pratiquées.

Les partisans à l’option B appellent à l’inclusion – C’est leur crédo -, y compris à accepter, du moins pour plusieurs d’entre eux, le Niqab dans la fonction publique alors que le port du voile intégral est en soi une façon de se tenir à l’écart. Comment peut-on porter le voile intégral et aspirer, comme enseignante par exemple, à apprendre à des enfants de 6 ans, à socialiser ou à communiquer ?

Enfin, l’autre problème de l’option B est que c’est qu’elle ne « parle » pas à la majorité francophone. Ses partisans semblent négliger les inquiétudes d’une partie importante de la population.

Une troisième voie ?

La CAQ est majoritaire et a la possibilité de voter son projet de loi tel quel. Quel rôle pour QS ? Faire comme les libéraux en jouant la carte « Aucune interdiction » et en prenant le risque de s’isoler de la majorité francophone ? Jouer la carte « Bouchard-Taylor » en faisant le pari que cela lui permettrait de garder un pied chez la majorité francophone et un autre chez les minorités tout en courant le risque d’être marginalisé dans un Québec qui continuera d’être polarisé ?

Les recommandations de la Commission Bouchard-Taylor ne sont pas les propositions de Québec Solidaire. Elles ne lui appartiennent pas. En fin de compte, ne faudrait-il pas mieux que Québec Solidaire garde ses positions définies dans son programme, à savoir que c’est l’état qui doit être laïque et non pas les individus, tout en se montrant disposé à rechercher une entente sans partisannerie, comme l’avait fait l’Assemblée nationale du Québec, en 2014, pour la loi 52 « Mourir dans la dignité » ? Une sorte de compromis autour de l’ensemble des recommandations de la commission Bouchard-Taylor qui engagerait l’ensemble des partis. S’agissant du port du visage couvert, Québec Solidaire devrait défendre son interdiction pour tout agent dispensant directement des services à la population.

Rabah Moulla

Propositions de modification

Bloc 1
Option A (modifiée)
Advenant que les partis expriment leur disposition à clore plus de douze années de débats et de déchirures qui ont secoué le Québec sur les questions de la laïcité et du Vivre ensemble.
Advenant que le gouvernement s’engage à mettre en œuvre l’ensemble des recommandations de la Commission Bouchard-Taylor.
Que Québec Solidaire accepte que le port des signes religieux soit interdit aux magistrats et procureurs de la Couronne, aux policiers, aux gardiens de prison, aux présidents et vice-présidents de l’Assemblée nationale.

Bloc 2
2.1 (modifiée)
Le port de vêtements couvrant le visage est interdit pour les fonctionnaires ou personnes employées de l’État lorsque ces personnes dispensent directement et en personne des services à la population OU lorsque ces vêtements contreviennent à un des quatre critères énoncés à l’article 7.5.2 du programme de Québec solidaire (prosélytisme, devoir de réserve, exercice de la profession ou norme de sécurité).

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