Le dilemme des porte-parole les portant à tordre le bâton est compréhensible. D’instinct ou de raison, la direction du parti cherche à contourner à la fois le piège de la « bonne gouvernance » à la PQ de la période de transition et à dépasser la stratégie purement constitutionnelle, sans volet de mobilisation sociale, de la Constituante-référendum-proclamation dès le premier mandat qui mène à un brutal interventionnisme à la mode espagnole.
Qui n’a pas compris que les leçons que les fédéralistes ont tirées du référendum de 1995 gagné par la peau des dents, annoncent non pas un scénario écossais pour le prochain référendum mais un scénario catalan. D’autant plus que les fédéralistes n’ont pas hésité à employer l’armée sur le territoire québécois en 1970 et en 1990 pour résoudre manu militari des conflits nationaux. L’air de rien, la nouvelle stratégie de la rupture déplace le moment stratégique vers l’élection d’un gouvernement Solidaire laquelle élection devient de facto quasi-référendaire quoiqu’en dise le député de Jean-Lesage et dirigeant d’ON.
Le problème est que cette nouvelle stratégie de la rupture, si elle ne se situe pas dans le vieux moule suicidaire de la contradiction entre respect de la continuité constitutionnelle et rupture indépendantiste à laquelle Québec solidaire vient de renoncer — ce qui m’a amené à voter en sa faveur lors du dernier congrès — est transposée dans le nouveau moule de la seule rupture constitutionnelle découplée de la rupture socio-économique et socioécologique. Cette contradiction plus fondamentale est d’autant plus évidente que le congrès Solidaire a contrebalancé la radicalité indépendantiste par un tournant à droite écologique, en optant pour la régressive écofiscalité, et nationaliste, en optant pour une armée régulière, même uniquement défensive et hybride.
Cette contradiction béante dans le projet de société Solidaire entre le pôle national-constitutionnel radical et le pôle socio-écologique lesté de capitalisme vert expose le parti et par là toute la société québécoise à une défaite cuisante dès avant l’élection ou après, à la Syriza, s’il franchit le premier obstacle d’acquérir la majorité parlementaire. Le scénario catalan, chassé par la porte, revient par la fenêtre.
C’est dans ce no man’s land stratégique que le congrès a abandonné le parti. Gagner une élection quasiréférendaire, ce vers quoi tendrait de toute façon un mode de scrutin proportionnel vers lequel s’achemine clopin-clopant le Québec, suppose une super mobilisation prolongée à la hauteur de celles de l’Algérie, du Liban, etc. en passant par Hong Kong et le Chili. Et même plus jusqu’à la grève politique appelée sociale au Québec. On pourrait dire une combinaison de la révolution démocratique-nationale de 1837-38 avec la grève générale socio-économique de 1972.
Ça ne se décrète pas, ça arrive. Le parti, grâce à son nouvel ascendant, pourrait certainement hâter sa venue en radicalisant le pilier socio-économique de son projet de société par la promotion d’une société éco-féministe et éco-autochtone de « prendre soin » des gens — ce à quoi contribuerait un Front commun du secteur public — et de la terre-mère soit en imposant et en expropriant les hauteurs stratégiques du capital au lieu d’assommer les gens à coups d’écofiscalité inefficace et régressive et ainsi les aliéner face à lutte climatique.
La rupture indépendantiste comme parade du centrisme écologique et du verticalisme organisationnel
Pourquoi en effet pousser cette stratégie de la rupture ? Pour le Collectif Option nationale, cette stratégie découle de son indépendantisme « purzédur ». Ce collectif constatait que le PQ, par son tournant identitaire reniant l’indépendance, était au bout du rouleau de sa stratégie interclasse « ni gauche ni droite mais en avant » qui ne fonctionnait plus dans un monde se polarisant économiquement comme politiquement suite à 40 ans de néolibéralisme. Pour se sortir de la marge où le maintenait son manque de crédibilité socio-écologique, ON rallia Québec solidaire qui non seulement lui procurait ce qui lui manquait mais qui, lui-même, avait besoin d’une bonne dose de crédibilité indépendantiste à force de s’enliser dans une stratégie de Constituante dite « ouverte » laquelle stratégie était contradictoire, pour la plus grande joie du PQ, vis-à-vis son officiel parti-pris indépendantiste.
