16 juin 2022 | tiré de Révolution permanente | Photo : Une mobilisation contre l’inflation et les politiques de privatisations du président Lasso
Depuis 2021, en Équateur, le litre d’essence est passé de 2,21 à 4,86 dollars le litre. Cette hausse du prix du carburant, qui touche durement les travailleurs et les classes populaires déjà durement touchés par un chômage massif depuis la pandémie, a mis le feu aux poudres. A cela s’ajoute la volonté du gouvernement de Guillermo Lasso de privatiser des concessions minières dans les territoires indigènes, dont les populations vivent sous le coup d’une dégradation permanente de leur niveau de vie.
La mobilisation a eu lieu par des rassemblements, des piquets de grèves, mais surtout par des barrages ainsi que des barricades dans « au moins 11 des 24 provinces du pays » selon les informations gouvernementales. Ces barrages ont réussi à bloquer une partie des accès à la capitale, Quito. La mobilisation a aussi impacté un blocage de puits de pétrole qui touche directement le portefeuille de la compagnie chinoise Petro Oriental qui a perdu 1,400 barils brut par jours dans la province d’Orelanna rapporte le journal La Croix.
Le gouvernement de Lasso ayant récemment essayé de projeter l’image d’une figure "démocratique" "disposée à écouter", à se mettre autour de la table des négociations, la CONAIE avait attendu et joué le jeu des négociations avant d’appeler à la grève et à la mobilisation. Lasso n’a évidemment pas concédé un pouce des revendications. Or, à la veille de la manifestation nationale, il a immédiatement annoncé qu’il appliquerait une main de fer et utiliserait la répression, et ne permettrait pas la fermeture des routes, ni la saisie des puits de pétrole ou de tout service public. « Des actions qui sont interdites par la constitution et la loi », a déclaré Lasso sur un ton arrogant et menaçant avant les journées de mobilisation. Dans les premières heures de mardi, le leader de la CONAIE, Leonidas Iza, a été arrêté et détenu dans un lieu inconnu pendant plus de 10 heures.
Face aux risques d’explosion de suite à cette arrestation, le gouvernement à décider de se rétracter et de relâcher Iza mercredi qui sera traîné devant un tribunal en juillet. Une fois libéré, les militants de la CONAIE se sont rassemblés en vue de la poursuite de la mobilisation et ont rappelé leurs revendications :
– Réduction et arrêts de l’augmentation des prix du carburant.
– Contre les extractions minières et la privatisation de l’eau.
– Non à la privatisation des secteurs stratégiques.
– Une mise en place de politique de contrôle des prix et contre la spéculation des marchés financiers.
Le régime renforce ses moyens de répression dans un contexte de paupérisation générale
L’agitation en Équateur n’est pas temporaire, c’est un malaise profond, qui confronte non seulement le gouvernement, mais l’ensemble du pouvoir politique et économique du pays, le souvenir latent des journées d’octobre 2019, qui ont mis dans les cordes l’anti-populaire Lenin Moreno et limité les plans d’ajustement du FMI. C’est sur demande du FMI que le gouvernement Lasso cherche à « libéraliser » le prix de l’essence. Ordre du FMI toujours, appliqué par Moreno puis Lasso, de privatiser desressources comme les concessions minières mais aussi des secteurs stratégiques comme le pétrole, les routes ou encore la Banco del Pacifico, une des principales banques en ligne du pays.
La situation actuelle puise également ses racines dans la situation née de la pandémie. Le gouvernement Moreno a directement fait retomber les conséquences de la pandémie sur le peuple indigène, les travailleurs et les classes populaires. Cela a créé un chômage de masse, une précarisation des contrats salariaux. Comme l’explique Felipe, militant de la revue « Revista Crisis » à LaIzquierda Diario, près de 70 % de la population est contrainte au travail informel, au chômage partiel ou au chômage tout court.
Enfin, ces mobilisations ont lieu sur fond de renforcement policier de l’État équatorien. Avec l’appui de l’impérialisme américain qui a défini l’Équateur comme un de ses partenaires stratégiques dans la région, le gouvernement développe tous les jours une politique plus répressive vis-à-vis des classes populaires. L’appui nord-américain s’incarne par l’ingérence dans la lutte contre le narco-trafic, par une aide en matière logistique, d’équipement mais aussi par des formations sur le maintien de l’ordre et la répression, où les puissances impérialistes ne sont jamais avares pour partager leur solide expérience dans les pays de leur pré carré.
A côté des coupes budgétaires et des politiques anti-sociales, le gouvernement Lasso va allouer plus d’un milliard de dollars à la Police Nationale et engager 30.000 nouveaux policiers. Felipe poursuit auprès des militants de La Izquierda Diario : « l’approbation de la loi sur l’usage légitime de la force par l’Assemblée nationale le 9 juin crée un précédent inquiétant en ce qui concerne l’impunité des agents de police et des militaires dans l’usage de la force meurtrière. Cette loi réglemente explicitement l’utilisation des armes à feu dans le cadre de manifestations sociales et habilite les forces armées à intervenir en matière de sécurité intérieure sans qu’il soit nécessaire de décréter l’état d’urgence. Le flou du cadre juridique laisse une grande marge d’interprétation, permettant à chaque agent répressif d’évaluer un contexte de menace et d’agir selon son appréciation personnelle, ouvrant la voie à la systématisation des violations systématiques des droits de l’homme, et permettant à la police nationale et à l’armée d’être juge et bourreau à leur convenance en toute impunité. »
Pour justifier ces loi criminelle envers notre classe, le gouvernement Lasso et les médias de la bourgeoise équatorienne mènent une campagne sur la sécurité et cherchent à assimiler les mobilisations récentes à des actes terroristes. Le gouvernement s’appuie sur l’augmentation de la criminalité dans le pays, notamment liée au narco-trafic, dont les liaisons se croisent avec celles des appareils politiques et policiers. Une campagne qui cherche à masquer les véritables raisons de la montée de la criminalité qui n’est dû à la politique anti-sociale du gouvernement. La crise sociale qui touche le pays n’est rien d’autres qu’un symptôme de ses politiques qui ne pourront se résoudre que par une convergence des travailleurs, la jeunesse, du peuple indigène et des classes populaires.
Les travailleurs, la population indigène et les classes populaires sont disposés à lutter comme ils l’ont montré en 2019 et comme ils le font aujourd’hui. La situation actuelle qui touche l’Équateur est une illustration des dangers qui menacent les peuples et la classe ouvrière à échelle internationale face à une vague inflationniste et de spéculative mondiale.
Cette mobilisation n’est qu’un premier coup de semonce face aux capitalistes qui plongent notre classe dans la misère. Dans les pays dominés par l’impérialisme, dont la domination va se faire plus brutale à mesure que s’approfondissent les éléments de crise économique et politique, les classes populaires ne supporteront pas longtemps la misère qu’on leur promet. Comme au Sri Lanka, c’est la perspective de révoltes d’ampleur qui se profile à l’horizon.
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