Il n’en reste pas moins que le relatif récent succès électoral des Solidaires doit peu au ralliement d’ON au parti. Il fut la résultante d’une société polarisée rejetant les traditionnels partis centristes (Libéraux, PQ) en faveur des parties « extrémistes » (CAQ, Québec solidaire) mais si peu à la mode consensuelle d’un peuple opprimé dans le contexte d’un État nanti et solide du G7 dans lequel son élite est partie prenante. Sans compter l’effet adoucissant d’une bonne conjoncture économique nord-américaine qui dure... mais qui ne durera pas toujours. En plus, la campagne électorale mettait en évidence des points saillants pas du tout liés à la question nationale.
Le relatif succès électoral du parti renforce l’emprise du parti parlementaire sur le parti militant. Cette domination a été démontré lors du dernier congrès où le premier a gagné ses propositions centristes (écofiscalité, armée) et verticaliste (centralisation statutaire) haut la main malgré sa défaite pour empêcher la mise sur pied immédiate de la Commission nationale autochtone (CNA). Cette domination a ensuite été confirmée par sa mainmise sur l’élection complémentaire dans la circonscription de Jean-Talon y compris une thématique très interclasse (opposition au troisième lien autoroutier sur le St-Laurent à Québec, protection du patrimoine). Heureusement, le parti parlementaire a perdu, en plus de la bataille de la CNA, celle de la candidature imposée d’un homme d’affaires issu d’un parti municipal de droite dans Jean-Talon. Mais il a fallu que la base y mette le paquet.
Ce recentrage électoraliste du discours socio-écologiste du parti sur fond de centralisation organisationnelle que confirme la campagne Ultimatum 2020, dirigée centralement de A à Z, appelle un ré-équilibrage de radicalisation de la question nationale afin que la marque de commerce du parti reste d’apparence radicale. Il s’agit d’apaiser, sans la satisfaire, la militance anticapitaliste et antilibérale du parti et du même coup de se substituer au PQ une fois pour toutes comme leader du camp indépendantiste afin de rallier et consolider l’électorat indépendantiste.
La tactique du grand écart possède trois avantages fragiles, temporaires et contradictoires
Cette tactique du grand écart permet de plus aux Solidaires d’apparaître hors Québec comme un parti radical à la manière des deux partis catalans centre-droit et centre-gauche qui dirigent en compétition le camp indépendantiste ou encore du SNP écossais. (Les partis anticapitalistes invités aux deux derniers congrès, CUP catalane et DSA étasunienne, sont à cet égard d’habiles manœuvres pour confondre les congressistes mais sans conséquences politiques tellement leurs discours sont aux antipodes de celui de la direction Solidaire.)
Cette tactique de naviguer entre question socialo-écologiste recentrée et question nationale radicalisée a cependant l’inconvénient de laisser en plan la jeunesse qui cherche plutôt une radicalisation du côté de la lutte climatique et qui se désintéresse de la question nationale à moins qu’elle soit liée à la radicalisation écologique. Mais pour l’instant, cette jeunesse s’en tient à une appréhension dénonciatrice sans s’attarder à l’alternative, ce qu’illustre le discours de Greta Thunberg certes percutant mais sans jusqu’ici de proposition alternative autre que laisser les hydrocarbures dans le sol et de stopper les soutiens fiscaux à cette industrie.
Cette tactique laisse aussi en plan le peuple-travailleur écrasé par l’austérité, la pauvreté et les inégalités ce qui le fait pencher du côté de la radicalisation sociale. Pour l’instant cependant, la CAQ, profitant des surplus budgétaires apporte un soulagement de l’austérité sans effacer les coupes des Libéraux. Ce faisant, la CAQ dame le pion aux syndicats qui pour la prochaine ronde des négociations du secteur public, la grande affaire du mandat caquiste visant à infliger une défaite stratégique au peuple travailleur, n’en ont que pour la question salariale si pertinente soit-elle. Faut-il s’étonner des piètres résultats électoraux dans Jean-Talon et des mauvais sondages ? Pendant ce temps, le Plan de transition capitaliste vert ne s’articule ni avec l’indépendance ni avec la lutte contre l’austérité dans les services publics.
Le nationalisme identitaire, pour le dire poliment, pénètre en catimini la direction Solidaire
Pour savoir si on peut tirer une politique pro-active de la direction nationale du parti vis-à-vis la grande lutte du secteur public qui s’amorce, il faut secouer l’arbre. Autrement ce sera la routine parlementaire qui s’imposera. Le Réseau intersyndical du parti, s’il était doté d’un bon rapport de forces comme celui du Collectif anti-raciste et anti-colonial qui, en mobilisant tant les instances locales qu’en alertant la presse, a obligé la direction du parti à constituer la CNA, serait en mesure de faire pression avec succès dans ce sens. On peut faire l’hypothèse que si ce Collectif a su tenir son bout et foncer, c’est qu’il n’est pas contaminé par le nationalisme identitaire et que si la direction du parti lui a résisté c’est qu’elle l’est... et que la base du parti résiste jusqu’ici avec succès à cette gangrène.
Cette crispation de la direction du parti concernant la CNA est la suite d’une série de glissements, depuis le relatif succès électoral de 2018, d’une poussée nationaliste identitaire lequel n’a rien à voir avec le nationalisme progressiste anti-fédéraliste en réaction à l’oppression nationale. Ce nationalisme identitaire, pour le dire poliment, s’amplifie au fur et à mesure de son approfondissement dans la société québécoise sous la gouverne du gouvernement caquiste ayant imposé une loi anti-voile dans le monde de l’enseignement, une ubérisation de l’industrie du taxi aux dépens des chauffeurs majoritairement racisés et une politique d’immigration restrictive (https://www.ledevoir.com/opinion/idees/571472/le-nationalisme-de-legault-nuit-au-quebec).
La direction n’est-elle pas en mesure de comprendre qu’il s’agit au sein de Québec solidaire de rapport entre nations toutes égales en droit. Se rend-elle compte qu’elle risque de reproduire à l’interne le chauvinisme blanc vis-à-vis les peuples autochtones et inuit avec toute sa condescendance méprisante ? C’est pour cette raison fondamentale que le congrès, à l’unanimité, a écouté le plaidoyer du groupe initiateur et non les réticences procédurales de la direction. De dire alors l’ex-candidate inuit : « Enfin, on nous écoute. »
Tout a commencé par l’affaire des « Chinois prédateurs » qui aurait pu être sans trop de gravité n’eut été de l’entêtement de la direction du parti qui a refusé de s’excuser. Le mal est fait du côté des communautés québécoises dites visibles dont deux personnes ex-candidates Solidaire issues de ce milieu ont blâmé publiquement le parti. Puis ce fut le débat sur voile où la base, heureusement, s’imposa fortement en congrès à une direction divisée mais penchant comme la tour de Pise vers une interdiction des signes religieux visant certaines personnes en position d’autorité. Le penchant nationaliste s’envenima durant l’été quand la direction, l’air de rien, refusa de condamner la déclaration anti-autochtone du maire d’Oka à propos de laquelle celui-ci finalement s’excusa une fois que l’affaire eut quitté la une médiatique.
La direction du parti refuse tant de critiquer la baisse des quotas de l’immigration de la CAQ que de proposer des seuils tenant compte de la nouvelle réalité de la hausse drastique des réfugiés du climat, des guerres et des abyssales inégalités néolibérales. Lors de la campagne électorale fédérale, le parti est resté motus et bouche cousue à propos du Bloc québécois devenu carrément raciste suite à son alignement sur le gouvernement de la CAQ. Non seulement le parti a-t-il ignoré le flirt ouvert du chef du Bloc avec un animateur populaire de « radio poubelle » d’extrême-droite en février dernier, mais contrairement à son ancienne porte-parole devenue porte parole d’Amnistie internationale, la direction Solidaire n’a pas dénoncé l’islamophobie évidente de quatre candidatures du Bloc que son chef n’a pas répudiées se contentant d’une commune plate excuse stéréotypée.
Opposer l’indépendantisme nationaliste à l’internationaliste indépendantisme écologiste et solidaire
Certes, le parti durcit son parti-pris indépendantiste mais sur la base d’une nationaliste volonté de transfert de pouvoirs et non d’un renforcement des liens organiques de la lutte indépendantiste avec les luttes climatiques et contre l’austérité. Une telle conception de l’indépendance à la mode des deux partis centristes catalans, ce qui conduit dans le mur, n’ouvre pas de brèche vers un Québec indépendant contribuant à libérer le monde du suicidaire capitalisme anthropocène et nucléaire et du fédéraliste Canada néolibéral et assimilateur.
Cet État canadien s’est construit sur la base du mépris des peuples soumis par la colonisation et l’expropriation des territoires autochtones et inuit, par le nettoyage ethnique et le dispersement de la nation acadienne, par la conquête et la non-reconnaissance constitutionnelle de la nation québécoise, par la ghettoïsation et le racisme envers les nationalités visibles. L’indépendance est en particulier une nécessaire séparation-libération d’un Canada axé sur le binôme pétrolier Calgary-Toronto. Elle est aussi pour le Québec la meilleure stratégie de solidarité mondiale des peuples pour se libérer du capitalisme des hydrocarbures.
Cette solidarité commence par le soutien aux luttes anti-pétrole, en particulier anti-pipelines, dans l’État canadien, en résonance avec la nôtre contre GNL-Québec. Le gouvernement NPD-Vert de la Colombie britannique est à la fois contre l’expansion de l’oléoduc Trans Mountain, propriété du gouvernement fédéral, et pour le gazoduc Coastal GasLink qui doit passer sur le territoire ancestral des Wet’suwet’en (https://journalmetro.com/opinions/maitee-labrecque-saganash/2414611/unistoten/). Ce gouvernement navigue sur l’opinion publique en pur opportuniste. S’impose d’appuyer les collectifs en lutte, peuples autochtones et mouvement écologique-climatique.
Formellement l’indépendance mange à tous les râteliers. Politiquement, dans le sillage de l’histoire de la construction de l’État canadien comme prison (dorée ?) des peuples provoquant une réaction de libération nationale, elle se fera à gauche ou ne se fera pas. L’échec de la stratégie péquiste « ni droite ni gauche mais en avant » le démontre. La polarisation sociale et politique du néolibéralisme a fermé la porte à la crédibilité même apparente de la stratégie étapiste, d’où la crise existentielle du PQ.
Plus fondamentalement, l’indépendance est une rupture supposant un certain degré de mobilisation populaire ce qu’abhorre la droite tenante du statu quo (et ce que craint la bureaucratie syndicale tenante de contrôle par le haut). Lors de rares décompositions de l’État central (URSS, Tchécoslovaquie, Yougoslavie), l’indépendance se fait à droite comme continuation du statu quo social en changeant seulement « le flag su’l hood » comme le disait l’ex Premier ministre du Canada Jean Chrétien. Elle ne recèle aucun contenu libérateur et a comme effet de plonger les peuples dans la droitière prostration nationaliste.
Rallier la jeunesse à l’indépendance par sa liaison organique avec l’écologisme du « prendre soin »
Ce qui menace en ce moment notre lutte indépendantiste est la désaffection d’une grande partie de la jeunesse. Elle ne ralliera « la cause » que si indépendantisme se conjugue avec écologisme et justice sociale. C’est là le défi politique de Québec solidaire qui est en train de rater la cible avec son Plan de transition capitaliste vert découplée de la nécessité de l’indépendance et avec sa campagne Ultimatum 2020 décrochée de la lutte (espérée) du secteur public et de toute dimension de « prendre soin » des gens.
Le travail dans les services publics est intrinsèquement climato-écologique. Non seulement les « soins » prodigués par les travailleuses socialisent-ils de semblables tâches domestiques faites gratuitement mais ces emplois nécessitent peu d’énergie mécanique (et beaucoup d’énergie humaine) tout en créant de riches rapports humains qui désaliènent de la solitude consumériste, en opposition à la société de consommation de masse qu’exige l’accumulation capitaliste.
« Prendre soin » des personnes est l’autre côté de la médaille de « prendre soin » de la terre-mère. L’urgence climatique telle qu’expliquée scientifiquement par le GIEC et dramatisée par les urgences climatiques impose l’interdiction des véhicules solos toutes catégories en zone urbaine d’ici 2030, de même que l’interdiction immédiate de la construction de maisons unifamiliales et en rangées.
Le paradigme auto solo-pétrole-unifamiliale doit être remplacé non pas par celui auto solo-électricité-condo du capitalisme vert perpétuant l’étalement urbain mais par le paradigme transport en commun (autobus, tramways, minibus, autopartage complémentaire) gratuit, fréquent, confortable, partout, électrifié et construit principalement au Québec sur toutes les autoroutes et boulevards existants mais sans en ajouter aucun. Le recours à une planification démocratiquement décidée mais d’application obligatoire rend la chose tout à fait possible comme a été possible la transformation de l’économie civile en économie de guerre en trois ans au début des années 1940. C’est cette alternative drastique, devenue nécessaire, que devrait populariser Ultimatum 2020, ce que cette campagne est à cent mille lieux de faire.
Une société du « prendre soin » est une société de plein emploi écologique et féministe...
Une société du « prendre soin » est aussi une société de plein emploi écologique et vice-versa. Un réinvestissement massif dans les services publics, anciens (santé, éducation, garderies, services sociaux) et nouveaux (banque publique, logement social éco-énergétique et collectivisé comme épine dorsale du secteur du logement, réhabilitation écologique de tous les bâtiments, transport en commun comme substitut à l’auto solo, agriculture biologique rurale et urbaine, programme d’efficacité énergétique et d’énergie renouvelable) créera énormément d’emplois stables et bien rémunérés.
Ces emplois remplaceront ceux supprimés tout aussi massivement dans le secteur des hydrocarbures, de l’extraction et de l’armement, dans la fabrication reposant sur l’obsolescence programmée et la mode et aussi sur la production de masse telle l’automobile, dans le marketing et la publicité, dans la logistique dont le camionnage, dans les secteurs boursouflés du commerce et de la finance mais non nécessairement dans les services privés aux personnes tels la restauration et les services communautaires et à domicile.
Ce sera un festival des emplois aujourd’hui féminins dans lesquels les hommes devront se recycler tout en se "démachoisant" car ce sera l’hécatombe pour leurs secteurs d’emploi d’aujourd’hui. À ce point que le mot d’ordre syndical de « transition juste », si juste soit-il, a un petit côté défensif et sexiste alors qu’il est tellement évident que la société de « prendre soin » créera des emplois nouveaux à profusion à l’épreuve de toute robotisation même s’ils pourront être soutenus mais non remplacés par l’intelligence artificielle.
Par contre, l’automatisation intelligente sera en mesure de remplacer en grande partie ces énergivores emplois extractivistes et manufacturiers qui resteront indispensables pour fabriquer les infrastructures et machineries nécessaires afin de collectivement nous loger, climatiser et transporter sans compter nourrir et vêtir chacune d’entre nous de façon créative mais sobrement. Dans ce contexte, l’équilibre de plein emploi durable sera atteint par l’ajustement du temps de travail à la baisse d’autant plus facilement que la cumulatrice et consumériste angoisse de la précarité et de la sécurité disparaîtra. De même qu’à court-terme dans les pays du vieil impérialisme, les flots de réfugiées viendront en renfort, grâce à des frontières ouvertes, dynamiser une population vieillissante.
… et un cadre idéologique et politique pour lutte contre les fermetures et la délocalisation
Cette perspective de plein emploi écologique doit servir de cadre pour appréhender les fermetures, relocalisations hors Québec et sous traitance des transnationales et autres grandes entreprises tels l’entrepôt d’aliments secs de Loblaws et l’usine de jouets de Mattell tous deux dans la région de Montréal supprimant plus de mille emplois stables. La fermeture ne prend pas soin des gens mais les rend malades physiquement et mentalement. La relocalisation-centralisation accroît la distance parcourue pour le transport. La robotisation, qui peut être souhaitable en autant qu’elle se fasse sans perte d’emplois, dans le cas d’entrepôts alimentaires consolide l’agro-industrie qui maximise la transformation standardisée aux dépens de la transformation sur place, qui peut être collective, des aliments frais ou en vrac de l’agrobiologie. Ajoutons-y les questions de la désyndicalisation et de la détérioration des salaires et conditions de travail, certainement une dimension du « prendre soin » des gens, mais sans tomber dans le protectionnisme nationaliste ce qui n’est pas le cas quand on lutte contre une délocalisation.
Étant donnée l’urgence climatique — il faut « paniquer » de répéter Greta Thunberg à Davos — les écologistes radicaux ne doivent pas craindre de mettre le paquet en termes revendicatifs malgré, au départ, un rapport de forces défavorable tant du côté de la volonté gouvernementale que de la conscience ouvrière étouffée par la bureaucratie syndicale. Il ne faut pas craindre, par exemple, de réclamer une pénalisation fiscale spécifique aux coupables et leur restriction de l’accès aux marchés québécois et canadien. Il ne faut pas avoir peur d’envisager une expropriation, y compris de la machinerie et des systèmes, doublée d’un soutien financier et technique pour une reprise en mains avec reconversion par une OSBL ou une coopérative.
Rappelons à cet égard le programme potentiellement fort radical de Québec solidaire malheureusement bien oublié dans le communiqué de presse du parti eut égard à la fermeture de l’entrepôt de Loblaws :
- Sous un gouvernement solidaire, les mises à pied importantes ou les fermetures d’entreprise devront être étudiées et approuvées ou refusées par une instance gouvernementale, afin de s’assurer que l’entreprise assume ses responsabilités sociales et environnementales.
- En cas de fermeture dans le cadre d’une délocalisation d’entreprise ou lorsque les propriétaires décident de la vendre, un gouvernement solidaire reconnaîtra le droit aux travailleuses et travailleurs de reconvertir l’entreprise en coopérative, le tout sans indemnisation à l’employeur. (Je souligne)
- Un gouvernement solidaire sanctionnera sévèrement les entreprises qui licencient alors qu’elles sont en situation économique favorable, notamment en les obligeant à rembourser à l’État toute aide ou tout avantage déjà accordé à l’entreprise. De plus, ces entreprises devront restituer les fonds de pension accumulés par les travailleuses et travailleurs concernés.
- Un gouvernement solidaire obligera les employeurs à se doter d’un plan pour reclasser les travailleuses et travailleurs licenciés dans un emploi similaire ou équivalent ; à fournir la formation requise pour requalifier les personnes licenciées qui n’ont pas pu se trouver un tel emploi et à indemniser substantiellement celles qui n’ont pas pu se trouver un emploi malgré les mesures précédentes.
Marc Bonhomme, 26 janvier 2020
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.c a
Un message, un commentaire ?